Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France, assureur de l'établissement de santé, à lui verser la somme de 50 356,13 euros en réparation des préjudices subis par Mme D...B..., dans les droits de laquelle l'office est subrogé, ainsi que la somme de 7 553,42 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et la somme de 1 400 euros en remboursement des frais d'expertise.
Mise en cause dans l'instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le CHU de Nancy à lui verser la somme de 28 304,63 euros en remboursement de ses débours et celle de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un jugement n° 1402600 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a condamné solidairement le CHU de Nancy et son assureur en limitant le montant des réparations à la somme de 46 770 euros pour l'ONIAM et en fixant au montant de 700 euros le remboursement des frais d'expertise dû à l'office, et à celle de 14 152,24 euros pour la CPAM des Vosges. Le tribunal administratif a, en outre, condamné la compagnie d'assurances Axa France à verser la somme de 7 015,50 euros à l'ONIAM au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et le CHU de Nancy à verser la somme de 1 047 euros à la CPAM des Vosges au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 6 juin 2016 sous le n° 16NC01069 et un mémoire en réplique enregistré le 28 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France, représentés par MeC..., demandent à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 en réduisant le montant de l'indemnisation mise à sa charge.
Le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- la chance perdue par la victime d'échapper au dommage qui s'est réalisé doit être évaluée à un taux de 20 à 30 %, et non de 50 % comme retenu par les premiers juges ;
- à titre subsidiaire, ce taux ne saurait excéder celui de 50 % ;
- le préjudice résultant de l'incidence professionnelle du dommage n'est pas établi ;
- à titre subsidiaire, l'indemnisation accordée au titre de ce chef de préjudice est surévaluée ;
- les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie doivent être prises en compte à partir du 18 juillet 2007 et non à compter du 31 mai 2007 dès lors que la victime aurait subi en tout état de cause une période d'incapacité ;
- les frais d'assistance par une tierce personne doivent être évalués sur une durée de deux années incluant la période d'incapacité de treize mois et trois jours, dont il convient de retrancher trois mois afin de tenir compte de la période de convalescence que la victime aurait subie en tout état de cause ;
- ces frais, calculés sur la base de six heures par semaine et d'un coût horaire de 9,62 euros, s'établissent à la somme de 5 680,80 euros, et non à celle de 60 840 euros ;
- il n'y a pas lieu de condamner l'assureur au versement d'une pénalité dès lors que l'absence de proposition d'indemnisation ne lui est pas imputable ;
- la somme allouée par le tribunal administratif au titre de l'article L. 761-1 doit être ramenée à de plus justes proportions.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me de la Grange, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CHU de Nancy et de la compagnie d'assurances Axa France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, par la voie d'un appel incident, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 ;
2°) de condamner le CHU de Nancy à lui verser la somme de 50 356,13 euros en réparation des préjudices subis par Mme D...B..., dans les droits de laquelle l'office est subrogé ;
3°) de condamner le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France à lui verser la somme de 7 553,42 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, ainsi que la somme de 1 400 euros en remboursement des frais d'expertise.
L'ONIAM fait valoir que :
- la responsabilité du centre hospitalier est engagée à raison de la totalité du préjudice subi par la victime dès lors que ce préjudice résulte d'une infection nosocomiale ;
- l'action subrogatoire de l'ONIAM ne peut cependant s'exercer que dans la limite de la subrogation, soit 75 % du montant des préjudices ;
- la victime a besoin de l'assistance d'une tierce personne de façon permanente, à raison de trois heures par semaine, justifiant l'évaluation de ce préjudice à la somme de 32 474,49 euros ;
- l'incidence professionnelle doit être évaluée à la somme de 22 042,01 euros ;
- les souffrances endurées par la victime doivent être évaluées à la somme de 4 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent dont elle est restée atteinte s'établit au taux de 10 %, justifiant une évaluation de ce préjudice à 11 125 euros ;
- le préjudice d'agrément doit être évalué à la somme de 1 500 euros ;
- l'application d'une pénalité d'un montant de 7 553,42 euros est justifiée dès lors que l'assureur n'a soumis aucune proposition transactionnelle à la victime ;
- les frais d'expertise doivent être remboursés en totalité pour un montant de 1 400 euros, alors même que la responsabilité de l'hôpital ne serait engagée que pour une part du préjudice.
Par une ordonnance du 11 octobre 2018, l'instruction a été close à la date du 30 octobre 2018.
