Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2001702 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de
Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 février 2021, M. A... B..., représenté par Me Garcia, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 23 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour n'a pas été précédé d'une saisine de la commission du titre de séjour ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le rejet de sa demande de régularisation méconnait la circulaire Valls du 28 novembre 2012 ;
- cette décision méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette mesure d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant qu'un délai de trente jours pour quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision désignant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2021, le préfet de l'Aube, représenté par Me Ancelet, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 mai 2021.
Par une ordonnance du 24 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 3 décembre 1979, relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Aube du 23 octobre 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Tout d'abord, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. Il ne pas ressort des pièces du dossier que M. B... vivrait en France, ainsi qu'il le prétend, de manière continue depuis 2003, les attestations et les mentions figurant sur son passeport dont il se prévaut étant insuffisamment probantes à cet égard. S'il n'est pas contesté qu'il vit en France depuis 2012, en exerçant un emploi en tant que mécanicien automobile, il est célibataire et sans enfant à charge. Le requérant, qui a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine, ne démontre pas qu'il existerait des circonstances particulières justifiant qu'il ait vocation à demeurer auprès de son frère, de nationalité française. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, au regard des circonstances précédemment rappelées, le refus de régulariser sa situation n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
4. Ensuite, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de caractère réglementaire, constituent seulement des orientations générales adressées par le ministre aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, ces autorités administratives disposant d'un pouvoir d'appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle la personne intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Cette circulaire, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger qui totaliserait les durées de résidence et d'emploi qu'elle indique, ne comporte ainsi pas de lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge et ne comporte pas davantage une interprétation du droit positif ou d'une règle qu'ils pourraient invoquer sur le fondement des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que M. B... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire.
5. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés, retenus à bon droit par les premiers juges, pour écarter les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé, n'a pas été précédé d'une saisine de la commission du titre de séjour et méconnait les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour n'étant fondé, le requérant ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
7. Par ailleurs, compte tenu des circonstances de fait mentionnées au point 3, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B..., qui n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La mesure d'éloignement litigieuse n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses effets sur la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
8. Le requérant fait état de ses responsabilités professionnelles pour soutenir que le délai de trente jours qui lui a été imparti pour quitter le territoire français est manifestement insuffisant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé ne travaille plus effectivement dans le garage qui l'employait depuis le 22 mai 2019, ainsi que cela ressort d'un courriel rédigé par le service comptabilité de son employeur produit par le préfet, corroboré sur ce point par les feuilles de paye produites par l'intéressé pour la période postérieure à cette date, qui mentionnent une absence complète. Pour le surplus et au regard notamment de sa durée de présence sur le territoire français, l'octroi d'un délai de trente jours n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la désignation du pays de renvoi :
9. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
10. D'autre part, le requérant ne démontre pas qu'il serait dans l'impossibilité de mener une vie familiale normale dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté en tout état de cause.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande, de sorte que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et de l'arrêté du préfet de l'Aube doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. B... doivent, en conséquence, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, eu égard notamment à la situation de M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, de faire droit aux conclusions que présente le préfet de l'Aube au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de l'Aube au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 21NC00430