Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...et M. C...A...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 8 octobre 2016, par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés à l'expiration de ce délai et a pris à leur encontre des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1700263 et 1700264 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 30 juin 2017 sous le n° 17NC01569, Mme B...A..., représentée par Me Colin-Elphege, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 8 octobre 2016 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;
- les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors que sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public ; cette décision méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'elle ne pourra pas se rendre à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile au cours de laquelle son affaire sera appelée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 30 juin 2017 sous le n° 17NC01570, M. C...A...représenté par Me Colin-Elphege, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 8 octobre 2016 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce que son épouse fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; alors que son épouse ne peut pas être éloignée, la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation alors que sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public ; cette décision méconnaît les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'il ne pourra pas se rendre à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile au cours de laquelle son affaire sera appelée.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 août 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé
Mme A...et M. A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 29 mai 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que les requêtes n° 17NC01569 et 17NC01570 de Mme A...et M. A... sont dirigées contre un même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que Mme B...A...et M. C...A..., tous deux de nationalité kosovare, sont entrés irrégulièrement en France le 10 avril 2013 ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 août 2014, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 12 juin 2015 ; qu'ils ont sollicité le réexamen de leurs demandes auprès de l'OFPRA ; que ces demandes ont été rejetées comme irrecevables par des décisions du directeur de l'OFPRA du 30 novembre 2015 ; que, par deux arrêtés du 8 octobre 2016, le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
3. Considérant, en premier lieu, que les requérants n'invoquent aucun moyen relatif au bien-fondé ou à la régularité du jugement susceptible d'entrainer l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour prises à leur encontre ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. "
5. Considérant que Mme A...a présenté une demande tendant au réexamen de sa demande d'asile auprès de l'OFPRA qui a été enregistrée le 20 novembre 2015 ; que, si par une décision du 30 novembre 2015 le directeur de l'OFPRA a rejeté cette demande comme irrecevable, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande de réexamen de sa demande d'asile produite pour la première fois en appel, que la décision du directeur de l'office n'a pas été notifiée à l'adresse que l'intéressée avait indiquée dans sa demande ; que, par suite, à la date de l'arrêté attaqué, cette décision de l'OFPRA n'avait pas été notifiée à MmeA... ; que le préfet ne peut utilement se prévaloir à cet égard de ce qu'il ignorait que le pli contenant cette décision n'avait pas été envoyé à la bonne adresse ; que Mme A...est ainsi fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de MmeA..., que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet l'a obligée à quitter le territoire ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la décision du 8 octobre 2016 portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de Mme A...et, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
7. Considérant, en troisième lieu et alors que Mme A...justifiait d'un droit au séjour à la date de l'arrêté attaqué, que M. A...est fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de M.A..., que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet l'a obligé à quitter le territoire ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la décision du 8 octobre 2016 portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. A...et, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique que le préfet procède à un nouvel examen de la situation de M. et MmeA... ; qu'il y a lieu, en l'espèce, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer aux intéressés une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que M. et Mme A...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Colin-Elphege, avocate de M. et MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Colin-Elphege d'une somme totale de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêtés du préfet du Doubs du 8 octobre 2016 sont annulés en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, qu'ils fixent le pays de renvoi et qu'ils portent interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la situation de M. et Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1700263 et 1700264 du 11 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Colin-Elphege une somme totale de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Colin-Elphege renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 17NC01569 et 17NC01570