II. Par une requête sommaire enregistrée le 8 juin 2016 sous le n° 16NC01094 et un mémoire ampliatif enregistré le 8 août 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me de la Grange, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy à lui verser la somme de 50 356,13 euros en réparation des préjudices subis par Mme D...B..., dans les droits de laquelle l'office est subrogé ;
3°) de condamner le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France à lui verser la somme de 7 553,42 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, ainsi que la somme de 1 400 euros en remboursement des frais d'expertise.
L'ONIAM soutient les mêmes moyens que dans son mémoire visé plus haut, enregistré le 8 juin 2016 sous la requête n° 16NC01069.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 19 septembre 2016 et le 28 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy et la compagnie d'assurance Axa France, représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, demandent à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mars 2016 en réduisant le montant de l'indemnisation mise à leur charge.
Le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France soutiennent les mêmes moyens que ceux qui sont exposés dans leur requête et leur mémoire visés plus haut, enregistrés sous le n° 16NC01069.
Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges, représentée par MeA..., conclut à la réformation du jugement attaqué et demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de porter les sommes mises à la charge du CHU de Nancy et de son assureur en remboursement de ses débours et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion aux montants, respectivement, de 28 304,63 euros et de 1 066 euros, et de mettre à la charge de l'établissement de santé et de son assureur la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 11 octobre 2018, l'instruction a été close à la date du 30 octobre 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France et de Me A...pour la CPAM des Vosges.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 janvier 2007, Mme B...a présenté une lombosciatique de type L5 au niveau du membre inférieur droit. Après qu'une hernie discale a été diagnostiquée, elle a été prise en charge par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, où elle a subi une intervention chirurgicale le 18 avril 2007. Dans les suites de cette opération, Mme B...a présenté un syndrome rachidien infectieux à double foyer. Des examens complémentaires ont permis de révéler la présence du germe " staphylococcus warneri " et de diagnostiquer une endocardite et une spondylodiscite. Mme B...est restée atteinte de lombalgies récurrentes malgré un traitement par antibiothérapie qui a permis la consolidation de son état de santé le 11 août 2008. Par un avis du 25 février 2009, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Lorraine a estimé qu'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service avait fait perdre à l'intéressée une chance d'échapper à l'infection dont elle a été victime qu'elle a évalué à 75 % du montant de ses préjudices. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à la compagnie d'assurances Axa France, assureur du CHU de Nancy, et a conclu deux protocoles transactionnels avec Mme B... en vue de l'indemnisation de ses préjudices pour un montant total de 53 356,13 euros. Subrogé dans les droits de la victime, l'ONIAM a saisi le tribunal administratif de Nancy sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, afin d'obtenir le remboursement des sommes versées à MmeB.... Mise en cause dans l'instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges a demandé le remboursement de ses débours pour un montant total de 28 304,63 euros. Par un jugement du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Nancy a considéré que Mme B...avait été victime d'une infection nosocomiale à l'origine d'une perte de chance évaluée à 50 % et a, en conséquence, condamné solidairement le CHU de Nancy et son assureur à verser la somme de 46 770 euros à l'ONIAM et celle de 14 152,24 euros à la CPAM des Vosges. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France, d'une part, et l'ONIAM, d'autre part, relèvent appel de ce jugement en sollicitant, pour l'établissement de santé et son assureur, la réduction des sommes mises à leur charge et, pour l'office, une augmentation de l'indemnité allouée. La CPAM des Vosges réitère en appel sa demande présentée devant les premiers juges.
Sur la responsabilité du CHU de Nancy :
2. Aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre (...), l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / Dans ce cas, les dispositions de l'article L. 1142-14, relatives notamment à l'offre d'indemnisation et au paiement des indemnités, s'appliquent à l'office, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat. / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur. / Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur (...) ". En application de ces dispositions, il appartient au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.
3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". La présomption de responsabilité des établissements de santé en cas d'infection nosocomiale, posée par ces dispositions, vaut y compris en cas d'infection due à un germe présent dans l'organisme du patient avant l'intervention, sauf à ce que soit rapportée la preuve d'une cause étrangère de cette infection. La preuve d'une telle cause étrangère n'est pas rapportée, faute de caractère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de l'infection, lorsque celle-ci a été provoquée par l'intervention et constitue un risque connu des interventions de la nature de celle pratiquée en l'espèce, même s'il est établi qu'il était très difficile de la prévenir. Pour autant, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de cette prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.
