Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête n° 1200346, la société civile immobilière (SCI) DGS Immo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2011 par lequel le maire de Moulins-lès-Metz a retiré le permis de construire tacite qui lui avait été délivré le 18 novembre 2011.
Par une deuxième requête n° 1201653, la SCI DGS Immo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 15 février 2012 par lequel le maire de Moulins-lès-Metz a procédé au retrait du permis de construire tacite du 18 novembre 2011.
Par une troisième requête n° 1303405, la SCI DGS Immo a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Moulins-lès-Metz à lui verser une somme de 722 826 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement nos 1200346-1201653-1303405 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 28 novembre 2011 portant retrait de permis de construire tacite et rejeté les autres demandes de la SCI DGS Immobilisation.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2015, un mémoire enregistré le 27 août 2015 et un mémoire de production du 23 novembre 2015, la SCI DGS Immobilisation, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement nos 1200346-1201653-1303405 du 16 décembre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2012 ;
3°) de condamner la commune de Moulins-lès-Metz à lui verser une somme de 722 826 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Moulins-lès-Metz une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI DGS Immo soutient que :
- l'arrêté du 15 février 2012 méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- l'arrêté du 15 février 2012 méconnaît les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
- les motifs du retrait ne sont pas justifiés dès lors que son projet ne constitue pas une construction nouvelle, mais une extension d'un entrepôt préexistant ;
- aucune fraude n'entachait son permis de construire du 13 janvier 2005 qui ne pouvait donc être retiré au-delà du délai de trois mois prévu à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
- la responsabilité pour faute de la commune est engagée à raison du retrait illégal de son permis de construire du 13 janvier 2005 qui lui a causé un préjudice matériel évalué à 562 826 euros et un préjudice financier lié à la perte de marge envisagée pour la vente des appartements à réaliser de 160 000 euros ;
- l'arrêté du 28 novembre 2011 était illégal ce qui justifiait son annulation par le tribunal administratif de Strasbourg en raison de l'absence de respect de la procédure contradictoire préalable.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2015 et un mémoire de production du 23 novembre 2015, la commune de Moulins-lès-Metz, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI DGS Immo au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Moulins-lès-Metz soutient que :
- les moyens invoqués par la SCI DGS Immo à l'encontre de l'arrêté du 15 février 2012 ne sont pas fondés ;
- le non lieu à statuer doit être prononcé en ce qui concerne la requête n° 1200346 dès lors que l'arrêté du 28 novembre 2011 a été retiré de façon définitive par l'arrêté du 15 février 2012 ;
- la demande indemnitaire est injustifiée en l'absence de préjudice direct et certain, de faute de la commune et elle est irrecevable dès lors que la créance était prescrite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant la SCI DGS Immo et Me A...représentant la commune de Moulins-lès-Metz.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 janvier 2005, le maire de Moulins-lès-Metz a délivré à la SCI DGS Immo un permis de construire relatif à la transformation d'un entrepôt en quatre logements à réaliser sous forme de " loft ". Le maire a retiré cet arrêté le 6 mai 2008 au motif que le permis de construire était entaché de fraude. La SCI DGS Immo a sollicité la délivrance d'un nouveau permis de construire le 18 août 2011. Elle a bénéficié d'un permis de construire tacite à compter du 18 novembre 2011. Par un arrêté du 28 novembre 2011, le maire de Moulins-lès-Metz a retiré ce permis de construire. Par un arrêté du 15 février 2012, il a procédé au retrait de l'arrêté du 28 novembre 2011 ainsi que du permis de construire tacite délivré le 18 novembre 2011. Le 23 avril 2013, la SCI DGS Immo a présenté une demande indemnitaire à la commune de Moulins-lès-Metz tendant à la réparation du préjudice subi du fait du retrait du permis de construire délivré le 13 janvier 2005. La commune a refusé de faire droit à cette demande par une décision du 31 mai 2013. La SCI DGS Immo relève appel du jugement nos 1200346 - 1201653 - 1303405 du 16 décembre 2014 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. La commune de Moulins-lès-Metz demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement n° 1200346 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 28 novembre 2011.