Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Shanghai city a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1701560 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019, la SARL Shanghai city, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le caractère non probant et non sincère de la comptabilité n'est pas démontré ;
- la méthode de reconstitution est erronée ;
- les pénalités et l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ne sont pas motivées ;
- la mauvaise foi de la société n'est pas établie ;
- le paiement des amendes et des majorations la mettrait en péril financièrement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Shanghai city ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Shanghai city, qui exploite un restaurant proposant des buffets à volonté et des plats à emporter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 21 juillet 2015, l'administration lui a notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 et 2013, et des pénalités correspondantes, ainsi que l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La SARL Shanghai city relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, pénalités et amendes.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ". Devant le juge, il incombe à l'administration d'apporter la preuve des graves irrégularités dont la comptabilité serait entachée.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments figurant dans la proposition de rectification du 21 juillet 2015, que la société utilise un logiciel de caisse qui comptabilise les recettes et qui est relié à un terminal d'impression de tickets de caisse. Lors de la vérification de comptabilité, le vérificateur a constaté que le total des tickets de caisse présentés était inférieur pour certains jours au total journalier figurant sur le récapitulatif mensuel des recettes du système informatisé de comptabilité. Si une régularisation a été passée concernant l'année 2012 pour intégrer les tickets de caisse réglés par chèques vacances, cartes bancaires et chèques bancaires comme s'en prévaut la SARL Shangai city, il n'en demeure pas moins que cette régularisation est consécutive aux constatations du vérificateur et qu'initialement, des règlements encaissés n'avaient pas été enregistrés dans la caisse. Par conséquent, la société requérante n'a pas conservé, pour chaque exercice vérifié, l'ensemble des données élémentaires du système informatisé d'enregistrement des recettes. Les modalités d'enregistrement des recettes quotidiennes ne présentaient donc aucune garantie d'exhaustivité. Par ailleurs, la SARL Shangai city n'a pas été en mesure de présenter au vérificateur d'état des stocks détaillé au titre des deux exercices contrôlés. Les tickets de caisse, non numérotés et non datés par heure d'émission, étaient conservés dans des sacs plastiques sans classement. Le vérificateur a également relevé l'absence de tenue de livre d'inventaire. Ces défauts dans la tenue de la comptabilité ne permettaient pas un rapprochement entre les ventes et les achats. L'ensemble de ces constatations suffisaient à regarder la comptabilité comme entachée, durant la période vérifiée, de graves irrégularités lui ôtant son caractère probant. Par suite l'administration a pu à bon droit rejeter la comptabilité de la société et procéder à une reconstitution de recettes.
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
S'agissant de la charge de la preuve :
4. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires du Jura a confirmé, dans sa séance du 10 novembre 2016, tant le caractère non probant de la comptabilité que la reconstitution du chiffre d'affaires opérée par l'administration fiscale. Par suite, les impositions litigieuses ayant été émises conformément à l'avis de cette commission, et compte tenu des graves irrégularités entachant sa comptabilité au titre de l'exercice litigieux, la SARL Shangai city supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions, en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Il lui revient, dès lors, de démontrer soit que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par l'administration.
S'agissant de la méthode de reconstitution des recettes :
5. Le service a reconstitué les recettes de la SARL Shangai city à partir d'une méthode dite méthode des boissons, reposant sur le rapport existant entre les ventes de boissons en bouteille et la totalité du chiffre d'affaires. Cette méthode a consisté tout d'abord, à partir des tickets de caisse produits par la société requérante, à déterminer le pourcentage des recettes de boissons dans les recettes totales. Puis, à partir du dépouillement d'un échantillonnage de tickets de caisse et des factures d'achat de boissons, le service a déterminé la proportion de ventes de produits achetés en bouteille par rapport au chiffre d'affaire global. Observant que pour 3 209,30 euros de chiffre d'affaire de produits achetés en bouteille, le chiffre d'affaire global était de 32 469,80 euros, un coefficient de répartition des produits achetés en bouteille par rapport au total des ventes en a été déduit. Il a permis de déduire un chiffre d'affaire global reconstitué toutes taxes comprises de 706 844,67 euros en 2012 et de 748 303,79 euros en 2013. Le vérificateur a également utilisé une méthode subsidiaire fondée sur le chiffre d'affaire boissons sans distinction avec les seules ventes en bouteilles, à partir des factures d'achat et des tickets de caisse afin de confirmer la cohérence des résultats de la première méthode.
