Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...D...et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 15 novembre 2017 par lesquels le préfet des Ardennes a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.
Par des jugements n° 1702472 et 1702473 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces arrêtés et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 700 euros dans chaque instance sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée le 4 avril 2018 sous le numéro 18NC01082, le préfet des Ardennes demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702472 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 mars 2018 annulant l'arrêté relatif à la situation de M.D... et mettant à la charge de l'Etat le versement à Me C...d'une somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Il soutient que :
- en estimant qu'il lui appartenait de s'approprier l'avis du collège des médecins de l'OFII, les premiers juges ont méconnu les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa décision portant refus de titre de séjour était parfaitement motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2018, M.D..., représenté par Me C..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il appartenait au préfet de motiver suffisamment son arrêté de refus de titre de séjour en indiquant s'il pouvait ou non se prévaloir du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne peut se borner à se référer à l'avis de l'autorité médicale sans s'approprier les termes de celui-ci au regard des conditions posées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
II- Par une requête enregistrée le 4 avril 2018 sous le numéro 18NC01083, le préfet des Ardennes demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702473 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 mars 2018 annulant l'arrêté relatif à la situation de Mme D... et mettant à la charge de l'Etat le versement à Me C...d'une somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande de Mme D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Il soutient que :
- en estimant qu'il lui appartenait de s'approprier l'avis du collège des médecins de l'OFII, les premiers juges ont méconnu les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa décision portant refus de titre de séjour était parfaitement motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2018, MmeD..., représentée par MeC..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il appartenait au préfet de motiver suffisamment son arrêté de refus de titre de séjour en indiquant si l'étranger pouvait ou non se prévaloir du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne peut se borner à se référer à l'avis de l'autorité médicale sans s'approprier les termes de celui-ci au regard des conditions posées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Ardennes relève appel des jugements n° 1702472 et 1702473 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses arrêtés du 15 novembre 2017 refusant de délivrer des titres de séjour à M. et à MmeD..., les obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. En vertu de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du même code. Selon cet article, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. / (...) Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Enfin, l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 pris pour l'application de ces dispositions prévoit que : " L'avis communiqué au préfet par le collège des médecins de l'OFII ne comporte aucune information couverte par le secret médical, détaillé en annexe I, ni aucun élément susceptible de révéler la pathologie du demandeur. Le rapport médical mentionné au premier alinéa du présent article n'est communicable ni à cette autorité administrative ni à aucune autre (...) ".
3. Il ressort de l'avis émis le 1er novembre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que celui-ci a estimé que si l'état de santé du fils de M. et Mme D...nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Ardennes, qui ne disposait d'aucun autre élément relatif à l'état de santé de l'intéressé, aurait, en se référant à cet avis, méconnu l'étendue de sa compétence.
4. Dans ces conditions, le préfet des Ardennes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu ce motif pour estimer que les arrêtés en litige seraient entachés d'une erreur de droit.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Sur les autres moyens tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, les décisions litigieuses, portant refus de titres de séjour, mentionnent, de façon non stéréotypée, les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
7. En deuxième lieu, le préfet ayant produit, en cours d'instance, l'avis émis le 1er novembre 2017 par le collège des médecins de l'OFII sur la situation de l'enfant des épouxD..., le moyen tiré de ce que les décisions contestées seraient intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir établi que le collège avait exprimé son avis, doit être écarté.
8. En troisième lieu, dès lors que le préfet des Ardennes, qui s'est référé à cet avis, a indiqué que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'enfant de M. et MmeD..., il n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour celui-ci de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. et Mme D...se prévalent de leur présence sur le territoire français depuis 2014, ils n'établissent pas que leur vie familiale ne pourrait pas se poursuivre avec l'ensemble des membres de la cellule familiale en Russie, où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de trente- et-un ans et de vingt-huit ans. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir qu'en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet des Ardennes aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Si M. et Mme D...font valoir que leur départ portera atteinte à l'intérêt supérieur de leurs enfants, il n'est pas établi que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité en Russie. Enfin, s'ils justifient par ailleurs que le jeune A...est reconnu comme un enfant handicapé à raison de pathologies psychologiques, les éléments médicaux qu'ils produisent au soutien de leur moyen ne suffisent à établir ni qu'un retour en Russie serait contraire aux besoins du jeuneA..., ni que les enfants souffrant de la même pathologie que lui n'y bénéficieraient pas d'un suivi approprié ou d'une prise en charge adaptée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre une décision de refus de titre de séjour ou une décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'emporte pas, par elle-même, éloignement vers le pays d'origine.
12. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions de refus de titre de séjour, en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Ardennes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé les arrêtés du 15 novembre 2017 par lesquels il a rejeté les demandes de titre de séjour de M. et MmeD..., les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part mis à la charge de l'Etat une somme de 700 euros dans chacune de ces affaires, au profit de l'avocate de M. et MmeD..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes dont M. et Mme D...demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les jugements n° 1702472 et 1702473 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E...D...et à Mme B...D....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet des Ardennes.
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N° 18NC01082, 18NC01083