Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2101290 du 16 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, M. D..., représenté par Me Burkatzki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2021 de la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de la signature du jugement par le magistrat statuant seul et le greffier d'audience ;
- il n'est pas établi que le magistrat désigné ait été régulièrement désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg en application de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, qui a fait peser la charge de la preuve exclusivement sur sa personne et n'a pas mis en œuvre ses pouvoirs d'instruction, il a présenté, en date du 19 décembre 2019, une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette demande, qui, à considérer qu'elle ait fait l'objet d'une décision implicite, était encore contestable au jour de sa requête devant le tribunal, n'a pas été prise en compte dans l'instruction de l'arrêté du 12 février 2021, de sorte que cet arrêté est entaché d'un vice de procédure ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît le deuxième paragraphe de l'article 31 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2021.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
1. M. D..., ressortissant russe, né le 25 juillet 1987, est entré irrégulièrement en France le 1er février 2016 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 juillet 2016. M. D... a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA du 15 septembre 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 21 décembre 2017. Par un arrêté du 12 février 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement de son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. M. D... fait appel du jugement du 16 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-8 du code de justice administrative : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience ".
3. La minute du jugement comporte la signature du magistrat statuant seul, ainsi que celle du greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.741-7 du code de justice administrative manque par suite en fait. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée à M. D..., ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
4. En deuxième lieu, aux termes du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. (...) ".
5. Il ressort des visas du jugement attaqué, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que le président du tribunal administratif de Strasbourg a régulièrement désigné M. A... pour statuer sur les litiges visés à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont relève la demande présentée par M. D.... Ce dernier n'apporte aucun élément permettant d'établir que cette mention serait erronée, ni que la désignation de M. A... n'aurait pas fait l'objet d'une publicité adéquate permettant son entrée en vigueur. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du magistrat ayant rendu le jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, M. D... fait valoir qu'il aurait présenté, le 19 décembre 2019, une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'aurait pas été prise en compte par la préfète dans le cadre de l'arrêté litigieux. Pour autant, le requérant se borne à produire une copie d'une lettre de demande, mais n'apporte, tant devant le juge de première instance que devant la cour, aucun élément démontrant qu'il ait effectivement transmis cette demande à la préfète. S'il évoque à ce titre avoir notamment versé cette demande dans le cadre d'un précédent contentieux l'opposant à la préfète, il n'apporte pas plus de justifications en ce sens et, en tout état de cause, à considérer que M. D... ait déjà versé cette même lettre datée du 19 décembre 2019 dans le cadre d'un précédent litige devant les juridictions administratives, une telle communication dans le cadre d'une instance contentieuse ne saurait être appréciée comme valant saisine de la préfète d'une demande de titre de séjour. Alors que la préfète conteste expressément toute saisine de ses services au titre d'une demande de titre de séjour de M. D... et ne peut apporter d'autre preuve d'un tel fait négatif, la seule production d'une copie d'une lettre de demande ne saurait suffire à justifier, en l'espèce, la notification de cette demande à la préfète préalablement à l'arrêté litigieux. Par suite et ainsi que l'a retenu le premier juge, qui n'a, au demeurant, pas méconnu les règles de charge de la preuve et n'était pas tenu à mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction, le moyen tiré de l'absence de prise en compte par l'auteur de l'arrêté litigieux de la demande de titre de séjour du requérant ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, précise les dispositions légales pertinentes sur lesquelles il s'appuie et rappelle les principales considérations relatives à la situation administrative de M. D..., notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France, le rejet de sa demande d'asile et la demande de réexamen de sa demande d'asile. L'arrêté mentionne, de plus, la situation familiale de M. D... en indiquant qu'il est présent en France avec sa conjointe et leurs quatre enfants, tout en précisant que ces derniers pourront le suivre en dehors du territoire français. Alors que, ainsi qu'il a été précisé au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ait présenté une demande de titre de séjour préalablement à l'adoption de l'arrêté litigieux, cet arrêté n'avait, en toute hypothèse, pas à faire mention d'une telle demande. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 31 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " 1. Les Etats contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. / 2. Les Etats contractants n'appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d'autres restrictions que celles qui sont nécessaires ; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut des réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays. En vue de cette dernière admission les Etats contractants accorderont à ces réfugiés un délai raisonnable ainsi que toutes facilités nécessaires. ". Il résulte de ces stipulations que l'article 31 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et notamment de son paragraphe 2, est relatif au déplacement des réfugiés qui sont dans l'attente de l'examen de leur demande d'asile et de leur régularisation.
9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, tant M. D... que sa compagne avaient vu leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile rejetées par l'OFPRA et que ces décisions avaient été confirmées par la CNDA. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté méconnaît les stipulations du 2. de l'article 31 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... était présent en France depuis cinq ans à la date de l'arrêté litigieux, mais il n'apporte aucun élément démontrant une quelconque intégration professionnelle ou sociale. S'il se prévaut de la présence en France de sa conjointe, qui est également de nationalité russe, cette dernière est également en situation irrégulière et ne dispose donc d'aucun droit à se maintenir sur le territoire français. L'intéressé, qui ne démontre ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni disposer d'attaches privées ou familiales en France autres que sa compagne et ses enfants, n'apporte également aucun élément justifiant que les enfants du couple ne pourraient les suivre en cas de retour en Russie afin d'y reconstituer leur cellule familiale et pour y poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
12. En cinquième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Si M. D... se prévaut de la scolarisation de ses quatre enfants en France, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Russie, pays dont sa conjointe a également la nationalité, et que leurs enfants ne pourraient pas y poursuivre une existence et une scolarité normales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
14. Enfin, en dernier lieu, à compter que M. D... ait entendu reprendre en appel, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté, de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 511-1, L. 743-1 et R. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance de l'article L. 313-14 de ce code et de ce que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de son épouse, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. C...La présidente,
Signé : A. SAMSON-DYE
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
2
N° 21NC02959