4. En premier lieu, il ressort du rapport établi le 15 décembre 2008 par les deux experts désignés par la CRCI de Lorraine qu'à la suite de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 18 avril 2007, Mme B...a présenté des douleurs persistantes au niveau lombaire, associées à des signes infectieux, tant cliniques que biologiques, et à un état de fatigue. Une infection purulente de la cicatrice a été constatée une dizaine de jours après l'intervention, à l'occasion de l'ablation des fils. Les examens complémentaires dont Mme B...a fait l'objet au début de l'année 2008 ont permis de diagnostiquer une endocardite et une spondylodiscite. Ces mêmes examens ont également révélé la présence du staphylocoque warneri qui, selon les experts, constitue un germe appartenant à la flore cutanée qui présente un pouvoir pathogène similaire au staphylocoque doré et peut entrainer des endocardites et des spondylodiscites chez des patients ne présentant pas de facteurs de risque.
5. Il est vrai que, constatant que la visite préopératoire du 4 avril 2007 avait mis en évidence une hyperleucocytose chez MmeB..., et relevant en outre l'amaigrissement involontaire de l'intéressée et la survenue d'otites à répétition en 2006, les experts ont regretté l'absence d'investigations par les services du CHU de Nancy qui auraient permis de documenter un éventuel état septique antérieur. Toutefois, après avoir envisagé la possibilité que Mme B...ait été atteinte d'une endocardite avant même l'intervention chirurgicale, les experts ont conclu en faveur d'une infection du site opératoire par le staphylocoque warneri, qualifié de nosocomial, et dont ils indiquent qu'elle a entrainé la lésion présentée par l'intéressée au niveau cardiaque. Au demeurant, le CHU de Nancy, qui relève que l'hyperleucocytose constatée chez Mme B...lors de la visite du 4 avril 2007 ne correspond pas nécessairement à une infection sous-jacente, n'allègue pas que l'intéressée aurait présenté une infection avant d'être opérée.
6. Il résulte donc de l'instruction que Mme B...a été victime d'une infection lors de l'intervention chirurgicale du 18 avril 2007. Ni la circonstance que le staphylocoque warneri soit qualifié d'endogène par les experts, ni l'état de santé antérieur de MmeB..., qui avait déjà fait l'objet d'épisodes infectieux, ne suffisent à établir l'existence d'une cause étrangère à l'infection contractée lors de son opération et dont résultent son endocardite et sa spondylodiscite. Par suite, le CHU de Nancy est responsable des dommages résultant de cette infection nosocomiale.
7. En second lieu, estimant que l'absence de tout bilan infectieux malgré l'hyperleucocytose présentée par Mme B...lors de la visite préopératoire du 4 avril 2007 était constitutive d'un manquement dans l'organisation du service, les experts en ont déduit que l'intéressée avait subi une perte de chance, évaluée à 50 %, " d'avoir un diagnostic infectieux préalable et peut être d'avoir un diagnostic plus précis de [ses] lombalgies avant l'intervention ". Ils ont par ailleurs imputé la moitié du dommage à l'infection du site opératoire rachidien. Il résulte toutefois de ce qui a été dit aux points 4 à 6 que le dommage subi par Mme B...résulte de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 18 avril 2007. Par conséquent, ainsi que le soutient l'ONIAM en appel, la responsabilité du CHU de Nancy, qui est engagée à raison de cette infection, implique la réparation de l'ensemble des préjudices qui lui sont imputables.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
8. En premier lieu, Mme B...a présenté une incapacité de travail du 18 avril 2007, date de l'intervention chirurgicale, au 11 août 2008, date de sa consolidation. Les experts désignés par la CRCI indiquent que cette période d'incapacité est imputable à l'infection subie par l'intéressée à l'exception d'une durée de six semaines correspondant à la convalescence rendue nécessaire par l'exérèse d'une hernie discale. Il ressort des déclarations de revenus de Mme B...au titre des années 2006 à 2009 que l'intéressée n'a pas subi, en conséquence de son infection nosocomiale, d'autres pertes de revenus au cours de la période précitée que celles qui ont été indemnisées par la CPAM des Vosges pour un montant de 19 422,13 euros. Il y a donc lieu de fixer le montant des pertes de revenus subies par la victime à la somme de 19 422,13 euros, de mettre cette somme à la charge du CHU de Nancy et d'en allouer le montant à la caisse dès lors que celle-ci a entièrement compensé ces pertes par l'allocation d'indemnités journalières.
