Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2000775 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 5 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet s'est mépris sur la portée de sa demande présentée sur le fondement du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur le fondement des 1° et 2 ° de ces dispositions, entachant ainsi son arrêté d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet ne s'est pas prononcé sur sa demande en examinant la viabilité économique de la société dont il est l'associé et a méconnu ainsi l'article R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1990 et de nationalité guinéenne, est entré en France en juin 2012. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 janvier 2013. L'intéressé a sollicité une seconde fois son admission au titre de l'asile. Sa demande a été à nouveau rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 novembre 2013. Une mesure d'éloignement a été prise à son encontre le 30 décembre 2013. M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Le 4 juillet 2016 M. A... a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 5 mars 2020, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 mars 2020.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur: " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " (...) ". Aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code : " Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. ".
3. M. A... soutient que le préfet de la Marne s'est mépris sur l'objet de sa demande, regardée à tort comme fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre " salarié " alors qu'il sollicitait une carte de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a entendu régulariser sa situation en déposant une demande de titre de séjour le 4 juillet 2016 et a produit à l'appui de sa demande, selon les termes de l'arrêté, une promesse d'embauche au sein de la SARL Max en tant qu'ouvrier de l'isolation. Par un récépissé du 30 septembre 2019, le préfet de la Marne a accusé réception de la demande de régularisation de M. A... qu'il a regardée comme sollicitée " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de sa situation professionnelle ". Cependant, le requérant soutient avoir déposé, en 2019, à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité d'entrepreneur les statuts de la société Multiservice Pro.Nett, enregistrés le 12 novembre 2018, au sein de laquelle il est associé, l'extrait d'immatriculation au répertoire des métiers le 14 mars 2019, l'attestation de régularité fiscale du 25 avril 2019 et le relevé provisoire de cotisations à verser à l'URSSAF en 2019. La circonstance qu'un récépissé a été délivré au requérant le 30 septembre 2019 démontre que le préfet de la Marne a nécessairement reçu les pièces transmises par M. A... quant à sa qualité d'entrepreneur et que cet accusé réception ne pouvait seulement avoir pour objet d'attester du dépôt de la première demande de titre de séjour déposée près de trois ans plus tôt. Dans ces conditions particulières, M. A... est fondé à soutenir que le préfet a entaché ses décisions d'un défaut d'examen particulier de sa demande et a par suite, commis une erreur de droit.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu des motifs du présent arrêt, l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2020 implique le réexamen de la demande de titre de séjour de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Marne d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... une somme en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 juin 2020 et l'arrêté du préfet de la Marne du 5 mars 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 20NC02051