6. En premier lieu, la SARL Shangai city conteste la pertinence de l'échantillonnage des tickets de caisse ayant permis de déterminer un coefficient à partir duquel a été calculé le chiffre d'affaire global et se prévaut des conséquences de l'utilisation de ce coefficient.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'annexe 6 de la proposition de rectification du 21 juillet 2015 que l'échantillon des tickets de caisse utilisé par le vérificateur comporte des ventes sur dix-neuf journées réparties sur l'ensemble des périodes des deux années vérifiées, été comme hiver, des buffets à volonté de midi, de soir et de week-ends, ainsi que des ventes à emporter. Il s'ensuit que le vérificateur a tenu compte des différences de fréquentation et de consommation selon la période de l'année contrairement à ce que soutient la SARL Shangai city. La société requérante ne procède, de son côté, à aucune reconstitution à partir d'échantillons qu'elle estimerait plus appropriés. Enfin, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'échantillonnage ne serait pas représentatif, son extrapolation pour déterminer le coefficient destiné à calculer le chiffre d'affaire global n'est pas erronée. La circonstance que le coefficient conduirait à des différences importantes selon sa variation est également sans incidence sur la régularité de la méthode d'évaluation. Il s'ensuit que la méthode de reconstitution n'est pas excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe sur ce point.
8. En second lieu, la SARL Shangai city soutient que les incohérences résultant de la comparaison de la méthode principale avec la méthode subsidiaire eu égard aux taux correspondant aux pertes et offres démontrent le caractère vicié de la méthode de reconstitution.
9. Il n'est pas justifié par le ministre de la prise en compte des pertes et offerts pour établir les différences entre les résultats reconstitués à partir de chacune des deux méthodes. Cependant, cette seule circonstance ne permet pas de déduire que les méthodes de reconstitution aboutissent à des résultats erronés, l'administration pouvant mettre en oeuvre deux méthodes de reconstitution et n'en retenir finalement qu'une seule, comme en l'espèce, en raison des imperfections relevées dans l'autre méthode. Par suite, la société requérante ne peut pas contester les " incohérences " qui résulteraient selon elle des écarts de chiffre d'affaire reconstitués entre les deux méthodes dès lors que c'est afin de ne pas pénaliser la société que l'administration a retenu uniquement la première méthode. Il s'ensuit qu'en se bornant à invoquer l'incohérence de l'application d'un taux de pertes et offerts sans proposer aucune autre méthode de substitution, la SARL Shangai city ne démontre pas que la première méthode de reconstitution ainsi utilisée par l'administration serait excessivement sommaire ou radicalement viciée.
Sur les pénalités et amendes :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
11. L'administration a assorti les cotisations supplémentaires et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. Pour justifier l'application de cette majoration, le service s'est fondé sur l'absence du caractère suivi et probant de la comptabilité, l'importance des minorations de recettes qui s'élève à 71 875 euros en 2012 et 105 019 euros en 2013, et la dissimulation de recettes. Pour contester le caractère intentionnel de son manquement à ses obligations fiscales, qui doit s'apprécier au moment de la déclaration, la société requérante ne peut utilement invoquer son comportement et celui de son gérant au cours des opérations de contrôle et postérieurement à celui-ci. Par ailleurs, la SARL Shangai city ne saurait utilement invoquer des difficultés financières dans la présente instance qui se rattache au contentieux de l'assiette de l'impôt et ne relève pas de la juridiction gracieuse. Il s'ensuit que l'administration a suffisamment précisé dans la proposition de rectification, qui est suffisamment motivée, les circonstances sur lesquelles elle s'est fondée pour appliquer la majoration de 40 % de l'article 1729 du code général des impôts précité. Par ailleurs, ces éléments justifient l'application de ces majorations, dont ont été à bon droit assortis les cotisations supplémentaires et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
12. En second lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ". L'article 117 du même code dispose : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 (...) ". L'article 1759 du même code dispose : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ".
13. En se bornant à se prévaloir du comportement de son gérant et de ses difficultés financières, la SARL Shangai city, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a pas répondu à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués qui lui a été adressée dans la proposition de rectification du 21 juillet 2015, ne conteste pas utilement l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2012 et 2013.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Shanghai city n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Shanghai city est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Shanghai city et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC03401