Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I- L'office public de l'habitat Reims habitat Champagne Ardenne a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prescrire une expertise, en présence de la société Iso confort, de la compagnie MMA Iard, de la société SPRS, de la SMA SA et de la société Pace en vue de déterminer la cause des désordres affectant les bâtiments situés rue Charles Flandres, la ferme des anglais à Reims.
Par une ordonnance n° 2100995 du 18 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande, mais a mis hors de cause la SA SMA.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2021 sous le n° 21NC02901, complétée par un mémoire le 9 novembre 2021, et un mémoire enregistré le 16 mars 2022, la société Pace, représentée par Me Thibaut, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a mis hors de cause la SA SMA ;
2°) d'ordonner que les opérations d'expertise prescrites l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne soient déclarées communes et opposables à la SA SMA en sa qualité d'assureur de la Sarl SPRS.
3°) de mettre à la charge de la SA SMA une somme de 800 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expertise en cause a été prescrite en raison des dommages causés par la société SPRS au vitrage des menuiseries extérieures posées par la société Iso confort, dans le cadre de la réalisation des logements construits sous sa maîtrise d'œuvre ;
- le premier juge a, à tort, fait droit à la demande de mise hors de cause présentée par la SA SMA ;
- il ne relève pas de la compétence du juge des référés d'examiner le fond du droit et notamment les questions liées à la nature des dommages allégués ou à celles de la mobilisation des garanties que pourrait offrir la SA SMA à son assurée ;
- la question de l'interprétation du contrat d'assurance sur le point de savoir si la garantie serait mobilisable ne relève pas de la compétence du juge des référés ;
- l'assureur de la garantie décennale est celui dont le contrat était en cours au moment de la déclaration de chantier et non celui au moment de la réclamation ;
- la SA SMA a participé aux opérations d'expertise amiable et a soutenu à tort devant le premier juge ne pas être l'assureur de la Sarl SPRS pour avoir notifié la résiliation de sa police ;
- seuls les préjudices immatériels seraient à la charge du nouvel assureur de la Sarl SPRS ;
- elle justifie d'un intérêt légitime à voir interrompre à l'égard de la SA SMA les délais de prescription prévus par le code civil.
Par un mémoire enregistré le 31 janvier 2022, la SA MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles, représentées par Me Metidji-Talbi, demandent à la cour ;
1°) d'annuler partiellement l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a mis hors de cause la SA SMA ;
2°) de dire que l'expertise prescrite par l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sera déclarée commune et opposable à la SA SMA en sa qualité d'assureur de la Sarl SPRS.
Elles soutiennent que :
- seul le juge du fond peut examiner les contrats d'assurances et se prononcer sur les responsabilités et éventuelles garanties ;
- la date exacte des différents désordres ainsi que leur origine seront déterminées par l'expert judiciaire ;
- le juge du fond sera saisi pour se prononcer sur les responsabilités ;
- il est nécessaire que l'ensemble des intervenants et leurs assureurs soient présent aux opérations d'expertise.
Par des mémoires en défense enregistrés les 10 et 23 mars 2022, la SMA SA, représentée par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de la société Pace ;
2°) de confirmer l'ordonnance attaquée ;
3°) de mettre à la charge de la société Pace une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
A titre subsidiaire :
4°) de lui donner acte de ses protestations et réserves quant à l'extension à son égard de la mesure d'expertise.
Elle soutient que :
- la mesure d'instruction sollicitée par l'OPH ne présente aucune utilité en ce qu'elle est dirigée à son encontre ;
- le présent litige est afférent à des désordres survenus en cours de chantier ;
- Il est avéré, sans qu'il soit besoin de procéder à une quelconque interprétation que ces désordres sont exclusivement de nature à rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs à l'exclusion de leur responsabilité décennale ;
- la garantie de la police d'assurance souscrite par la société SPRS ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré après la résiliation ou à l'expiration du contrat que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable ;
- la police d'assurance souscrite par la société SPRS a fait l'objet d'une résiliation à effet du 29 mai 2018 ;
- c'est à bon droit et sans se livrer à un quelconque examen du fond que le premier juge a exactement déduit, qu'il était d'ores et déjà avéré, qu'aucune action au fond ne pourrait être dirigée à son encontre.
Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2022, la société Iso confort, représentée par Me Metidji-Talbi, demande à la cour :
1°) de lui donner acte de ce qu'elle n'entend pas s'opposer à la demande d'organisation d'une expertise, sous les plus expresses réserves de garantie et de responsabilité ;
2°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a mis hors de cause la SA SMA ;
3°) d'ordonner que les opérations d'expertise prescrites l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne seront déclarées communes et opposables à la SA SMA en sa qualité d'assureur de la Sarl SPRS.
Elle soutient que :
- seul le juge du fond peut examiner les contrats d'assurance et se prononcer sur les responsabilités et éventuelles garanties ;
- les dates exactes des différents désordres ainsi que leur origine seront déterminées par l'expert judiciaire ;
- il est nécessaire que l'ensemble des intervenants avec leurs assureurs soient présents lors des opérations d'expertise.
Par ordonnance du 29 avril 2022, la clôture d'instruction de la présente instance a été fixée au 20 mai 2022 à 12 : 00 heures.
