Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société ID3A a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'enjoindre à FranceAgrimer de produire la décision qui aurait été prise le 7 avril 2006 par la commission nationale technique, de déclarer cette décision nulle et sans effet et d'annuler le titre exécutoire adressé le 8 février 2011 pour un montant de 145 255,08 euros.
Par un jugement n° 1102102 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 février 2015, le 3 juin 2015, le 29 octobre 2015 et le 30 octobre 2015, la société ID3A représentée par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102102 du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision portant rejet de la demande de reconnaissance, la décision prescrivant la restitution de la somme de 145 255,08 euros et le titre de recette annexé au courrier du 8 février 2011 ;
3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il méconnaît le principe du contradictoire et des droits de la défense, en ce qu'il ne répond pas à certains moyens et en ce qu'il a pris en compte un mémoire en défense signé par un agent incompétent ;
- le règlement (CE) n° 1432/2003 ne lui était pas applicable rationae temporis et lui a été appliqué rétroactivement ;
- l'application de ce règlement méconnaît en toute hypothèse les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- l'action en recouvrement était prescrite ;
- le titre de recette contesté est insuffisamment motivé ;
- l'administration a commis une erreur sur l'étendue de sa compétence en s'estimant en compétence liée dans l'application de l'article 21.4 du règlement (CE) n° 1432/2003 ;
- la décision du 9 octobre 2009 et le titre exécutoire émis le 2 février 2011 sont illégaux par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant à la société la reconnaissance de la qualité de producteur ;
- à supposer même que la requête soit regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2007, l'irrecevabilité de ces conclusions serait sans effet sur les conclusions principales ;
- à supposer que l'article 4 du règlement CE Euratom n° 2898/95 du 18 décembre 1995 puisse s'appliquer dans un domaine régi par une réglementation sectorielle, la substitution de base légale demandée par FranceAgriMer ne peut être opérée, dès lors que la société n'a pas commis d'irrégularité au sens de l'article 1er du même règlement, aucun texte ne lui imposant une obligation de résultat et enfin qu'elle n'entre pas, en tout état de cause, dans le champ d'application de l'article 4 ; qu'en outre, aucun de ses actes n'a porté préjudice au budget de l'Union.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 juin, le 15 juillet et le 30 octobre 2015, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société ID3A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
A titre principal,
- le jugement attaqué est régulier ;
- la demande de première instance était tardive et irrecevable s'agissant du titre de recette.
Subsidiairement,
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur sur la date d'expiration de la période de pré-reconnaissance ;
- l'action en recouvrement n'est pas prescrite ;
- le titre exécutoire est suffisamment motivé ;
- l'application du règlement (CE) n° 1432/2003 n'est pas entachée d'erreur de droit et ne méconnaît pas les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- l'administration était en situation de compétence liée pour récupérer les sommes indument versées ;
- la décision contestée n'est pas illégale en raison de l'illégalité du refus de reconnaissance de la société ID3A en tant qu'organisation de producteurs ;
- si le paragraphe 4 de l'article 21 du règlement (CE) n° 1432/2003 devait être regardé comme non applicable à l'espèce, il y aurait lieu, par substitution de base légale, de confirmer les mesures prises à l'égard de la société ID3A sur le fondement des articles 1 et 5 du règlement (CEE, Euratom) n° 12988/95 du 18 décembre 1995 relatif aux irrégularités de nature à porter préjudice au budget général des communautés.
Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2007 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 595/91 du conseil du 4 mars 1991 ;
- le règlement (CE) n° 2988/95 du conseil du 18 décembre 1995 ;
- le règlement (CE) n° 2200/96 du conseil du 28 octobre 1996 ;
- le règlement (CE) n° 412/97 de la commission du 3 mars 1997 ;
- le règlement (CE) n° 478/97 de la commission du 14 mars 1997 ;
- le règlement (CE) n° 20/98 de la commission du 7 janvier 1998 ;
- le règlement (CE) n° 1432/2003 de la commission du 11 août 2002 ;
- le règlement (CE) n° 1943/2003 de la commission du 3 novembre 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société ID3A.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 23 décembre 1998, le ministre de l'agriculture et de la pêche a accordé à la société ID3A en tant que groupement de producteurs de légumes, la préreconnaissance prévue par l'article 14 du règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996, lui donnant un délai de cinq ans au plus pour remplir les conditions lui permettant d'obtenir la reconnaissance comme organisation de producteurs au sens de l'article 11 du même règlement. Le plan de reconnaissance déposé par la société a été agréé à compter du 15 décembre 1998, date à laquelle a commencé à courir le délai de cinq ans. En application du règlement (CE) n° 2200/96, la société a perçu des aides au titre des quatre premières années du plan. Constatant que la société n'était pas parvenue à remplir l'une des conditions pour avoir la reconnaissance comme organisation de producteurs, tenant à ce que l'activité principale de la société ne consistait pas en la vente de produits de ses membres, le directeur de Viniflhor l'a informée le 15 mai 2007 que la commission nationale technique avait émis, le 7 avril 2006, un avis défavorable à la reconnaissance et qu'il envisageait de lui demander la restitution de la moitié des sommes qui lui avaient été versées au titre de la préreconnaissance. A la suite d'échanges avec la société et son conseil, le directeur de Viniflhor a réitéré le 9 octobre 2007 la demande de versement de la somme de 145 255,08 euros et a informé la société qu'il rejetait sa demande de paiement de l'aide correspondant au cinquième exercice du plan de reconnaissance. A la suite des observations de la société, le directeur de l'Etablisssement national des produits de l'agriculture de la mer (FranceAgriMer), successeur de Viniflhor, a adressé à la société, le 8 février 2011, une lettre confirmant les précédentes demandes de reversement et lui a notifié un titre de recette exécutoire émis le 2 février 2011 portant sur le reversement du montant antérieurement mentionné. La société ID3A interjette appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande et conclut à l'annulation de la décision rejetant sa demande de reconnaissance comme organisation de producteurs présentée le 1er décembre 2005, à l'annulation de la décision du 9 octobre 2007 portant restitution de la somme de 145 255,08 euros, ainsi qu'à celle du titre de recette du 2 février 2011.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2007 :
2. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2007 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables. Elles ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité :
3. Lorsqu'elle procède à la récupération d'une aide agricole régie par un texte de l'Union européenne, l'autorité administrative est nécessairement conduite à apprécier si les différents éléments constitutifs mentionnés par les textes applicables sont réunis, à vérifier que les délais de prescription de l'action tendant à la répétition de l'aide indûment perçue ne font pas obstacle au reversement et à se prononcer sur le montant et, le cas échéant, les modalités de celui-ci. L'appréciation de fait portée sur chacun de ces points exclut que l'administration puisse se trouver en situation de compétence liée rendant inopérants devant le juge les moyens de procédure invoqués à l'encontre de la décision de reversement.
4. Estimant que l'administration avait compétence liée pour demander à la société ID3A le remboursement des aides qui lui avaient été versées au cours de la période de préreconnaissance, le tribunal en a déduit que les moyens de procédure invoqués devant lui à l'encontre du titre de recette du 8 février 2011 devaient être écartés comme inopérants. Ce faisant, les premiers juge ont entaché le jugement d'une omission à statuer dès lors qu'en l'absence de compétence liée, ces moyens ne pouvaient être tenus pour inopérants. La société ID3A est donc fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne répond pas à ces moyens. Le jugement attaqué du 4 décembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg doit donc être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société ID3A devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur la recevabilité de la demande :
5. Contrairement à ce que soutient FranceAgriMer, le titre de recette exécutoire émis le 2 février 2011 et joint à la lettre du directeur de FranceAgriMer du 8 février 2011 adressée à la société ID3A, qui comportait des effets contraignants différents et a été édicté à la suite d'une procédure contradictoire engagée avec la société, n'avait pas un caractère confirmatif de la décision du 9 octobre 2007, alors même qu'il portait sur le remboursement d'une somme de même montant pour des motifs identiques. Ainsi, les conclusions de la demande de première instance dirigées contre ce titre de recette étaient recevables.
Sur le titre de recette du 2 février 2011 et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la demande :
6. L'article 14 du règlement (CE) n° 2200/96 du conseil du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, alors en vigueur, prévoit en son article 14 paragraphe 1 que les groupements de producteurs, qui ne remplissent pas l'ensemble des conditions prévues par les articles 11 à 13 pour être reconnus comme organisations de producteurs, peuvent "bénéficier d'une période transitoire maximale de cinq ans pour répondre aux conditions prévues par l'article 11. / A cette fin, ils présentent à l'Etat membre un plan de reconnaissance échelonné, dont l'acceptation fait courir le délai de cinq années visé au premier alinéa et équivaut à une préreconnaissance". Le paragraphe 2 a) du même article prévoit que les Etats membres peuvent accorder à ces groupements de producteurs, au cours des cinq années qui suivent la date de préreconnaissance "des aides destinées à encourager leur constitution et à faciliter leur fonctionnement administratif".
7. Pour demander à la société ID3A le reversement de la moitié des sommes qu'elle avait perçues au titre de la période de préreconnaissance, FranceAgriMer se fonde sur l'article 21 paragraphe 4 du règlement (CE) n° 1432/2003 de la commission du 11 août 2003 instaurant des dispositions nouvelles aux termes desquelles : " Les Etats membres récupèrent au moins 50% de l'aide payée en vertu des dispositions de l'article 14 du règlement (CE) n° 2200/96 si la mise en oeuvre du plan de reconnaissance ne mène pas à la reconnaissance, sauf en cas dûment justifié à la satisfaction de l'Etat membre".