9. En deuxième lieu, les experts ont relevé que l'invalidité dont Mme B...est restée atteinte à la suite de son infection et l'impossibilité pour elle de rester assise de façon prolongée ont eu pour conséquence une plus grande pénibilité dans le cadre de son activité d'employée de caisse auprès d'un péage autoroutier. A cet égard, elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique le 6 juillet 2009, près d'un an après sa consolidation. S'il n'est pas établi qu'elle serait devenue inapte à toute fonction, il résulte de l'instruction que son invalidité implique, chez une personne de 43 ans à la date de sa consolidation, la nécessité d'une reconversion afin de poursuivre une activité professionnelle. Contrairement à ce que soutient le CHU de Nancy, l'incidence professionnelle de son invalidité représente pour Mme B...un préjudice certain. Dans ces conditions, eu égard à l'invalidité de MmeB..., évaluée à 10 % dont 8 % imputable à l'infection, de son âge et de son niveau de qualification dans l'emploi qu'elle a occupé jusqu'en 2009, il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle subie par l'intéressée en l'évaluant à la somme de 20 000 euros.
10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise précité, que l'infection nosocomiale dont Mme B...a été victime a rendu nécessaire une aide ménagère pendant deux années, à raison de six heures par semaine, afin de tenir compte des lombalgies dont l'intéressée est restée atteinte et de la circonstance qu'elle avait trois enfants mineurs. Les experts ont inclus dans cette durée de deux années la seule période d'incapacité résultant de l'infection litigieuse. Par conséquent, et contrairement à ce que soutient le CHU de Nancy, il n'y a pas lieu de déduire une période d'incapacité supplémentaire qui correspondrait aux suites normales d'une exérèse discale. Par ailleurs, l'ONIAM ne produit à l'instance aucun élément de nature à établir que l'aide ménagère retenue par les experts présenterait un caractère permanent et devrait être indemnisée au-delà de deux ans. Il convient de calculer le coût horaire de l'assistance apportée à Mme B...sur la base du salaire minimum horaire brut augmenté des cotisations sociales, soit 13 euros. Ce montant horaire doit être appliqué sur une durée, non contestée par les parties, de 390 jours, soit 55,71 semaines, pour chacune des deux années pendant lesquelles l'assistance a été nécessaire afin de tenir compte des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés, ainsi que des congés payés. Le montant de l'assistance par une tierce personne doit donc être fixé à 8 690,76 euros.
11. En dernier lieu, la CPAM des Vosges produit à l'instance un décompte et une attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil dont il ressort qu'à la suite de l'infection nosocomiale subie par MmeB..., des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport ont été engagés pour un montant total de 8 882,50 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que des dépenses de santé autres que celles figurant dans le décompte précité seraient restées à la charge de MmeB.... Ce chef de préjudice doit donc être fixé à la somme de 8 882,50 euros qu'il y a lieu d'allouer à la CPAM des Vosges.
En ce qui concerne les préjudices personnels :
12. En premier lieu, Mme B...a enduré des souffrances en raison de son infection, qui ont été évaluées par les experts à 3,5 sur une échelle de 1 à 7. Eu égard à l'intensité de ces souffrances éprouvées sur une période supérieure à un an, il en sera fait une juste appréciation en les évaluant à la somme de 4 000 euros.
13. En deuxième lieu, il ressort du rapport d'expertise déposé devant la CRCI que si Mme B... est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 10 %, seul un déficit de 8 %, résultant de fréquentes lombalgies, est imputable à la spondylodiscite provoquée par l'infection nosocomiale. Eu égard à ce taux d'incapacité et à l'âge de la victime à la date de sa consolidation, ce chef de préjudice doit être évalué à la somme de 8 000 euros.
14. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que les lombalgies dont Mme B...est restée atteinte font obstacle aux activités de loisirs qu'elle pratiquait auparavant, notamment le cyclisme et la marche à pied. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 200 euros.
15. Il résulte des points 9, 10, 12, 13 et 14 que l'ONIAM a droit au versement de la somme de 41 890,76 euros. Il résulte des points 8 et 11 que la CPAM des Vosges a droit au remboursement de ses débours pour un montant de 28 304,63 euros.