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 février 2012 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir procédé au retrait du permis de construire tacite du 18 novembre 2011 par un arrêté du 28 novembre 2011 qui ne respectait pas la procédure contradictoire visée à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le maire de Moulins-lès-Metz a indiqué à la SCI DGS Immo qu'il entendait régulariser la procédure suivie afin de confirmer le retrait de ce permis de construire par un courrier du 12 janvier 2012 avant d'organiser une réunion le 7 février 2012 au cours de laquelle les motifs du retrait ont pu être débattus et contestés par la SCI DGS Immobilisation. Ces éléments intervenus préalablement à la signature de l'arrêté du 15 février 2012 ont mis la SCI DGS Immo à même de discuter des motifs du retrait contesté et de comprendre que le maire de Moulins-lès-Metz allait, par l'arrêté qu'il envisageait de prendre postérieurement à la réunion du 7 février 2012, procéder tant au retrait de l'arrêté du 28 novembre 2011 qui était entaché d'illégalité qu'au retrait du permis de construire tacite du 18 novembre 2011. La SCI DGS Immo, qui a d'ailleurs complété son argumentation par un courrier du 10 février 2012, n'est en conséquence pas fondée à soutenir que le retrait de son permis de construire tacite intervenu le 15 février 2012 l'a été en méconnaissance des exigences de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " (...) Le permis de construire (...) tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 février 2012 portant retrait du permis de construire tacite délivré à la SCI DGS Immo le 18 novembre 2011 a été notifié le 16 février à " M. D...E... " à l'adresse déclarée par le pétitionnaire dans sa demande de permis de construire. Il s'ensuit que la SCI DGS Immo, qui ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la personne ayant signé l'avis de réception dans l'encadré relatif au destinataire ou au mandataire de ce destinataire, n'ait pas été M. D...lui-même, n'est pas fondée à soutenir que le retrait de son permis de construire tacite est intervenu au-delà du délai de trois mois prévu à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme.
6. En troisième lieu, la SCI DGS Immo soutient que les motifs pour lesquels la commune a procédé au retrait de son permis de construire tacite sont erronés.
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI DGS Immo consistait à transformer un immeuble à usage d'entrepôt en un immeuble à usage d'habitation sous forme de loft prolongé par une terrasse et des places de parkings situé à cheval dans les zones UC A et NC du plan d'occupation des sols. Par l'arrêté du 15 février 2012, le maire de Moulins-lès-Metz a procédé au retrait du permis de construire tacite délivré à la SCI DGS Immo le 18 novembre 2011 au motif que celui-ci était entaché d'illégalité dès lors que le projet ne consistait pas en l'extension d'une construction préexistante, mais en la réalisation d'une construction nouvelle méconnaissant les règles des articles UC A6 et UC A7 du règlement du plan d'occupation des sols.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des dossiers de demande des permis de construire délivrés les 15 janvier 2005 et 18 novembre 2011, que le projet consiste non pas en l'aménagement et l'extension d'un immeuble préexistant, mais en la démolition d'un hangar artisanal devant permettre la reconstruction d'un immeuble collectif à usage d'habitation devant abriter quatre logements. Compte-tenu du remplacement de la quasi-totalité des murs porteurs et de la couverture ainsi que du changement de destination des locaux réalisés, la seule circonstance que le pétitionnaire ait cherché à inscrire le nouveau bâtiment dans le volume initial du hangar n'est pas en l'espèce de nature à lui permettre de faire regarder le projet comme le simple réaménagement d'une construction existante qui ne serait pas soumis aux règles d'implantation visées par le règlement du plan d'occupation des sols. La SCI DGS Immo n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le maire de Moulins-lès-Metz lui a opposé le motif tiré de la méconnaissance des articles UC A6 et UC A7 du règlement du plan d'occupation des sols applicables aux nouvelles constructions.
