Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MmeE... F... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions des 8 décembre 2014 et 4 février 2016 par lesquelles la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Verzenay, respectivement, l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé du 8 octobre 2014 au 7 janvier 2015, et a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.
Par un jugement no 1600398 du 2 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 4 février 2016 et rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2018, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Fondation Duchatel de Verzenay (EHPAD Fondation Duchatel), représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1600398 du 2 novembre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sauf en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la demande dirigées contre la décision du 8 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de MmeF....
L'EHPAD Fondation Duchatel soutient que :
- Mme F...n'a apporté à la directrice aucun élément probant quant à l'imputabilité au service de sa maladie ;
- les expertises médicales ne sont pas probantes, dès lors qu'elles n'établissent pas le lien de causalité entre le service et la maladie de Mme F...et sont fondées sur les seuls dires de l'intéressée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2018, MmeE... F..., représentée par la SCP Choffrut-Brener, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'EHPAD Fondation Duchatel une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme F...soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour MmeF....
Considérant ce qui suit :
1. Mme G...F..., adjoint administratif, a été recrutée par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Fondation Duchatel de Verzenay (EHPAD Fondation Duchatel) le 1er mars 1987. Elle a cessé de travailler à compter du 8 octobre 2013 en raison d'un état anxio-dépressif réactionnel. Par une décision du 4 février 2016, la directrice de l'établissement a refusé de reconnaître que sa maladie était imputable au service.
2. L'EHPAD Fondation Duchatel relève appel du jugement du 2 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. En premier lieu, l'EHPAD Fondation Duchatel ne peut pas utilement soutenir que sa directrice, qui venait de prendre son poste, ne disposait pas des éléments lui permettant d'apprécier le bien-fondé des prétentions de MmeF..., dès lors que la légalité d'une décision administrative s'apprécie de manière objective au regard de la situation de fait existante à la date à laquelle elle est prise, et non pas seulement au regard des seuls faits dont l'administration prétend avoir eu connaissance.
4. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 dans sa version applicable à l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...a fait l'objet d'un arrêt de travail le 8 octobre 2013 en raison d'un état anxio-dépressif réactionnel, résultant selon elle d'une situation conflictuelle avec ses collègues et sa hiérarchie. Mme F...a fourni de nombreux éléments pour étayer cette affirmation : le certificat médical du DrD..., psychiatre, daté du 23 octobre 2013, décrit une grande souffrance de l'intéressée en rapport avec sa situation professionnelle ; cette appréciation est partagée par le Pr Deschamps, psychiatre au sein de l'unité fonctionnelle de pathologie professionnelle et santé au travail du centre hospitalier universitaire de Reims, qui dans un courrier du 12 décembre 2013, indique que le médecin du travail de Mme F...lui a confirmé l'existence d'un conflit endémique au sein de l'établissement ; dans son rapport d'expertise du 30 avril 2015, réalisé à la demande de l'établissement, le DrC..., psychiatre, diagnostique l'existence d'un épisode dépressif majeur d'intensité sévère, dont il estime que la symptomatologie est cohérente avec une implication de la situation professionnelle dans sa genèse, et conclut à son imputabilité au service, en l'absence d'antécédent psychiatrique personnel ou familial chez MmeF... ; dans son avis du 9 juillet 2015, la commission de réforme des agents hospitaliers s'est prononcée, à l'unanimité, en faveur de l'imputabilité de la maladie au service à compter du 8 octobre 2013, en soulignant elle aussi l'absence d'antécédent personnel ou familial ; enfin, le DrH..., dans son rapport d'expertise du 8 septembre 2015, sollicité par l'établissement à la suite de l'avis favorable de la commission, estime lui aussi que l'imputabilité au service doit être reconnue compte tenu notamment du déclenchement de la pathologie dans le cadre du travail, dans un contexte de tensions relationnelles et de conditions de travail anxiogènes et en l'absence d'autres éléments perturbateurs ou pathogènes en dehors de la sphère professionnelle.
6. Ainsi, chacun des différents médecins ayant examiné MmeF..., tout comme la commission de réforme des agents hospitaliers, ont conclu à l'imputabilité au service de sa maladie. L'EHPAD Fondation Duchatel n'apporte pas le moindre élément pour remettre en cause leurs appréciations, en particulier celles des deux experts qu'il a lui-même diligentés et dont les rapports, contrairement à ce qu'il soutient, sont circonstanciés et précis. Dans ces conditions, l'EHPAD Fondation Duchatel, qui au demeurant ne conteste même pas expressément la réalité de la situation conflictuelle décrite par MmeF..., n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré de ce que la décision litigieuse était entachée d'une erreur d'appréciation.
7. En conclusion de ce qui précède, l'EHPAD Fondation Duchatel n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 4 février 2016 par laquelle sa directrice a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de MmeF.... Dès lors, les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme F...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EHPAD Fondation Duchatel demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.
10. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les mêmes conditions, la partie perdante " au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés ". L'article 37 de la même loi dispose que : " (...) L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner (...) la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ". Il résulte de ces dispositions que si l'avocat du bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, quant à lui, ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat.
11. En l'espèce, les conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EHPAD Fondation Duchatel en application de l'article L. 761-1 précité sont présentées exclusivement pour le compte de MmeF..., qui n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont elle est bénéficiaire. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Fondation Duchatel de Verzenay est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme G...F...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Fondation Duchatel de Verzenay et à Mme G...F....
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N° 18NC00037