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21/06/2016 | FRANCE | N°15NC00280

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2016, 15NC00280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier spécialisé (CHS) de Sarreguemines a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, de condamner les sociétés Serge Gaussin Architecture, SNC-Lavalin et Bureau Veritas à lui verser, chacune, la somme, avant actualisation, de 49 025,30 euros et, à titre subsidiaire, de les condamner in solidum, à lui verser la somme, avant actualisation, de 147 075,90 euros.

Par jugement n° 1305581 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a :

1°)

condamné solidairement les sociétés Serge Gaussin Architecture, SNC-Lavalin et Bureau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier spécialisé (CHS) de Sarreguemines a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, de condamner les sociétés Serge Gaussin Architecture, SNC-Lavalin et Bureau Veritas à lui verser, chacune, la somme, avant actualisation, de 49 025,30 euros et, à titre subsidiaire, de les condamner in solidum, à lui verser la somme, avant actualisation, de 147 075,90 euros.

Par jugement n° 1305581 du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a :

1°) condamné solidairement les sociétés Serge Gaussin Architecture, SNC-Lavalin et Bureau Veritas à verser au CHS de Sarreguemines la somme de 142 757,90 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013, les intérêts échus à la date du 13 décembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant pour produire eux-mêmes des intérêts ;

2°) condamné les sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin à garantir la société Bureau Veritas à hauteur de la somme de 128 482,11 euros, augmentée des intérêts ;

3°) mis solidairement à la charge des sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin la somme de 3 886,20 euros et à la charge de la société Bureau Veritas la somme de 431,80 euros au titre des frais d'expertise devant être remboursés au centre hospitalier.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2015, la société Serge Gaussin Architecture (SGA) et la société SNC-Lavalin, représentées par MeC..., demandent à la cour, avant dire droit, d'ordonner une nouvelle expertise et de leur réserver le droit de conclure au fond au vu du rapport d'expertise à intervenir.

Elles soutiennent que le rapport de l'expert désigné en référé est insuffisant ; il ne détaille pas l'étendue des désordres affectant les faux plafonds du sous-sol du bâtiment n° 11 du CHS abritant la cuisine centrale de l'hôpital ; il n'a pas tenu compte des aménagements effectués qui ont eu pour effet de limiter fortement les phénomènes de condensation qui n'existent plus qu'au niveau du local " stockage/distribution " ; l'expert ne pouvait donc conclure qu'il fallait traiter l'ensemble des plénums du sous-sol ; il est nécessaire de prescrire une nouvelle expertise procédant à un relevé précis et détaillé des désordres et à une appréciation motivée de l'étendue des dommages, de la nature et du coût des travaux nécessaires et suffisants pour remédier aux seuls désordres qui subsistent.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2015, la société Bureau Veritas, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 19 décembre 2014 en tant qu'il a retenu sa responsabilité et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de prendre acte de ce qu'elle s'associe à la demande des sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin qui sollicitent une nouvelle expertise ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de limiter toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à une part n'excédant pas 5 à 10 % de responsabilité et de condamner in solidum les sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de condamner tout succombant à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrôleur technique ne figure pas au rang des personnes visées par les dispositions de l'article 1792 du code civil puisqu'il n'est ni locateur d'ouvrage, ni architecte, ni maître d'oeuvre ; sa responsabilité ne pouvait être engagée au titre des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation que dans les limites de la mission que lui a confiée le maître d'ouvrage ; or, les griefs formulés à son encontre sont totalement étrangers à sa mission ;

- si sa responsabilité était retenue, elle ne pourrait dépasser 5 à 10% ; une condamnation solidaire avec le groupement de maîtrise d'oeuvre est inconcevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2016, le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ainsi que les conclusions de la société Bureau Veritas ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué seulement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Bureau Veritas dans la survenance des désordres et alors de condamner solidairement les sociétés SGA et SNC-Lavalin à lui verser la somme de 142 757,90 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés, ainsi qu'à lui rembourser les frais de justice de première instance ;

3°) de condamner les sociétés SGA, SNC-Lavalin et Bureau Veritas à lui verser respectivement la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête des sociétés SGA et SNC-Lavalin est irrecevable ; d'une part, elle est dépourvue de moyen d'appel ; elle ne comprend aucune critique du jugement ; d'autre part, les sociétés appelantes ne concluent qu'à la prescription d'une nouvelle expertise sans demander l'annulation ou la réformation du jugement ;

- les conclusions formées par la société Bureau Veritas sont également irrecevables ; d'une part, elles ont été formées au-delà de l'expiration du délai d'appel et ne peuvent, en tout état de cause, régulariser l'irrecevabilité de la requête formée par les sociétés SGA et SNC-Lavalin ; d'autre part, les conclusions d'appel incident sont irrecevables dès lors que les conclusions d'appel principal le sont aussi et portent sur des moyens distincts de l'appel principal ;

- l'expert judiciaire a correctement rempli sa mission ; les premiers juges pouvaient en tenir compte ;

- la responsabilité des sociétés appelantes et de la société Bureau Veritas était engagée dans les conditions retenues, à bon droit, par le tribunal administratif ;

- dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas la responsabilité de la société Bureau Veritas, elle devra condamner les seules sociétés appelantes à réparer l'entier dommage qu'il a subi.