8. Le plan de reconnaissance déposé par la société ID3A a été agréé à compter du 15 décembre 1998 pour une période de trois ans qui a été prolongée d'un an, la société ne remplissant alors pas les conditions pour obtenir la reconnaissance comme organisation de producteurs. Il ressort des pièces du dossier que la période de préreconnaissance s'est poursuivie après le 15 décembre 2002, la société n'ayant pas renoncé après le 15 décembre 2002 à parvenir à remplir les conditions pour obtenir la reconnaissance et l'administration l'ayant admis. Ainsi, la société ID3A doit être regardée comme n'ayant pas été en mesure d'obtenir la reconnaissance malgré la mise en oeuvre de son plan de reconnaissance, à la date du 15 décembre 2013, date d'expiration du délai de cinq ans. L'article 21 du règlement (CE) n° 1432/2003 étant entré en vigueur le 19 août 2003 en vertu de l'article 24, ses dispositions étaient dès lors immédiatement applicables à la société ID3A, sans que s'y opposent les dispositions du paragraphe 2 de l'article 2 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 prévoyant "qu'aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu'un acte communautaire antérieur à l'irrégularité ne l'a pas instaurée et sans que cette application comporte un effet rétroactif".
9. Cependant, il ressort des pièces du dossier et notamment des lettres du 10 mai 2007 de Viniflhor et du 8 février 2011 de FranceAgriMer, que les demandes de reversement adressées à la société ont eu pour seul motif l'absence de réalisation par la société d'une des conditions prévues par le règlement (CE) n° 2200/96 tenant à son activité principale, l'administration estimant que l'absence de cette seule condition devait nécessairement entraîner le remboursement de la moitié des sommes perçues. Dans ces conditions, l'administration n'a pas porté d'appréciation sur la proportion de restitution à opérer et n'a pas examiné les arguments exposés par la société dans son recours gracieux, tenant notamment à l'existence de circonstances économiques difficiles justifiant qu'elle n'ait pas été en mesure, malgré sa volonté et le fait qu'elle soit parvenue à réaliser les autres conditions exigées par les textes, de remplir une des conditions nécessaires à l'obtention de la qualité d'organisation de producteurs. Ainsi, l'administration n'a pas exercé le pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 21 paragraphe 4 du règlement (CE) n° 1432/2003 qui autorise l'autorité compétente à moduler la restitution et à ne pas exiger la restitution en cas dûment justifié.
10. FranceAgriMer fait toutefois valoir que, par substitution de base légale, elle était en mesure de demander la restitution contestée à la société ID3A sur le fondement de l'article 1er du règlement (CEE, EURATOM) n° 2988/95 du 18 décembre 1995 aux termes duquel : "(...) / 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues indirectement pour le compte des communautés, soit par une dépense indue", ainsi que sur le fondement de l'article 4 du même règlement qui prévoit que "1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu..." et de l'article 5 aux termes duquel "les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence peuvent conduire" à des sanctions administratives parmi lesquelles figure "la privation totale ou partielle d'un avantage octroyé par le règlement communautaire".
11. Toutefois, il ne résulte pas des dispositions du règlement (CE) n° 1432/2003 appliqué à la société ID3A, que le seul fait de ne pas atteindre les objectifs du plan de reconnaissance à l'issue de la période qu'il prévoit, faute de remplir toutes les conditions permettant la reconnaissance comme organisation de producteurs et sans que soit invoquée une attitude fautive de la société, constitue une irrégularité résultant d'une violation du droit communautaire ou d'une fraude entrant dans le champ d'application du règlement (CE, EURATOM) n° 2988/95 et justifiant l'application de ces sanctions.
12. Dans ces conditions, la société ID3A est fondée à soutenir que l'administration n'a pas fait application du pouvoir d'appréciation qu'elle tenait de l'article 21 paragraphe 4 du règlement n° 1432/2003 et qu'elle a irrégulièrement lié sa compétence. Ainsi, c'est à tort que FranceAgriMer a demandé à ID3A le remboursement de la moitié des aides qu'elle avait perçues. En conséquence, le titre de recette du 2 février 2011 doit être annulé.
Sur l'annulation de la décision refusant à la Société ID3A la reconnaissance de la qualité d'organisation de producteur :
13. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus et n'est pas contesté par la requérante, que la société ID3A ne remplissait pas les conditions pour obtenir la reconnaissance en tant qu'organisation de producteurs. En conséquence, les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle l'administration n'a pas accordé cette qualité à la société ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société ID3A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à payer à FranceAgriMer au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 1 500 euros à verser à la société ID3A au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Le titre de recette annexé au courrier du 2 février 2011 est annulé.
Article 3 : FranceAgriMer versera à la société ID3A une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société ID3A et les conclusions de FranceAgriMer tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ID3A et à FranceAgriMer.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 15NC00248