Sur les frais d'expertise exposés devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux :
16. En application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'ONIAM peut obtenir le remboursement des frais d'expertise exposés devant la CRCI. L'ONIAM justifie avoir pris en charge les frais de l'expertise diligentée par la commission pour un montant de 1 400 euros, qu'il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Nancy.
Sur l'application de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :
17. Aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " (...) En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue (...) ".
18. La compagnie d'assurances Axa France soutient s'être trouvée dans l'impossibilité de faire une offre à Mme B...en l'absence de réponse de sa part au courrier du 8 juin 2009 l'invitant à préciser l'étendue de ses préjudices et en raison de la franchise de 50 000 euros prévue par le contrat d'assurance souscrit par le CHU de Nancy. Il résulte toutefois de l'instruction que la compagnie d'assurances Axa France, saisie par l'assureur de MmeB..., a refusé de faire une offre le 29 juin 2009 en se bornant à renvoyer l'intéressée devant l'ONIAM alors qu'elle pouvait, au vu notamment de l'avis rendu le 25 février 2009 par la CRCI, demander une indemnisation des préjudices personnels, qui présentaient un caractère certain et ne soulevaient aucune difficulté particulière pour leur chiffrage. Il y a donc lieu de laisser à la charge de la seule compagnie d'assurances Axa France une somme correspondant à 15 % de l'indemnité allouée à l'ONIAM. Eu égard au montant de cette indemnité, fixée à 41 890,76 euros, le montant mis à la charge de l'assureur en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique doit être ramené de la somme de 7 015,50 euros, retenue par les premiers juges, à celle de 6 283,61 euros.
Sur l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
19. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée (...) ". En application de l'arrêté du 20 décembre 2017 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, les montants maximum et minimum de cette indemnité sont fixés respectivement à 1 066 euros et à 104 euros à compter du 1er janvier 2018.
20. La CPAM des Vosges, qui obtient en appel une majoration des sommes qui lui sont dues au titre de son action subrogatoire, est fondée à demander que l'indemnité forfaitaire de gestion mise à la charge du CHU de Nancy soit portée du montant de 1 047 euros, retenu par les premiers juges, à celui de 1 066 euros.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy les a solidairement condamnés à verser à l'ONIAM la somme de 46 770 euros qu'il y a lieu de ramener à celle de 41 890,76 euros. Par ailleurs, la compagnie d'assurances Axa France est seulement fondée à soutenir que le montant mis à sa charge en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique soit ramené de la somme de 7 015,50 euros à celle de 6 283,61 euros. Il résulte encore de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a mis à la charge du CHU de Nancy et de son assureur une indemnité limitée à la somme de 46 770 euros. L'ONIAM est fondé en revanche à solliciter que l'indemnité versée au titre des frais d'expertise exposés devant la CRCI soit portée de la somme de 700 euros à celle de 1 400 euros. Enfin, la CPAM des Vosges est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité le montant accordé au titre du remboursement de ses débours à la somme de 14 152,24 euros, qu'il y a lieu de porter à celle de 28 304,63 euros.
Sur les frais non compris dans les dépens exposés par l'ONIAM devant le tribunal administratif :
22. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a mis à la charge du CHU de Nancy et de la compagnie d'assurances Axa France une somme de 1 500 euros à verser à l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par l'office. Par suite, les conclusions du CHU de Nancy et de son assureur tendant à la réduction de la somme allouée à ce titre doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 46 770 euros que le CHU de Nancy et la compagnie d'assurances Axa France ont été solidairement condamnés à verser à l'ONIAM par le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1402600 du 31 mars 2016 est ramenée à 41 890,76 euros. La somme de 700 euros qu'ils ont également été condamnés à verser à l'ONIAM par le même jugement au titre des frais d'expertise exposés devant la CRCI est portée à 1 400 euros. La somme de 7 015,50 euros que la compagnie d'assurances Axa France a été condamnée par ce jugement à verser à l'ONIAM en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique est ramenée à 6 283,61 euros.
Article 2 : La somme de 14 152,24 euros que le CHU de Nancy a été condamné à verser à la CPAM des Vosges par le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1402600 du 31 mars 2016 est portée à 28 304,63 euros. L'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée de la somme de 1 047 euros à celle de 1 066 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1402600 du 31 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nancy, à la compagnie d'assurances Axa France, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiale, à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne.
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N° 16NC01069, 16NC01094