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25/07/2014 | FRANCE | N°13NC01099

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 juillet 2014, 13NC01099


Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2013, complétée par un mémoire enregistré le 10 février 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Launay, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1300560 du 20 mars 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 mars 2013 en tant que le préfet de la Moselle a refusé de l'admett

re au séjour en France et a ordonné sa remise aux autorités hongroises ;

3°) d'annuler l...

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2013, complétée par un mémoire enregistré le 10 février 2014, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Launay, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1300560 du 20 mars 2013 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 mars 2013 en tant que le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour en France et a ordonné sa remise aux autorités hongroises ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 15 mars 2013 dans cette mesure ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à Me Launay sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- il n'a pas été mis en mesure d'exercer ses droits dès lors que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui notifiant par un même arrêté la décision de remise aux autorités hongroises et son placement en rétention administrative ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles 19 et 20 du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; dès lors qu'il n'était pas en fuite, le préfet ne pouvait porter à dix-huit mois le délai de transfert prévu par les dispositions de l'article 20 du règlement CE n° 343/2003 du 18 février 2003 ; il appartenait au préfet de la Moselle, à la suite de l'acceptation de reprise en charge des autorités hongroises le 29 mars 2012, de lui notifier l'arrêté de remise et de procéder à son transfert dans le délai de 6 mois ; qu'en l'absence de remise aux autorités hongroises dans ce délai, la France est devenue depuis le 30 septembre 2012 l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; à compter de cette même date, il devait être admis provisoirement au séjour en France, en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

Vu la décision du Président du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 5 septembre 2013, refusant d'admettre M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en raison du caractère tardif de la demande ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2013, présenté par le préfet de la Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet fait valoir que :

- M. A...a reçu un formulaire traduit en langue perse sur les modalités d'application du règlement du 18 février 2003 ; l'intéressé a été informé dès le 19 mars 2012 de la mise en oeuvre de la procédure prévue par le règlement du 18 février 2003 ; lors d'un entretien le 21 novembre 2012, l'intéressé a indiqué vouloir regagner son pays librement plutôt que d'être reconduit en Hongrie ; il s'est maintenu irrégulièrement en France pendant quatre mois ; il a pu présenter des observations le 15 mars 2013 lors de son audition effectuée à 13 heures 35, la notification de l'arrêté de remise étant intervenue le même jour à 15 heures 30 ;

- les autorités hongroises ont accepté la réadmission de M. A...le 29 mars 2012 ; l'intéressé ne s'étant pas présenté aux rendez-vous qui lui avaient été fixés les 19 avril et 9 mai 2012 en vue d'organiser son éloignement vers la Hongrie, le préfet était fondé à le considérer en fuite et en a informé les autorités hongroises ; le délai de transfert de l'intéressé vers ce pays a ainsi pu être porté de six à dix-huit mois ;

Vu l'ordonnance du 28 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction le 18 février 2014 à 16 heures ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2014, le rapport de M. Laubriat, premier conseiller ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du règlement susvisé du 18 février 2003 : " 1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile conformément à l'article 4, paragraphe 5, et à l'article 16, paragraphe 1, points c), d) et e), s'effectue selon les modalités suivantes: a) la requête aux fins de reprise en charge doit comporter des indications permettant à l'État membre requis de vérifier qu'il est responsable; b) l'État membre requis pour la reprise en charge est tenu de procéder aux vérifications nécessaires et de répondre à la demande qui lui est faite aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de sa saisine. Lorsque la demande est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines ; c) si l'État membre requis ne fait pas connaître sa décision dans le délai d'un mois ou dans le délai de deux semaines mentionnés au point b), il est considéré qu'il accepte la reprise en charge du demandeur d'asile ; d) l'État membre qui accepte la reprise en charge est tenu de réadmettre le demandeur d'asile sur son territoire. Le transfert s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande aux fins de reprise en charge par un autre État membre ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d'effet suspensif ; e) l'État membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'État membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Cette décision est susceptible d'un recours ou d'une révision. Ce recours ou cette révision n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du transfert, sauf lorsque les tribunaux ou les instances compétentes le décident, au cas par cas, si la législation nationale le permet. / Si nécessaire, le demandeur d'asile est muni par l'État membre requérant d'un laissez-passer conforme au modèle adopté selon la procédure visée à l'article 27, paragraphe 2. / L'État membre responsable informe l'État membre requérant, le cas échéant, de l'arrivée à bon port du demandeur d'asile ou du fait qu'il ne s'est pas présenté dans les délais impartis. 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert ou à l'examen de la demande en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite. [...] " ;

