Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 7 mars 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique.
Par un jugement n° 1300984 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
I. Sous le n° 15NC01732, par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août 2015 et 21 septembre 2016, MeC..., administrateur judiciaire de la SAS Gorcy La Roche et MeG..., liquidateur judiciaire de la même société, représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande formée par M. F...B...devant le tribunal administratif de Nancy.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas établi que le salarié avait les compétences pour exercer ses fonctions au sein du groupe néerlandais ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur la législation applicable de l'éventuel pays d'accueil en matière de reclassement ;
- la réduction à quatre jours du délai de réflexion prévu par l'article L. 1233-4-1 du code du travail a été demandée par les salariés et les organisations syndicales ;
- le licenciement de M. B...avait une cause économique ; M. B...ne peut le contester puisqu'il s'est porté volontaire pour figurer dans le plan de restructuration de la société Gorcy La Roche.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 octobre 2015 et 23 septembre 2016, M. F...B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
- les autres moyens qu'il avait soulevés en première instance conduisent à lui donner satisfaction et à confirmer le jugement attaqué.
II. Sous le n° 15NC01727, par une requête, enregistrée le 3 août 2015, la société thiernoise de participations industrielles (STPI), devenue ACILAM, représentée par Me H... et MeE..., demande à la cour :
1°) de constater qu'elle n'est pas venue aux droits de la société Gorcy La Roche ;
2°) de constater que le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 juin 2015 ne lui est pas opposable ;
3°) de rejeter toute demande formée par M. B...à son égard.
Elle soutient que :
- M. B...faisait partie des salariés licenciés pour motif économique dans le cadre du plan de cession arrêté par le jugement du tribunal de commerce de Briey du 26 juillet 2012 conformément aux dispositions de l'article L. 642-5 du code de commerce ; les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne lui sont donc pas applicables ;
- le bénéficiaire du plan de cession n'est pas la STPI mais la société Gorcy qui s'y est substituée.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société thiernoise de participations industrielles tendant à ce que la cour constate qu'elle n'est pas venue aux droits de la société Gorcy La Roche et que le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 juin 2015 ne lui est pas opposable.
Un mémoire, enregistré le 15 septembre 2016, a été présenté pour la société thiernoise de participations industrielles (STPI), devenue ACILAM, en réponse au moyen d'ordre public soulevé d'office par la cour.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- les observations de MeD..., représentant Me C...et MeG...,
- et les observations de MeA..., représentant M.B....
Une note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2016, a été présentée par Me D...pour Me C...et MeG....
Sur la jonction :
1. Considérant que les requêtes susvisées formées, d'une part, par Me C...et Me G..., et, d'autre part, par la société thiernoise de participations industrielles, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 15NC01732 :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise " ; qu'aux termes des deux derniers alinéas de l'article L. 642-5 du code de commerce, relatif aux plans de cession arrêtés par le tribunal de commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire : " Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ont été consultés dans les conditions prévues à l'article L. 321-9 du code du travail et l'autorité administrative compétente informée dans les conditions prévues à l'article L. 321-8 du même code. Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement. Dans ce délai, ces licenciements interviennent sur simple notification du liquidateur, ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail. / Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéficiant d'une protection particulière en matière de licenciement, ce délai d'un mois après le jugement est celui dans lequel l'intention de rompre le contrat de travail doit être manifestée " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoit des licenciements devant intervenir dans le mois suivant le jugement, les contrats de travail des salariés licenciés en exécution de ce jugement ne sont pas transférés à l'entreprise cessionnaire ; que, par suite, l'entreprise cédante demeure l'employeur de ces salariés, y compris lorsqu'ils bénéficient d'un statut protecteur, et elle ne peut les licencier, en application de l'article L. 1233-4 du code de travail, que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;
5. Considérant que, par un jugement du 26 juillet 2012, le tribunal de commerce de Briey a arrêté un plan de cession de la SAS Gorcy la Roche au profit de la société thiernoise de participations industrielles (STPI) prévoyant le licenciement de 26 salariés, parmi lesquels figurait M. B...qui était employé en qualité d'ouvrier cisailleur et était délégué du personnel, membre du comité d'entreprise et délégué syndical ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il appartenait à la société cédante et notamment à son administrateur provisoire MeC..., de rechercher les possibilités de reclasser M. B...sur un autre poste de travail avant éventuellement, en cas d'impossibilité d'y procéder, d'engager une procédure de licenciement à son encontre ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé, avant que n'intervienne l'autorisation de licenciement, à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SAS Gorcy La Roche, qui exerçait l'activité de laminage à froid de feuillards d'acier à Montigny-sur-Chiers, était détenue par le groupe sidérurgique allemand Theis ; que ce dernier avait été acquis en janvier 2012 par le groupe FNsteel, appartenant au groupe néerlandais Van den Homberg Holding BV ;
8. Considérant que, si par un courrier en date du 27 juillet 2012, Me C...a demandé à M. B...s'il souhaitait recevoir des offres de reclassement émanant des sociétés filiales du groupe situées hors du territoire national, il a limité ses recherches aux seules filiales du groupe Theis ; qu'il n'a engagé aucune démarche auprès des autres filiales du groupe Van den Homberg Holding BV, dont les requérants ne démontrent pas qu'il rencontrait des difficultés économiques à cette date, et notamment des sociétés du groupe FNsteel, opérant elles aussi dans le secteur sidérurgique, et dont il n'est pas contesté que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation situé dans un pays de l'Union européenne permettaient d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel, compte tenu notamment du principe de liberté de circulation des travailleurs ;
9. Considérant, par suite, que MeC..., administrateur provisoire de la SAS Gorcy La Roche, sur lequel pèse la charge de la preuve des démarches qu'il a entreprises, ne démontre pas avoir satisfait à l'obligation qui lui incombait de rechercher les possibilités de reclassement de M. B... ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-4-1 du code du travail : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. / Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus. / Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir " ;
11. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du courrier du 27 juillet 2012 que Me C... a limité à quatre jours ouvrables le délai de réflexion dont disposait M.B... ; que, par suite, et nonobstant la circonstance non établie que la réduction de ce délai aurait été acceptée par le comité de la délégation unique du personnel, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, à titre surabondant, ce motif pour annuler la décision ministérielle litigieuse ;
12. Considérant que Me C...et Me G...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 7 mars 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social autorisant le licenciement de M.B... ;
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
Sur la requête n° 15NC01727 :
14. Considérant, d'une part, que la société thiernoise de participations industrielles demande à la Cour de constater qu'elle n'est pas venue aux droits de la société Gorcy La Roche et de constater que le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 juin 2015 ne lui est pas opposable ; que ces conclusions qui ne tendent ni à l'annulation, ni à la réformation du jugement attaqué doivent être rejetées comme étant irrecevables ;
15. Considérant, d'autre part, que M. B...n'ayant formé aucune demande à l'égard de la société thiernoise de participations industrielles, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société appelante tendant au rejet d'une telle demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête enregistrée sous le n° 15NC01732 formée par Me C...et Me G... est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15NC01727 de la société thiernoise de participations industrielles tendant au rejet de toute demande formée par M. B...à son égard.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête enregistrée sous le n° 15NC01727 formée par la société thiernoise de participations industrielles est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 750 (sept cent cinquante) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à MeC..., à MeG..., à la société thiernoise de participations industrielles (devenue ALICAM), à M. F...B...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
''
''
''
''
2
N° 15NC01727 - 15NC01732