Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...et Mme D...E...-A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 janvier 2015 par laquelle le directeur du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Strasbourg a refusé d'attribuer à M. A... une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux pour l'année 2014/2015, la décision du 30 janvier 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Strasbourg a rejeté le recours gracieux formé par Mme E...-A... et la décision du 6 février 2015 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté le recours hiérarchique exercé par Mme E...-A....
Par un jugement n° 1501439 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du directeur du CROUS de Strasbourg du 20 janvier 2015 et la décision du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 5 février 2015, et a rejeté les conclusions des requérants tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 et, d'autre part, leurs conclusions tendant à ce que le tribunal enjoigne au recteur et au ministre de leur verser la bourse d'enseignement supérieur sollicitée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 décembre 2016 et 25 août 2017, M. A...et Mme E...-A..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2016 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 ;
2°) d'annuler la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg ou au ministre de l'éducation nationale de verser à M. A... une bourse d'enseignement supérieur pour l'année 2014/2015, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est contraire aux dispositions des articles L.5, L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement et omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les dispositions du paragraphe 1.1.1 de l'annexe 3 de la circulaire n° 2014-0010 du 2 juillet 2014 relatives aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2014-2015 devaient être appliquées à la situation de M.A..., et non celles du paragraphe 1.1.2 comme l'a jugé le tribunal, alors même que l'administration faisait une appréciation erronée de ce dernier paragraphe qui était contraire aux dispositions de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles ;
- le tribunal a opéré d'office une substitution de motif de la décision rectorale qui n'était pas sollicitée par l'autorité administrative sans, au surplus, mettre les requérants en mesure de présenter leurs observations ;
- la décision ministérielle qui a statué sur le recours hiérarchique de Mme E... -A... s'est substituée à celle du recteur ; après avoir annulé la décision ministérielle, le tribunal aurait dû annuler, par voie de conséquence, la décision rectorale ;
- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;
- en application de l'article 1 du décret du 18 septembre 2008 relatif aux bourses et aides financières accordées aux étudiants relevant du ministère de l'enseignement supérieur, le recteur était seul compétent pour refuser d'attribuer une bourse d'enseignement supérieur à JulienA... ; la secrétaire générale adjointe d'académie ne disposait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 méconnait les dispositions du paragraphe 1.1.1 de l'annexe 3 de la circulaire n° 2014-0010 du 2 juillet 2014, l'administration fiscale ayant reconnu à Mme E...-A... la qualité de parent isolé, telle que définie au dernier alinéa de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles ;
- le recteur ne pouvait lui appliquer les dispositions du paragraphe 1.1.2 de l'annexe 3 de la circulaire qui lui étaient moins favorables et qui méconnaissaient les dispositions de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles ;
- la circulaire méconnait le principe d'égalité de traitement entre les étudiants dont les parents sont divorcés et ceux dont les parents sont séparés, qui sont pourtant dans des situations identiques ;
- la soeur de JulienA..., qui se trouve dans une situation identique à la sienne, a bénéficié d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux pour l'année 2014-2015 ;
- le refus d'attribuer une bourse à Julien A...a eu des conséquences financières préjudiciables pour Mme E...-A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation nationale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le décret du 9 janvier 1925 relatif aux bourses nationales ;
- le décret n° 2008-974 du 18 septembre 2008 relatif aux bourses et aides financières accordées aux étudiants relevant du ministère de l'enseignement supérieur ;
- l'arrêté du 5 août 2014 fixant les plafonds de ressources relatifs aux bourses d'enseignement supérieur du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'année universitaire 2014-2015 ;
- l'arrêté du 5 août 2014 fixant les taux de ressources relatifs aux bourses d'enseignement supérieur du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'année universitaire 2014-2015 ;
- la circulaire n° 2014-0010 du 2 juillet 2014 relatives aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2014-2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tréand,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Mme E...-A....
