Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Lorry-Mardigny à lui verser les sommes de 15 000 euros, d'une part, et de 46 165 euros, d'autre part, en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis à la suite de la réalisation d'un réseau de collecte des eaux pluviales par la commune.
Par un jugement n° 1301074 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et mis les frais d'expertise à la charge de M.B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 mars, 27 mai 2016, 16 mai 2017 et 9 juin 2017, M. A... B..., représenté par la SCP Gottlich-Laffon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 février 2016 ;
2°) de condamner la commune de Lorry-Mardigny à lui verser les sommes de 15 000 euros, d'une part, et de 98 753,18 euros, d'autre part, augmentées des intérêts légaux à compter du jour du dépôt de la requête, avec capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis à la suite de la réalisation d'un réseau de collecte des eaux pluviales par la commune ;
3°) de mettre les frais d'expertise d'un montant de 13 207,42 euros à la charge de la commune de Lorry-Mardigny ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lorry-Mardigny le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'atteinte à sa propriété est avérée et résulte de l'impossibilité d'utiliser une partie des douves du fait de la présence d'une mouillère constituée par l'affleurement d'eau au niveau du sol ;
- la présence d'eau stagnante entraîne des odeurs et la présence d'insectes ;
- ces désordres sont la conséquence des travaux de réalisation du collecteur d'eaux pluviales au droit de la propriété.
Par des mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2016 et le 31 mai 2017, la commune de Lorry-Mardigny, représentée par la SELAS MetR Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu :
- les ordonnances de taxation du président du tribunal administratif de Strasbourg des 8 février 2013 et 21 octobre 2015 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 29 décembre 1892 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., propriétaire d'un château situé dans la commune de Lorry-Mardigny, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner cette commune à l'indemniser des préjudices résultant, selon lui, des travaux d'aménagement d'un lotissement de vingt-trois lots réalisés par la commune en 2008 ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a refusé de faire droit à cette demande ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant, en premier lieu, que si M. B...soutient que la commune est responsable des désordres occasionnés à sa propriété sur le fondement de la loi du 29 décembre 1892, il résulte de l'instruction que les travaux publics en litige n'ont pas eu lieu dans la propriété privée de M. B... mais sur le domaine public communal ;
3. Considérant, en second lieu, que le maître de l'ouvrage est responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; qu'il appartient toutefois à la victime qui entend obtenir réparation des dommages qu'elle estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle elle a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice ;
4. Considérant que lors des travaux de réalisation du lotissement en 2008, un collecteur d'eaux pluviales a été mis en place sous le chemin d'exploitation situé à côté des douves du château dont M. B...est propriétaire ; qu'il résulte de l'instruction que la nature du sous-sol à cet endroit n'a pas été correctement prise en compte dans la définition du mode de drainage ; que l'expert désigné en référé par le tribunal administratif de Strasbourg indique dans son rapport que du fait de la perméabilité des sols constituant l'assiette du chemin d'exploitation, l'enrobage de la canalisation par des matériaux drainants a eu pour effet de répandre dans l'environnement immédiat les eaux drainées dans la tranchée et de faire augmenter, en conséquence, le volume des eaux présentes dans le sol et dont la remontée dans les douves du château y a créé la mouillère litigieuse ; qu'à supposer même que le système de drainage mis en place par M. B...dans les années 1980 ait été défaillant, il ne résulte pas de l'instruction que l'affleurement en surface des eaux en circulation dans le sous-sol ait eu une autre cause que l'augmentation de leur volume consécutive aux travaux entrepris par la commune ; que, dans ces conditions, la commune de Lorry-Mardigny doit être regardée comme responsable de l'apparition de cette mouillère ;
Sur les préjudices :
5. Considérant que M. B...demande à être indemnisé d'un préjudice de jouissance, qu'il évalue à 15 000 euros et du montant des travaux de réfection des enduits des murs et douves qu'il chiffre en appel à 98 753,18 euros ;
6. Considérant, en ce qui concerne le préjudice de jouissance, qu'il résulte de l'instruction que la présence de la mouillère empêche l'entretien normal du fond des douves qui a été engazonné, du fait de la présence d'eaux stagnantes empêchant l'utilisation d'engins de tonte ; qu'elle constitue en outre un désagrément réel pour les visiteurs du domaine, partiellement classé monument historique et ouvert au public, en ce qu'elle est à l'origine d'odeurs désagréables et de la présence d'insectes ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice anormal et spécial subi par M. B... en le fixant à 1 000 euros ;
7. Considérant, en ce qui concerne les travaux de réfection des enduits des murs et douves, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le niveau d'eau dans la mouillère est affleurant avec le niveau du sol du fond des douves alors que les dégradations des enduits des murs sont situées au-dessus de ce niveau et que selon l'expert, elles sont imputables aux intempéries et aux phénomènes de gel et de dégel, sans qu'aucun lien puisse être établi avec la présence de la mouillère ; que, de même, les courriers de la direction régionale des affaires culturelles de 2010 et de 2016, tout en constatant les dégradations des enduits sans davantage les relier à la mouillère, se bornent à mentionner un risque d'affaissement du mur potentiellement fragilisé à sa base du fait de cette mouillère ; que, dans ces conditions, M. B...n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre le dommage dont il demande réparation et l'opération de travaux publics ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice de jouissance qu'il subit depuis la réalisation d'un réseau de collecte des eaux pluviales par la commune du fait de la présence d'une mouillère sur sa propriété ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
9. Considérant que M. B...a droit aux intérêts sur la somme de 1 000 euros à compter, comme il le demande, du 31 mars 2016, date d'enregistrement de sa requête ; que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 mars 2016 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 31 mars 2017 date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les frais d'expertise :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lorry-Mardigny les dépens, taxés et liquidés à la somme de 13 207,42 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Lorry-Mardigny demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La commune de Lorry-Mardigny versera à M. B...une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice de jouissance généré par les travaux de réalisation du collecteur d'eaux pluviales, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2016. Les intérêts échus à la date du 31 mars 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 13 207,42 euros sont mis à la charge de la commune de Lorry-Mardigny.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 février 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune de Lorry-Mardigny versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et à la commune de Lorry-Mardigny.
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N° 16NC00564