Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 mars 2016 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé.
Par un jugement n°1600901 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2016, M. A...B..., représenté par la SELARL Guitton et C...et Blandin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 21 juin 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mars 2016 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de décision spéciale donnant délégation de signature à M. Raffy pour signer l'arrêté en litige ;
- cet arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de droit en appliquant les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont contraires aux dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 septembre 2008 ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire n'est pas motivée au regard des exigences de la directive 2008/115/CE ;
- le préfet n'a procédé à aucun examen particulier de sa situation personnelle avant de fixer le délai de départ volontaire à trente jours ;
- ce délai a été fixé sans qu'il ait été mis à même de formuler des observations en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de l'article 41.2 de la charte de droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le délai qui lui a été accordé n'est pas adapté à sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés et indique s'en remettre à ses écritures de première instance.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil de 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Kohler, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant qu'à la suite du rejet de la demande d'asile présentée par l'intéressé, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 4 mars 2016, refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., ressortissant algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé ; que M. B... relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le jugement en litige précise que " les décisions attaquées ont été signées de M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, à qui le préfet de Meurthe-et-Moselle, a donné délégation, par arrêté du 20 août 2013, publié au recueil des actes administratifs des services de l'Etat du 23 août suivant, à l'effet de signer tous les arrêtés (...) relevant des attributions de l'État dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; qu'en mentionnant cet arrêté de délégation de signature, décision spéciale du préfet, les premiers juges ont ainsi précisément répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 4 mars 2016 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2016 :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 15.BI.48 du 25 août 2015, décision spéciale régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Raffy, secrétaire général de la préfecture, l'autorisant à signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit, ce qui inclut les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que M. B...soutient vivre maritalement avec une ressortissante française souffrant d'épilepsie ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...n'est entré en France qu'en décembre 2012, alors âgé de vingt-quatre ans ; que les éléments qu'il produit ne permettent d'établir ni l'ancienneté de sa relation avec sa compagne ni la nécessité de sa présence constante à ses côtés en raison de son état de santé ; qu'en particulier, la décision du 28 janvier 2016 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nancy a sursis à statuer à la célébration du mariage de l'intéressé mentionne que lui et sa compagne ne vivent ensemble que depuis le soir même de leur rencontre en septembre 2015 ; que, par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressé, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si le requérant fait état de l'existence de considérations humanitaires ou exceptionnelles, il n'étaye cette affirmation d'aucun élément précis alors que de telles considérations ne ressortent pas des pièces du dossier ; que, par suite, le préfet a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'il n'y avait pas lieu de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour régulariser la situation de l'intéressé sur le territoire français ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; qu'en l'espèce, la décision de refus de séjour opposée à M. B...décrit de manière précise et circonstanciée sa situation ainsi que les motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé pour rejeter sa demande ; que l'arrêté en litige mentionne les 1° et 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir directement, à l'appui de sa requête, des objectifs fixés par l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'à la date de la décision contestée, ce texte avait été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;
Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes du II de cet article dans sa rédaction alors applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;
9. Considérant qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est égal à la limite supérieure prévue à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers, dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale en raison de l'incompatibilité des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code précité avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsque, comme en l'espèce, elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a par suite pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'ainsi, et en l'absence de demande ou d'éléments présentés par M. B... relatifs à la prolongation du délai de trente jours, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
11. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, aujourd'hui reprises à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 et aujourd'hui de l'article L. 211-2 du même code, ne peuvent être utilement invoquées par M. B... à l'encontre de la décision en litige ;
12. Considérant, d'autre part, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ; que, toutefois, il résulte de la jurisprudence de la cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; que ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, cependant, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
13. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qui mentionne qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de trente jours imparti au requérant, que le préfet a examiné la situation personnelle de M. B...et n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en décidant d'assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire de trente jours ; que si M. B...soutient qu'il appartenait au préfet de fixer un délai de départ volontaire supérieur, les circonstances qu'il invoque, tenant à sa relation avec sa compagne et à l'état de santé de cette dernière, ne sont pas de nature à regarder la décision limitant le délai de départ volontaire à trente jours comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 16NC01474