Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 21 janvier 2016 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1601265 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017, M.A..., représenté par Me Colin-Elphege, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 21 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les premiers juges ont méconnu ces dispositions ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., né le 4 décembre 1987, de nationalité russe, est entré en France, selon ses déclarations, le 14 juillet 2014, afin d'y solliciter l'asile. Alors que sa demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 octobre 2015, faisait l'objet d'un appel pendant devant la Cour nationale du droit d'asile, M. A...a, le 28 août 2014, sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par une décision du 21 janvier 2016, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. A...fait appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 octobre 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de l'arrêté :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la demande de l'intéressé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est porteur d'une lourde pathologie ayant d'ailleurs justifié son hospitalisation en urgence au cours de l'été 2014. A raison de cette pathologie, il doit faire l'objet d'une prise en charge régulière et adaptée et prendre un traitement médicamenteux en continu. M. A...a par ailleurs, devant les premiers juges, produit deux certificats médicaux selon lesquels il était suivi en service de maladies infectieuses et tropicales pour une pathologie chronique nécessitant notamment que lui soit administré au long court un produit combiné dénommé Stribild. Ce faisant, alors même qu'il n'a pas entendu lever le secret médical, M. A...doit être regardé comme ayant communiqué suffisamment d'éléments de nature à permettre d'apprécier sa situation au regard de la pathologie dont il souffre. Dans son avis du 9 avril 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié en Russie.
6. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de cet avis, le préfet du Doubs, qui ne conteste pas la gravité de l'état de santé du requérant se prévaut d'éléments contenus dans un tableau relatif à l'offre de soins en Russie. Toutefois, il ne ressort pas de la lecture de ces éléments que le Stribild y serait disponible. Dans ces conditions, et alors au demeurant que M. A...produit un courriel d'un médecin travaillant pour le laboratoire fabricant ce médicament, selon lequel ce produit n'est pas disponible en Russie et qu'il n'est pas prévu de l'enregistrer dans un futur proche, le préfet du Doubs n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la disponibilité effective du traitement que requiert l'état de santé du requérant en Russie. Par suite, M. A...est fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un titre de séjour sur ce fondement.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 janvier 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. Eu égard au motif d'annulation de la décision ci-dessus retenue, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A...d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs d'y procéder dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
10. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Colin-Elphege renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Colin-Elphege de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Besançon et la décision du 21 janvier 2016 du préfet du Doubs sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me Colin-Elphege, avocat de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Colin-Elphege renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 17NC03073