Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 8 février 2013 de l'inspecteur du travail refusant à l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (ADAPEI) de Haute-Saône l'autorisation de procéder à son licenciement et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1301265 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 19 février et 23 juin 2015 ainsi que le 16 mars 2016, Mme B..., représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 2 août 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le ministre du travail n'a pas respecté le délai de 4 mois prévu par les dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail pour statuer sur le recours hiérarchique de l'ADAPEI de Haute-Saône ;
- la décision du ministre du travail du 2 août 2013 est insuffisamment motivée ;
- la procédure de licenciement suivie par l'ADAPEI de Haute-Saône est irrégulière ; Mme B...n'a pas fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire ; il n'a pas été procédé à un signalement auprès du procureur de la République ; elle n'a eu connaissance de l'attestation de Mme C...qu'au cours de la procédure devant le tribunal administratif ;
- les fautes qui ont justifié la décision ministérielle litigieuse ne sont pas établies ;
- le lien entre le mandat de déléguée du personnel exercé par Mme B...et son licenciement est établi.
Par des mémoires enregistrés les 27 avril, 6 juillet et 6 novembre 2015, l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés (ADAPEI) de Haute-Saône, représentée par Me G...-H..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette la charge de Mme B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Une mise en demeure a été adressée le 10 juin 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tréand, président assesseur,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de MeF..., représentant Mme B...et de MeG..., représentant l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
1. Considérant que, déléguée du personnel, MmeB..., éducatrice spécialisée, travaillait depuis 2006 au sein du service de la Cascade de l'institut médico-éducatif (IME) Aurore situé à Gray, qui accueille des enfants autistes ; que, le 6 décembre 2012, l'ADAPEI de Haute-Saône a demandé l'autorisation de la licencier ; que, par décision du 8 février 2013, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de procéder à son licenciement ; que sur recours hiérarchique de l'ADAPEI de Haute-Saône, par décision du 2 août 2013, le ministre du travail de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de MmeB..., ne retenant que certains des griefs faits à cette dernière par son employeur ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant, d'une part, qu'il est reproché à Mme B...d'avoir jeté un verre d'eau au visage de l'enfant Laura sans que les circonstances de cet agissement soient précisées ; que s'il ressort des pièces du dossier que d'autres agents agissaient de la sorte, la seule attestation émanant de MmeC..., datée du 29 octobre 2012, qui vise de telles pratiques répétées attribuées à deux éducatrices spécialisées et à une monitrice éducatrice, ne permet pas à elle seule d'établir que Mme B...aurait " jeté au visage de l'enfant Laura un verre d'eau en réplique à un comportement semblable ", les attestations produites par l'appelante et émanant du directeur de l'IME en poste à la date du fait reproché, de la chef du service de la Cascade et d'un moniteur éducateur non mis en cause contredisant radicalement la version de Mme C...dont il n'est pas sérieusement contestée qu'elle est revenue ultérieurement sur ses propos ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de la décision litigieuse, il est reproché à Mme B...de retirer " à l'enfant Claude son objet transitionnel lequel était généralement un scoubidou dont la présence était présumée calmer l'enfant et faciliter sa communication " puis " de filmer la crise de colère de l'enfant qui en résultait " ; que si le ministre intimé fonde ce fait sur des attestations émanant de MmeA..., de Mme C...et de Mme D..., agents non titulaires ayant peu d'expérience dans l'encadrement d'enfants autistes, il ressort desdites attestations que seule MmeD..., agent contractuel, met en cause Mme B... ; que le fait de demander à Claude, enfant autiste, de se séparer momentanément lors de la phase d'accueil de ses objets transitionnels, était une pratique à visée éducative permettant d'assurer le développement et les interactions sociales de l'enfant qui avait été validée en réunions pluridisciplinaires auxquelles certes n'assistaient que les personnels titulaires ; que les agents du service procédaient de la sorte sans que cette pratique révèle un manquement professionnel quand bien même l'enfant Claude percevait parfois mal la séparation ; qu'en revanche, il n'est nullement établi que des vidéos auraient été réalisées à ces occasions comme en atteste le directeur de l'IME Aurore qui plaçait, seul, les vidéos réalisées dans le service sur un serveur ;
5. Considérant, enfin, que, d'après le ministre intimé, Mme B..." a contraint l'enfant Claude à manger des fraises, alors qu'il n'appréciait pas ce fruit " ; qu'il a fondé cette appréciation sur une attestation de MmeD... ; qu'il ressort de la fiche de projet rédigé le 1er juin 2010 par Mme B...que Claude acceptait désormais de manger des fruits ; que, le 14 avril 2011, le dessert servi au déjeuner était composé de fraises ; qu'après qu'une aide médico-psychologique eut échoué à faire avaler à Claude ses fruits, Mme B... est intervenue, aidée d'une autre éducatrice spécialisée, sans plus de succès ; qu'il ressort des attestations des deux témoins de la scène qu'elle n'a usé d'aucune violence bien que l'enfant l'ait mordue ;
6. Considérant, qu'ainsi, le caractère fautif des faits reprochés à Mme B...n'est pas démontré ; que, d'ailleurs, alors que leur existence aurait été révélée le 1er octobre 2012, Mme B...n'a pas été mise à pied à titre conservatoire et aucun signalement n'a été fait par quiconque au procureur de la République ; qu'à la suite du premier entretien préalable qui s'est tenu le 25 octobre 2012, aucune sanction disciplinaire n'était envisagée ; que le 3 décembre 2012, le comité d'entreprise a émis, à la quasi-unanimité, un vote défavorable au licenciement de l'intéressée ; que Mme B...est restée en poste jusqu'au 20 août 2013, date de son licenciement, continuant à s'occuper des enfants Laura et Claude ; que la psychologue clinicienne qui intervenait mensuellement dans l'unité la Cascade de novembre 2010 à décembre 2012 a d'ailleurs mis en évidence, outre l'absence d'actes de maltraitance, les progrès réalisés par ces deux enfants ; qu'il suit de là que le ministre ne pouvait se fonder sur l'existence d'une faute d'une gravité suffisante pour annuler la décision de l'inspecteur du travail du 8 février 2013 refusant d'accorder l'autorisation de licencier MmeB... ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 8 février 2013 de l'inspecteur du travail qui a refusé à l'ADAPEI de Haute-Saône l'autorisation de procéder à son licenciement et a autorisé son licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes des dispositions figurant à l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ;
9. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
10. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées font obstacle à ce que l'ADAPEI de Haute-Saône, partie perdante, puisse se voir allouer la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2014, ensemble la décision du 2 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 8 février 2013 de l'inspecteur du travail qui a refusé à l'ADAPEI de Haute-Saône l'autorisation de procéder au licenciement de Mme B...et a autorisé son licenciement, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 500 (mille-cinq-cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'ADAPEI de Haute-Saône tendant à la condamnation de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B..., à l'ADAPEI de Haute-Saône et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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