II. Par une requête enregistrée le 16 mars 2022 sous le n° 22NC00694, la société Pace, représentée par Me Thibaut, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de l'ordonnance du 3 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant la demande de la société SPRS tendant à étendre les opérations d'expertise à la SA SMA ;
2°) d'ordonner que les opérations d'expertise prescrites l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne soient déclarées communes et opposables à la SA SMA en sa qualité d'assureur de la Sarl SPRS ;
3°) de mettre à la charge de la SA SMA la somme de 800 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge des référés du tribunal administratif a déjà prononcé, à tort, la mise hors de cause de la SA SMA ;
-la question de l'interprétation du contrat d'assurance liant la SA SMA et son assurée, la société SPRS, ne relève pas de la compétence du juge des référés ;
- le raisonnement suivi par la SA SMA est erroné au regard des dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances ;
- la SA SMA a participé aux opérations d'expertise amiable ;
- elle a un intérêt à voir interrompre à l'égard de la SA SMA, assureur de la société SPRS, les délais de prescription par applications des dispositions des articles 2224 et 1240 du code civil.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, la société SPRS Ile de France, représentée par Me Silva Garcia, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 de l'ordonnance du 3 mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'ordonner que les opérations d'expertise prescrites l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de de Châlons-en-Champagne soient déclarées communes et opposables à la SA SMA en sa qualité d'assureur de la Sarl SPRS ;
3°) de mettre à la charge de la SA SMA la somme de 800 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société SA SMA était bien l'assureur de la société SPRS au commencement des travaux en février 2017 ;
- il ne relève pas de la compétence du juge des référés d'examiner le fond du droit et notamment les questions liées à la mobilisation de la garantie au regard de la date du fait dommageable, de la date de la réclamation et des dommages allégués ;
- le juge des référés ne pouvait mettre hors de cause la société SA SMA au motif que les dommages de dégradations de menuiseries seraient survenus en septembre 2018.
Par ordonnance du 29 avril 2022, la clôture d'instruction de la présente instance a été fixée au 20 mai 2022 à 12 : 00 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 21NC02901 et n° 22NC00694 concernent un même litige relatif à la participation de la SA SMA, en sa qualité d'assureur de la Sarl SPRS, aux opérations d'expertise prescrites par l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même ordonnance.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance ou à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, le juge ne peut faire droit à une demande d'extension de l'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.
4. Il résulte de l'instruction qu'en cours du chantier de la construction de 57 logements à Reims sous la maîtrise d'ouvrage de l'office public de l'habitat Reims habitat Champagne Ardenne les menuiseries posées par la société Iso confort, titulaire du lot n° 4 " Menuiseries extérieures PVC " ont été dégradées, dégradations relevées en septembre 2018 et imputées à la société SPRS, titulaire des lots n° 6 " Revêtement de façades, plaquettes brique et enduits monocouche " et n° 9 " peintures, sols souples ". Une tentative de règlement amiable du litige initiée par le maître d'ouvrage n'ayant pas abouti, la réception des travaux de la société Iso confort a donné lieu à des réserves lors de la réception de ces travaux. L'OPH Reims Habitat a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'expertise tendant à déterminer et l'imputabilité de ces désordres.
5. Après avoir relevé que la police d'assurance souscrite auprès de la SA SMA par la société SPRS avait fait l'objet d'une résiliation à effet du 29 mai 2018, alors que les faits dommageables invoqués dans le cadre du litige n'ont été relevés qu'en septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a décidé de mettre cette compagnie d'assurance hors de cause.
6. La société Pace, à qui a été confié la maitrise d'œuvre de l'opération de construction en litige, demande à la cour de réformer l'ordonnance du 18 octobre 2021 du juge des référés sur ce point, ainsi que sa deuxième ordonnance, rendue le 3 mai 2022, confirmant cette mise hors de cause. Elle soutient, d'une part, que la SA SMA pourrait être tenue à garantie vis-à-vis des tiers, après résiliation de la police au titre de la garantie subséquente visée par l'article L. 124-5 du code des assurances et, d'autre part, qu'elle justifie d'un intérêt légitime à voir interrompre à l'égard de la SA SMA, en sa qualité d'assureur de la société SPRS, les délais de prescription par application des dispositions des articles 2224 et 1240 du code civil s'agissant d'une mesure d'instruction sollicitée au contradictoire des constructeurs et de leurs assureurs et non d'une demande de condamnation à garantir. La SPRS, quant à elle, soutient que la SA SMA était bien son assureur au commencement des travaux en février 2017.
7. Il ressort des pièces du dossier que le contrat souscrit par la société SPRS auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SA SMA, a pris effet le 24 juin 2009 et a été résilié à la date du 29 mai 2018.
8. D'une part, les désordres litigieux, ayant été constatés avant la réception des travaux, ne peuvent être regardés de nature décennale. Dès lors, la circonstance que la société SA SMA était l'assureur de la société SPRS à la date de commencement des travaux n'est pas de nature à la mettre en cause dans le cadre du présent litige.
9. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances, la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre. En outre, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie. Les désordres litigieux, étant intervenus en septembre 2018, soit postérieurement à la date de résiliation du contrat, l'article L. 124-5 du code des assurances ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce. Par suite, la société Pace n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a mis hors de cause la SA SMA.
10. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de la société Pace ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que les conclusions incidentes des sociétés MMA Iard, MMA Iard assurances mutuelles, Iso confort et SPRS Ile de France.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : Les requêtes de la société Pace et les conclusions incidentes des sociétés MMA Iard, MMA Iard assurances mutuelles, Iso confort et SPRS Ile de France sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Pace, à l'office public de l'habitat Reims habitat Champagne Ardenne, à la SMA SA, à la société Iso confort, à la société SPRS Ile de France, aux sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, à la SMABTP, à la société Arobase Net, à la société Entoria, à la société Ronzat et à la société Aviva assurances.
La présidente de la Cour
Signé : S. FAVIER
La République mande et ordonne au préfet de la Marne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Nos 21NC02901,22NC00694 2