Par ordonnance du 8 mars 2016, la clôture de l'instruction a été fixée le 11 avril 2016 à 16 heures.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué formées par la société Bureau Veritas.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand, président,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines.

1. Considérant que le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines a confié, par acte d'engagement du 9 octobre 2003, la maîtrise d'oeuvre de la restructuration et de l'extension de l'unité de production de repas du bâtiment n° 11 à la société Thales Architecture, aux droits de laquelle vient la société Serge Gaussin Architecture (SGA), mandataire d'un groupement solidaire composé également de la société SIRR Ingénierie, bureau d'études techniques, à laquelle a succédé la société SNC-Lavalin, et de la société Restho-Conseil ; que la société Bureau Veritas s'est vu confier une mission de contrôle technique par acte d'engagement conclu le 14 mars 2003 ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 5 novembre 2008, avec effet au 30 juin 2008 ; qu'à la suite de l'apparition de problèmes de condensation au sous-sol du bâtiment réhabilité et en l'absence d'une résolution amiable du litige, le centre hospitalier a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à prescrire une expertise à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 26 avril 2010 ; que les opérations d'expertise ont été étendues à la société Bureau Veritas par ordonnance du 16 février 2011 ; que l'expert a rendu son rapport le 15 avril 2013 ; que, par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a, sur le fondement de la garantie décennale, condamné solidairement les sociétés SGA, SNC-Lavalin et Bureau Veritas à verser au centre hospitalier la somme de 142 757,90 euros, condamné les sociétés SGA et SNC-Lavalin à garantir la société Bureau Veritas à hauteur de la somme de 128 482,11 euros, et mis à la charge solidaire des sociétés SGA, SNC-Lavalin et Bureau Veritas les frais d'expertise ; que les sociétés SGA et SNC-Lavalin interjettent appel de ce jugement et demandent à la cour d'ordonner une nouvelle expertise et de leur réserver le droit de conclure au vu du rapport d'expertise à intervenir ; que, par la voie d'un appel provoqué, la société Bureau Veritas demande l'annulation du jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité ;

Sur les conclusions des sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines :

2. Considérant que les sociétés SGA et SNC-Lavalin prétendent que l'expert désigné en référé aurait rendu un rapport incomplet en ne décrivant pas avec exactitude les désordres existants à la date du dépôt de son rapport le 15 avril 2013, et n'aurait pas tenu compte de la disparition des phénomènes de condensation dans les plénums des faux plafonds du sous-sol du bâtiment n° 11 " cuisine " en dehors du local " stockage/distribution " ; que, toutefois, après avoir effectué cinq réunions contradictoires sur place les 21 juin 2010, 29 octobre 2010, 30 mars 2011, 10 juillet 2012 et 12 septembre 2012, l'expert a considéré que les solutions mises en place pour empêcher l'apparition de noirceurs, champignons et moisissures sur les faux plafonds du sous-sol, consistant à mettre en place plusieurs déshumidificateurs d'air et grilles d'aération dans les faux plafonds, ne permettaient que de limiter les risques de condensation mais pas de remédier durablement aux désordres existants qui rendaient la cuisine centrale de l'hôpital impropre à sa destination ; que, d'ailleurs, l'expert a répondu sur ce point au dire du 18 mars 2013 que lui ont adressé les sociétés appelantes ; qu'ainsi, il a accompli complètement sa mission ; que, par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à demander à la cour de prescrire une nouvelle expertise qui présenterait un caractère frustratoire ; que, par ailleurs, si elles s'appuient sur les comptes-rendus établis par M. A... du " réseau d'experts construction indépendants ", intervenant comme expert à la demande de la caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (CMABTP), assureur des sociétés défenderesses, pour contester le bien-fondé de certaines des conclusions de l'expert, comme elles l'avaient fait succinctement en première instance, cette circonstance n'est pas de nature à justifier que soit ordonnée une nouvelle expertise ;

Sur l'appel provoqué de la société Bureau Veritas :

3. Considérant que le rejet de l'appel principal formé par les sociétés Serge Gaussin Architecture (SGA) et SNC-Lavalin n'aggravant pas la situation de la société Bureau Véritas, les conclusions d'appel provoqué de la société Bureau Veritas, qui ne peuvent être qualifiées d'appel principal puisqu'elles ont été formées postérieurement à l'expiration du délai d'appel, doivent être rejetées comme étant irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge solidaire des sociétés SGA et SNC-Lavalin le versement au centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines de la somme de 1 500 euros ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du CHS de Sarreguemines tendant à la condamnation de la société Bureau Veritas sur le fondement des mêmes dispositions ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Bureau Veritas tendant à la condamnation des sociétés SGA et SNC-Lavalin sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Serge Gaussin Architecture et SNC-Lavalin verseront solidairement au centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines est rejeté.

Article 4 : Les conclusions d'appel provoqué et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative formées par la société Bureau Veritas sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Serge Gaussin Architecture, à la société SNC-Lavalin, à la société Bureau Veritas et au centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines.

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N° 15NC00280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00280
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise - Caractère frustratoire.

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Appel provoqué.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : HSKA AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-21;15nc00280 ?
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