Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 4 mars 2015 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'arrêté du 23 mars 2016 par lequel ce même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 1502961 et 1602723 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision et l'arrêté attaqués et, d'autre part, enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2016, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 septembre 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C...devant ce tribunal.
Il soutient que ni la décision du 4 mars 2015 ni celle du 23 mars 2016 refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme C...ne méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2016, MmeC..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de la Moselle ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour et, subsidiairement, de réexaminer sa situation, au besoin sous astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Dollé en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en refusant de lui délivrer, par son arrêté du 23 mars 2016, un titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée en fixant le délai de départ volontaire ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à Mme C...par une décision du 8 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante serbe née le 1er février 1994, est entrée en France le 10 mai 2013 selon ses déclarations ; que, par une décision du 4 mars 2015, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ; que, par un arrêté du 23 mars 2016, ce même préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeC..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai ; que le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 4 mars 2015 et son arrêté du 23 mars 2016 et lui a enjoint de délivrer à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a, après son arrivée en France en mai 2013, entretenu une relation avec un compatriote en situation régulière avec lequel elle a emménagé et a eu un premier enfant le 6 août 2014 ; qu'un second enfant est né de cette union le 6 septembre 2015 ; que M. et Mme C...se sont mariés le 1er juin 2015 ; qu'en outre, l'époux de la requérante, présent en France depuis 2002, dispose de ressources stables, est employé sous contrat à durée indéterminée depuis octobre 2013 et est propriétaire de son habitation principale ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la communauté de vie entre les époux aurait cessé ; que la circonstance, invoquée par le préfet, que Mme C...relèverait des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée sur la gravité de l'atteinte à la situation familiale de l'intéressée ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté du 23 mars 2016 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...a porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la décision du 4 mars 2015 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C... a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 4 mars 2015 et l'arrêté du 23 mars 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le tribunal a enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle déjà prononcée par le jugement attaqué dont le présent arrêt confirme le bien fondé ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordé en première instance à Mme C...a été maintenu de plein droit ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dollé, avocat de MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dollé de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Dollé, avocat de MmeC..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dollé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 16NC02265