Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... née A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2103223 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai en lui délivrant dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance de titre de séjour :
- la décision méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences excessives sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le recours a été communiqué à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Mme D... née A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée sur le territoire français le 23 août 2017 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 25 mai 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 mai 2019. Le 14 octobre 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme A... fait appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser à Mme A... la délivrance de titre de séjour, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée, notamment, sur l'avis du collège de médecins de l'OFII, rendu le 31 mars 2020, estimant que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque.
5. Selon les certificats médicaux versés au dossier, Mme A... souffre d'un stress
post-traumatique et d'un état anxiodépressif sévère nécessitant une prise en charge
médico-psychiatrique et l'administration de plusieurs médicaments. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. En se bornant à produire un rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) intitulé " République démocratique du Congo : traitement des maladies mentales " daté du 19 juin 2018, la requérante ne démontre pas l'impossibilité de poursuivre ses consultations psychiatriques et de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, malgré les carences du systèmes sanitaires congolais ou l'inégale répartition sur le territoire des structures de prise en charge des soins psychiatriques, mises en lumière notamment par des études d'organisations non gouvernementales et notamment le rapport du 16 mai 2013 de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, ainsi que par le rapport de l'Organisation mondiale pour la santé produit par Mme A..., les pièces du dossier sont insuffisantes pour remettre en cause le
bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'OFII, alors que la préfète du Bas-Rhin a produit des fiches MEdCOI (" medical country of origin information ") issues d'une base de données mise en place par les administrations en charge de l'immigration et de l'asile en Europe regroupant des informations médicales sur différents pays. Il ressort de l'ensemble des éléments versés au dossier que des médicaments de nature à prendre en charge les pathologies de Mme A... sont disponibles dans son pays d'origine, sans qu'il soit établi que des molécules indispensables à un traitement approprié, qui n'est pas nécessairement identique à celui qui lui est prescrit en France, n'y existeraient pas. Les seuls éléments généraux produits par Mme A... ne permettent pas davantage à prouver qu'un tel traitement lui serait, personnellement, inaccessible. Par ailleurs, les pièces du dossier sont insuffisantes pour justifier que des traumatismes effectivement vécus dans le pays d'origine seraient tels qu'ils rendraient inefficace toute prise en charge en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin a pu légalement refuser de délivrer à la requérante un titre de séjour en qualité d'étranger malade.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme A... est entrée sur le territoire français le 23 août 2017, soit moins de quatre ans avant la décision litigieuse. Bien que Mme A... ait une enfant née en France en 2018, cette naissance ne saurait, par elle-même, conférer à l'intéressée vocation à se maintenir sur le territoire français, alors que l'époux de la requérante, de même nationalité, ne séjourne pas en France et que l'intéressée ne se prévaut d'aucune autre attache en France que sa fille. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la requérante serait dépourvue d'attaches familiales en République démocratique du Congo, pays où elle a passé la majeure partie de son existence. De plus, compte tenu de ce qui précède, l'état de santé de la requérante ne saurait être regardé comme imposant qu'elle demeure en France. Par suite, le refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne méconnaît pas davantage le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. La seule circonstance que la fille de Mme A... est née en France ne suffirait à établir que la décision litigieuse caractérise une atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant alors que celle-ci n'est pas encore scolarisée du fait de son jeune âge. De plus, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine de la requérante, la décision contestée n'ayant pas vocation à séparer Mme A... de son enfant. En outre, il n'est pas démontré que la requérante rencontrerait des difficultés à poursuivre les entretiens psychologiques mis en place entre elle et sa fille en République démocratique du Congo. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. En quatrième lieu, au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, et en l'absence d'autre élément invoqué par la requérante, le moyen tiré de ce que la préfète aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle doit être écarté.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
10. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.
11. En outre, si la requérante reprend les moyens précédemment examinés, pour les développer à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, ils ne peuvent qu'être écartés, par les mêmes motifs que précédemment.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
13. La requérante soutient avoir subi des violences ainsi qu'une séquestration dans son pays d'origine à la suite de son intérêt porté au parti politique " Bundu dia Mayala ". Elle déclare avoir pu être libérée après avoir versé une somme d'argent à ses ravisseurs. Elle dit craindre pour sa vie et celle de sa fille en cas de retour en République démocratique du Congo. Pour autant, elle n'apporte pas d'élément de nature à établir qu'elle serait personnellement exposée à des traitements prohibés par les stipulations citées au point précédent en cas de retour dans ce pays, étant précisé, au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit être écarté.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Toutes les conclusions de la requête, y compris celles aux fins d'injonction et celles présentées par l'avocat de Mme A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... née A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022
La présidente,
Signé : A. C...
L'assesseur le plus ancien,
Signé : E. MEISSE
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
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N° 21NC02535