1. Considérant que M. B...A...a sollicité l'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2014-2015 ; que, par une décision du 20 janvier 2015, le directeur du CROUS de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par une décision du 30 janvier 2015, le recteur de l'académie de Strasbourg a rejeté le recours gracieux formé par la mère de JulienA..., Mme E...-A... ; que celle-ci a formé un recours hiérarchique le 23 janvier 2015 qui a été rejeté par une décision du 6 février 2015 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; que M. A... et Mme E... -A... ont contesté ces trois décisions devant le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement du 3 novembre 2016, a annulé les décisions du 20 janvier 2015 et du 5 février 2015 et a rejeté le surplus de leurs conclusions ; qu'il relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions d'annulation dirigées contre la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 et leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de verser à Julien A...la bourse qu'il avait sollicitée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-1 du code de l'éducation : " La collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des oeuvres universitaires mentionné à l'article L. 822-1 où les étudiants élisent leurs représentants sans distinction de nationalité et où les collectivités territoriales sont représentées dans les conditions et selon des modalités fixées par décret. Elle privilégie l'aide servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les inégalités sociales. (...) " ; qu'aux termes de l'article 15 du décret du 9 janvier 1925 relatif aux bourses nationales : " Des décrets et des arrêtés ministériels régleront les conditions particulières des concours, la composition des commissions, l'établissement des coefficients, le mode de transfert des bourses d'un enseignement dans l'autre, les promotions de bourses, les conditions particulières d'attribution des bourses nationales dans l'enseignement supérieur, la date d'application des dispositions générales qui font l'objet du présent décret. " ; qu'il suit de là que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche était compétent pour fixer les modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux ; qu'aux termes de l'annexe 3 intitulée " conditions de ressources et points de charge " de la circulaire n° 2014-0010 du 2 juillet 2014 relatives aux modalités d'attribution des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux et des aides à la mobilité internationale pour l'année 2014-2015 : " (...) 1.1.1 Parent isolé. Si sur la déclaration fiscale du parent de l'étudiant figure la lettre " T " correspondant à la situation de parent isolé (définie à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles), les revenus du seul parent concerné sont pris en compte. Il en est de même si le parent qui a la charge de l'étudiant peut justifier du versement de l'allocation parent isolé ou du revenu de solidarité active au titre de la situation de parent isolé. 1.1.2 Parents de l'étudiant séparés (divorce, séparation de corps, dissolution du Pacs, séparation de fait) En cas de séparation, les revenus pris en compte sont ceux du parent ayant à charge le candidat, sous réserve qu'un jugement prévoie pour l'autre parent l'obligation du versement d'une pension alimentaire. En l'absence d'un tel jugement, les ressources des deux parents sont prises en compte. (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles : " Est considérée comme isolée une personne veuve, divorcée, séparée ou célibataire, qui ne vit pas en couple de manière notoire et permanente et qui notamment ne met pas en commun avec un conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ses ressources et ses charges. (...) " ;
4. Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme E...-A... vit séparée de son mari et assume l'entretien et l'éducation de son fils Julien A... qui est rattaché à son foyer fiscal ; qu'elle a la qualité de personne isolée au sens des dispositions du dernier alinéa précité de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles ; qu'au titre de l'année de référence retenue pour calculer les droits à bourse de Julien, l'administration fiscale lui a reconnu la qualité de parent isolé puisque figure sur son avis d'imposition la lettre " T " correspondant à ce statut ; qu'il suit de là que JulienA..., dont la mère remplit les conditions prévues par la circulaire pour se voir reconnaître la qualité de parent isolé entre dans le champ d'application du paragraphe 1.1.1 de l'annexe 3 de la circulaire susvisée du 2 juillet 2014 qui, contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, ne réserve pas cette qualité aux seuls bénéficiaires du revenu de solidarité active bénéficiant d'une majoration de l'allocation de base ; que la circonstance que la situation de Mme E...-A... entrait également dans les prévisions précitées du paragraphe 1.1.2 de l'annexe 3 de la circulaire ne saurait priver Julien A...du bénéfice des dispositions du paragraphe 1.1.1 ; que le recteur de l'académie de Strasbourg ne devait donc tenir compte que des revenus de la seule mère de Julien A...pour déterminer s'ils dépassaient le plafond de ressources prévu par l'arrêté susvisé du 5 août 2014 fixant lesdits plafonds pour l'année universitaire 2014-2015 pour se voir attribuer une bourse sous conditions de ressources ; qu'en tenant compte des ressources des deux parents de Julien A...pour refuser de lui attribuer une bourse, le recteur a fait une inexacte application des dispositions précitées du paragraphe 1.1.1 de l'annexe 3 de la circulaire du 2 juillet 2014 ; que, dès lors, sa décision du 30 janvier 2015 encourt l'annulation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...et Mme E...-A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande d'annulation de la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer le droit de M. A...à obtenir une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2014-2015 en ne tenant compte que des seuls revenus de sa mère, Mme E...-A..., au cours la période considérée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et Mme E...-A... et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1501439 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 novembre 2016 et la décision du recteur de l'académie de Strasbourg du 30 janvier 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer le droit de M. A...à obtenir une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2014-2015 en ne tenant compte que des seuls revenus de sa mère, Mme E...-A..., au cours de la pérode considérée, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...et à Mme E...-A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M B...A..., à Mme D...E...-A..., au ministre de l'éducation nationale et au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Strasbourg.
Copie sera adressée au recteur de l'académie de Strasbourg.
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N° 16NC02887