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19/07/2018 | FRANCE | N°16NC00905

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Formation plénière, 19 juillet 2018, 16NC00905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Metzervisse Contact a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 mai 2015 par lequel le préfet de la Moselle a autorisé certaines catégories de commerces à déroger au régime du repos dominical et des jours fériés.

Par un jugement n° 1505188 du 23 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés l

e 13 octobre 2016, le 15 mars 2018 et le 23 mars 2018, la société Metzervisse Contact, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Metzervisse Contact a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 mai 2015 par lequel le préfet de la Moselle a autorisé certaines catégories de commerces à déroger au régime du repos dominical et des jours fériés.

Par un jugement n° 1505188 du 23 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 13 octobre 2016, le 15 mars 2018 et le 23 mars 2018, la société Metzervisse Contact, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 mai 2015 par lequel le préfet de la Moselle a autorisé certaines catégories de commerces à déroger au régime du repos dominical et des jours fériés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir et d'une erreur de droit dès lors qu'il revenait au département et aux communes de réglementer le travail dominical ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 3134-7 du code du travail ; " les commerces d'alimentation générale d'une superficie inférieure ou égale à 200 m² " ne constituent pas une " catégorie d'activité " ; la dérogation accordée ne répond pas aux besoins de la population et crée une rupture d'égalité entre les habitants de la Moselle ;

- l'arrêté querellé entraîne une distorsion de concurrence avec les magasins situés dans le département voisin de Meurthe-et-Moselle ;

- la délibération porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et plus particulièrement à la liberté d'entreprendre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la société Metzervisse Contact n'est fondé.

Par une intervention, enregistrée le 17 novembre 2016, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP), représentées par la Selarl Fayan-Roux, A...et associés, demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 mars 2016 ainsi que l'arrêté du préfet de la Moselle du 28 mai 2015, d'enjoindre au préfet de la Moselle d'abroger cet arrêté dans un délai de deux mois sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 3134-7 du code du travail dès lors que " les commerces d'alimentation générale d'une superficie inférieure ou égale à 200 m² " ne constituent pas une " catégorie d'activité " ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir en ce que le préfet vise en réalité à protéger les petits commerces et non à satisfaire les besoins de la population, conformément à l'objectif fixé par l'article L. 3134-7 du code du travail.

Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2018, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) déclare se désister purement et simplement de son intervention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code du travail et notamment le chapitre IV intitulé " Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin " du titre II du livre I de la 3ème partie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Haudier,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société Metzervisse Contact et de Me A... pour la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité.

1. Considérant que, par une délibération du 18 mai 2015, la commission permanente du conseil départemental de la Moselle a adopté un statut réglementant l'ouverture des exploitations commerciales en Moselle les dimanches et jours fériés, qui prévoit, d'une part, l'interdiction du travail le dimanche et les jours fériés et, d'autre part, des dérogations, dans la limite d'une durée de travail de 5 heures, le premier dimanche des soldes d'hiver et le premier dimanche des soldes d'été pour toutes les exploitations commerciales de la Moselle hors concessions automobiles et quatre dimanches dans l'année pour les concessions automobiles ; que, par un arrêté du 28 mai 2015, le préfet de la Moselle a autorisé certaines catégories de commerces à déroger au régime du repos dominical et des jours fériés fixé par le statut départemental ; qu'il a notamment autorisé les commerces d'alimentation générale, d'une superficie inférieure ou égale à 200 m² à ouvrir au public et à employer du personnel les dimanches et jours fériés ; que la société Metzervisse Contact relève appel du jugement du 23 mars 2016, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les interventions de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité :

2. Considérant que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) et la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP) sont intervenues au soutien de la requête par un mémoire enregistré le 17 novembre 2016 ;

3. Considérant, d'une part, que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution s'est désistée purement et simplement de son intervention par un mémoire, enregistré le 22 mars 2018 ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit donné acte de ce désistement ;

4. Considérant, d'autre part, que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution a intérêt à l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 28 mai 2015 ; que son intervention est recevable ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3134-4 du chapitre IV susvisé du code du travail, intitulé " Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin " : " Dans les exploitations commerciales, les salariés ne peuvent être employés le premier jour des fêtes de Noël, de Pâques ou de Pentecôte. / Les autres dimanches et jours fériés, leur travail ne peut dépasser cinq heures. / Par voie de statuts ayant force obligatoire, adoptés après consultation des employeurs et des salariés et publiés selon les formes prescrites, les départements ou communes peuvent réduire la durée du travail ou interdire complètement le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines branches d'activité. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 3134-7 du même chapitre de ce code : " Des dérogations aux dispositions des articles L. 3134-3 et L. 3134-4 peuvent être accordées par l'autorité administrative pour les catégories d'activités dont l'exercice complet ou partiel est nécessaire les dimanches ou les jours fériés pour la satisfaction de besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement ces jours-là. " ; que l'article R. 3134-3 du même code précise que : " L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 3134-5, L. 3134-7, L. 3134-8 et L. 3134-12 est le préfet. " ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 3134-7 et R. 3134-3 du code du travail que le préfet est compétent pour prévoir des dérogations aux dispositions de l'article L. 3134-4 ainsi qu'à l'interdiction du travail le dimanche et les jours fériés prévue par le statut départemental adopté par le département de la Moselle le 18 mai 2015 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les dérogations prévues à l'article L. 3134-7 du code du travail doivent être justifiées par la satisfaction de besoins de la population présentant un caractère journalier ou se manifestant particulièrement les dimanches et jours fériés ;

8. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'article 2 de l'arrêté litigieux prévoit que les commerces d'alimentation générale d'une superficie inférieure ou égale à 200 m² sont autorisés à ouvrir au public et à employer du personnel les dimanches et jours fériés jusqu'à 13 heures ; que la société Metzervisse Contact soutient que les commerces d'alimentation générale d'une superficie inférieure ou égale à 200 m² ne constituent pas une catégorie d'activité, au sens des dispositions précitées de l'article L. 3134-7 du code du travail et que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit ; qu'elle fait en particulier valoir que la notion de " catégorie d'activité " prévue par les dispositions de l'article L. 3134-7 du code du travail doit être rapprochée de celle de profession, mentionnée à l'article L. 3132-29 du code du travail, laquelle est assimilable à celle de branche d'activité ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte expressément des dispositions de l'article L. 3134-7 du code du travail que le préfet peut prévoir des dérogations aux statuts élaborés par les communes ou les départements, lorsque l'exercice partiel d'une catégorie d'activité est nécessaire pour satisfaire des besoins de la population ; que ces dispositions, à la différence de celles de l'article L. 3132-29 du code du travail, qui ne sont pas applicables en Alsace-Moselle, n'ont pas pour effet de contraindre le préfet à édicter des règles identiques pour l'ensemble d'une catégorie d'activité, d'une profession ou d'une branche d'activité ; que le préfet, qui, en l'espèce, a apprécié les besoins de la population en alimentation se manifestant particulièrement le dimanche, en se fondant sur la superficie des commerces d'alimentation générale au motif que seuls les commerces de proximité de petite taille commercialisent presque uniquement des denrées alimentaires, n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il n'a pas davantage fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 3134-7 du code du travail ; qu'à cet égard, est sans incidence la circonstance qu'il n'existe qu'un faible nombre de commerces d'une superficie de vente inférieure à 200 m² ;

10. Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante fait valoir que la dérogation en cause crée une différence de traitement entre les consommateurs résidant à proximité de commerces autorisés à ouvrir et les autres, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette différence ne serait pas justifiée par une différence de situation ou qu'elle serait disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par le dispositif ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que si la société fait valoir que la mesure litigieuse crée une distorsion de concurrence dès lors que les exploitations d'alimentation générale du département de la Moselle d'une superficie supérieure à 200 m² ne peuvent pas ouvrir le dimanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que les commerces d'une superficie supérieure à 200 m² se trouveraient dans une situation identique à celle des commerces d'une superficie inférieure à ce seuil, au regard des dispositions de l'article L. 3134-7 du code du travail, ni que la mesure pourrait avoir des incidences importantes sur leur chiffre d'affaires ; que, par ailleurs, le préfet justifie cette dérogation par le fait que seuls les commerces de proximité de petite taille commercialisant presque uniquement des denrées alimentaires ont été autorisés à ouvrir afin de répondre aux besoins de la population présentant un caractère journalier en termes d'alimentation ; que la différence de traitement ainsi instituée est en rapport avec l'objet de la règlementation litigieuse et ne peut être regardée comme étant disproportionnée ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que si la société fait valoir que la dérogation en cause crée une distorsion de concurrence entre les commerces du département de la Moselle et ceux du département limitrophe de la Meurthe-et-Moselle, les commerces situés dans ces deux départements ne sont pas régis par les mêmes dispositions légales et ne se trouvent pas dans des situations identiques ;

13. Considérant, en sixième lieu, que les requérants, qui se bornent à invoquer sans précision une violation du droit de la liberté d'entreprendre, ne démontrent pas que l'atteinte à la liberté d'entreprendre qui résulte de l'arrêté litigieux serait excessive au regard des buts poursuivis ;

14. Considérant, en dernier lieu, que si l'arrêté litigieux est intervenu quelques jours après l'adoption par la commission permanente du conseil départemental de la Moselle du statut départemental et si le préfet a participé à la concertation initiée sur le travail le dimanche et les jours fériés en Moselle, ces circonstances ne sauraient démontrer l'existence du détournement de pouvoir allégué ; que, contrairement à ce que soutient la fédération intervenante, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en édictant l'article 2 de l'arrêté, le préfet ait entendu encourager le développement des petits commerces plutôt que de répondre aux besoins de la population ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Metzervisse Contact n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'en outre, la société Metzervisse Contact n'a pas présenté de conclusions sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité qui, en tant qu'intervenante, ne saurait présenter de conclusions propres, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ; que ces dispositions font, par ailleurs, obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Metzervisse Contact au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité est admise.

Article 2 : Il est donné acte du désistement de l'intervention de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution.

Article 3 : La requête de la société Metzervisse Contact est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Metzervisse Contact, à la ministre du travail, à la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et à la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Sichler, présidente,

M. Kolbert, président de chambre,

M. Marino, président de chambre,

M. Meslay, président de chambre,

Mme Stéfanski, président assesseur,

M. Dhers, président assesseur,

Mme Haudier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 juillet 2018.

Le rapporteur,

Signé : G. HAUDIER

La présidente,

Signé : F. SICHLERLe greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 16NC00905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 16NC00905
Date de la décision : 19/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-02-02 Travail et emploi. Conditions de travail. Repos hebdomadaire. Fermeture hebdomadaire des établissements.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SAUTIER -GUILLEMIN- MEUNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-07-19;16nc00905 ?
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