2. Considérant que M.A..., ressortissant afghan, est entré sur le territoire français le 19 février 2012 et a sollicité son admission au bénéfice du statut de réfugié le 27 février 2012 ; que l'intéressé ayant déjà déposé plusieurs demandes d'asile en Hongrie, le préfet de la Moselle a saisi les autorités hongroises le 20 mars 2012 d'une demande de reprise en charge ; que les autorités hongroises ont fait connaître leur accord ; que par courrier du 9 mai 2012, le préfet a informé les autorités hongroises de la fuite de M. A...; que par arrêté du 15 mars 2013, le préfet de la Moselle a, d'une part, refusé d'admettre M. A... au séjour, d'autre part, décidé sa remise aux autorités hongroises, enfin, l'a placé en rétention administrative ; que M. A...relève appel du jugement en date du 20 mars 2013 seulement en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de sa demande tendant à annuler l'arrêté en date du 15 mars 2013 en tant que le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et a ordonné sa remise aux autorités hongroises ;

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Considérant que, par décision du 5 septembre 2013, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a refusé d'accorder à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, les conclusions de ce dernier tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

4. Considérant que les dispositions précitées de l'article 20 du règlement du 18 février 2003 prévoient que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de reprise en charge, ce délai pouvant être porté à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite " ; que la notion de fuite doit s'entendre, au sens de ces dispositions, comme visant le cas où le ressortissant étranger non admis au séjour se soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ;

5. Considérant qu'il est constant que le préfet de la Moselle n'a pas notifié à M. A... avant l'arrêté attaqué du 15 mars 2013 la décision du 29 mars 2012 par laquelle les autorités hongroises ont accepté de le reprendre en charge ; qu'il est également constant que le préfet de la Moselle n'a pas procédé au transfert du requérant en Hongrie dans le délai de six mois suivant cette décision, soit avant le 29 septembre 2012 ; que si le préfet de la Moselle soutient que ce délai a été porté à dix-huit mois par l'effet du 2 de l'article 20 du règlement n° 343/2003, la fuite du requérant n'est toutefois pas établie au vu des pièces du dossier ; que le fait pour M. A...de n'avoir pas répondu aux convocations des services de la préfecture des 19 avril et 9 mai 2012, en vue de l'organisation de son éloignement vers la Hongrie prévu le 10 septembre 2012, ne saurait en effet suffire à lui seul à établir que l'intéressé a pris la fuite, alors même qu'il s'est présenté spontanément à la préfecture les 31 août et 21 novembre 2012 ; que, dans ces conditions, M. A...ne peut être regardé comme s'étant soustrait de manière intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à la mesure d'éloignement le concernant ; que le préfet de la Moselle ne pouvant ainsi porter à dix-huit mois le délai de transfert, la France est devenue l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A...depuis le 30 septembre 2012 ; que, par suite, l'arrêté attaqué du 15 mars 2013 en tant qu'il porte refus d'admission au séjour et remise aux autorités hongroises est dépourvu de base légale et doit être annulé ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2013 du préfet de la Moselle en tant qu'il porte refus d'admission au séjour en France et remise aux autorités hongroises ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement du 20 mars 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 15 mars 2013 en tant qu'il porte refus d'admission au séjour et remise aux autorités hongroises, ensemble l'arrêté du préfet de la Moselle du 15 mars 2013 dans cette mesure.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

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N°13NC01099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01099
Date de la décision : 25/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-07-25;13nc01099 ?
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