9. La SCI DGS Immo ne conteste d'ailleurs pas non plus sérieusement le motif tiré de la méconnaissance de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols que lui a opposé la commune dans ses écritures de première instance. Cet article NC 1 n'autorise que les constructions à usage agricole ou les extensions mineures de constructions existantes à usage d'habitation au nombre desquelles ne figure pas le projet litigieux, ainsi que l'admet d'ailleurs la société requérante dans ses écritures d'appel. Il s'ensuit que le motif tiré de la méconnaissance de ces dispositions justifiait également le retrait du permis de construire tacite obtenu le 18 novembre 2011.
10. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que c'est à tort que par son arrêté du 15 février 2012, le maire de Moulins-lès-Metz a procédé au retrait de son permis de construire tacite au motif qu'il était entaché d'illégalité, ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI DGS Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2012 portant retrait de son permis de construire tacite.
Sur l'appel incident :
12. Par son arrêté du 28 novembre 2011, le maire de Moulins-lès-Metz a procédé au retrait du permis de construire tacite délivré le 18 novembre 2011 à la SCI DGS Immo. Par son arrêté du 15 février 2012, il a procédé au retrait de l'arrêté du 28 novembre 2011 portant retrait du permis de construire. L'arrêté du 15 février 2012 étant devenu définitif en ce qui concerne le retrait de l'arrêté du 28 novembre 2011, la demande de la SCI DGS Immo était devenue sans objet à la date du jugement contesté. La commune de Moulins-lès-Metz est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement contesté a annulé l'arrêté du 28 novembre 2011. Il s'ensuit que l'article 1er du jugement du 16 décembre 2014 doit être annulé et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2011.
Sur la demande indemnitaire :
13. La SCI DGS Immo soutient que l'arrêté du 6 mai 2008 par lequel le maire de Moulins-lès-Metz a procédé au retrait de son permis de construire délivré le 13 janvier 2005 est entaché d'illégalité et que cette illégalité fautive lui a causé des préjudices matériel et financier dont elle est fondée à demander la réparation à hauteur de, respectivement 562 826 euros et 160 000 euros.
14. La commune fait valoir que la créance dont se prévaut la société requérante est prescrite et que la demande indemnitaire doit, par conséquent, être rejetée.
15. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. / (...) ".
16. Le délai de quatre ans, au-delà duquel la créance dont se prévaut la SCI DGS Immo à l'encontre de la commune à raison de l'illégalité de l'arrêté du 6 mai 2008 portant retrait de son permis de construire est prescrite, a commencé à courir à compter du 1er janvier 2009.
17. La SCI DGS Immo soutient que ce délai a été interrompu, en application de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, par l'acte d'assignation introduit devant le juge des référés civils du tribunal de grande instance de Metz qu'elle a présenté à la commune de Moulins-lès-Metz le 24 février 2012 tendant à rendre commune les ordonnances du 3 mars 2009, du 29 mars 2011 et du 10 mai 2011 désignant M. F...comme expert à la commune de Moulins-lès-Metz. L'expertise en cause a toutefois été ordonnée dans le cadre du litige relatif aux demandes de résolution de la vente par les acquéreurs des logements à construire et à l'action en responsabilité que la SCI DGS Immo envisageait d'initier à l'encontre de l'architecte ayant constitué le dossier de demande de permis de construire. L'acte d'assignation du 24 février 2012 dont se prévaut la société n'a ainsi pu avoir pour effet d'interrompre le délai de prescription précité dès lors que l'expertise ordonnée en référé n'était pas relative au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance revendiquée par la SCI DGS Immo sur la collectivité publique. La commune de Moulins-lès-Metz est ainsi fondée à soutenir que le 23 avril 2013, soit la date à laquelle elle a été rendue destinataire de la réclamation indemnitaire de la SCI DGS Immo, la créance dont la société se prévalait était prescrite en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI DGS Immo n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Moulins-lès-Metz qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI DGS Immo demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Moulins-lès-Metz présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SCI DGS Immo tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2011.
Article 3 : Le surplus de la demande de la SCI DGS Immobilisation présentée dans la requête n° 1200346 et le surplus de ses conclusions sont rejetés.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Moulins-lès-Metz est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI DGS Immobilisation et à la commune de Moulins-lès-Metz.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
''
''
''
''
2
N° 15NC00281