La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2017 | FRANCE | N°17NC00831

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 17NC00831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2016 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1601867 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 24 octobre 2016 en tant qu'il fixe, en son article 3,

le pays à destination duquel Mme C...pourra être éloignée et a rejeté le surplus des conclus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2016 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1601867 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 24 octobre 2016 en tant qu'il fixe, en son article 3, le pays à destination duquel Mme C...pourra être éloignée et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2017, MmeE..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 février 2017 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Jura du 24 octobre 2016 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me D...sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions contestées ont été prises par une autorité incompétente ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2017, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête au motif, à titre principal, de son irrecevabilité en raison de sa tardiveté et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeC..., ressortissante congolaise (RDC) née le 22 octobre 1985, est entrée en France le 5 septembre 2012 ; que sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 février 2014 ; que le recours qu'elle a formé contre cette décision a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 31 mars 2015 ; que par l'arrêté contesté du 24 octobre 2016, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle sollicitait en qualité de parent d'enfant français, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai d'un mois et a fixé le Nigéria comme pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai ; que par le jugement attaqué du 7 février 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il fixe le pays de destination ; que Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée " ;

4. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;

5. Considérant que Mme C...fait valoir qu'elle est la mère d'un enfant, Jenavic-ThimB..., né à Amiens le 12 novembre 2012, reconnu par son père, M. A...B..., de nationalité française, présent en République démocratique du Congo pendant la période légale de présomption de conception ; que pour soutenir que la reconnaissance de paternité par M. B... constitue une fraude réalisée dans le but de faciliter l'obtention d'un titre de séjour, le préfet se prévaut, notamment, du fait que le passeport de celui-ci indique qu'il a quitté la République démocratique du Congo le 12 janvier 2012, antérieurement à la période légale de présomption de conception qui débutait le 17 janvier suivant ; que la requérante, qui ne conteste pas ce point en se bornant à soutenir que M. B...est entré sur le territoire de la République démocratique du Congo le 27 décembre 2011, ne produit aucun élément de preuve permettant de remettre en cause cette allégation ; qu'elle n'apporte par ailleurs aucune pièce suffisamment probante pour établir la réalité des liens entre son fils et M.B... ; que les correspondances produites ne sont ni datées, ni signées, et ne permettent pas d'en identifier l'auteur et le destinataire ; que lors de son audition par les services de police le 29 septembre 2016, dans le cadre d'une enquête administrative, la requérante a tenu des propos approximatifs et très peu circonstanciés tant en ce qui concerne la date de conception de l'enfant, la nature précise de sa relation avec M. B...lorsque celui-ci se rendait en République démocratique du Congo, que la description physique de celui-ci ; qu'au regard de l'ensemble de ce faisceau d'indices, non sérieusement contesté, le préfet a pu régulièrement refuser d'accorder le titre de séjour sollicité par Mme C...sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que Mme C...est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 5 septembre 2012, avec ses deux premiers enfants, qu'elle est célibataire et, ainsi qu'il a été dit au point 5, la reconnaissance de paternité de l'enfant Jenavic-ThimB..., né le 12 novembre 2012 à Amiens, présente un caractère frauduleux ; que dans ces conditions, eu égard en particulier aux conditions de son séjour sur le territoire et nonobstant le fait que la requérante suive une formation professionnelle et que ses trois enfants soient scolarisés, le préfet, en refusant de lui accorder un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'eu égard à ce qui a été dit au point 5, en particulier sur l'absence de lien existant entre l'enfant Jenavic-Thim B...et son père, le préfet n'a pas méconnu ses dispositions, rien ne s'opposant à ce que ses enfants accompagnent la requérante, qui n'allègue en outre pas que ceux-ci ne pourraient pas être scolarisés dans son pays d'origine ;

9. Considérant, en dernier lieu, d'une part, que la requérante ne saurait utilement faire valoir à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour les risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine ; que, d'autre part, une erreur sur la détermination du pays de destination est sans incidence sur la décision distincte portant obligation de quitter le territoire français ; qu'eu égard aux motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet quant aux conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat n'étant pas la partie perdante en la présente instance ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

2

N° 17NC00831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00831
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : AFM AVOCATS ASSOCIÉS FAIVRE-MONNEUSE - ANGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-07-04;17nc00831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award