Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... veuve D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Par un jugement n° 2103129 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée 10 mars 2022, Mme D..., représentée par Me Pialat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la préfète a apprécié de façon manifestement inexacte les conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité arménienne, est entrée en France au mois de décembre 2013. Après le rejet de sa demande d'asile, elle a été titulaire d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en raison de son état de santé de novembre 2015 à décembre 2017. Elle a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement au mois de mars 2020. Le 28 juillet 2020, elle a sollicité la régularisation de sa situation administrative en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-10 et de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 11 février 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite. Par un jugement n° 2103129 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... résidait en France depuis sept ans à la date de la décision attaquée. Il n'est pas contesté que l'intéressée, veuve et mère de deux enfants majeurs qui résident en Russie et aux Etats-Unis, est dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ressort de l'attestation de formation et des nombreuses fiches de paie produites qu'après avoir reçu une formation sur les " bases du nettoyage " en français langue étrangère entre septembre et novembre 2016, elle travaille ou a travaillé en continu comme agent de propreté ou aide familiale auprès de six employeurs différents depuis le 1er avril 2017, trois contrats étant encore en cours à la date de la décision en litige. Dans ces circonstances, compte tenu en particulier de l'ancienneté de séjour et de travail de l'intéressée en France, la préfète du Bas-Rhin a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, par voie de conséquence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.
Sur l'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administration : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que la préfète du Bas-Rhin délivre à Mme D... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " salarié ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a également lieu d'enjoindre au préfet de délivrer immédiatement à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à la délivrance de la carte de séjour temporaire. En revanche, les dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, font obstacle à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative d'assortir cette autorisation provisoire de séjour d'une autorisation d'exercer une activité professionnelle.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Pialat, conseil de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103129 du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme D..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui remettre immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pialat, avocat de Mme D... une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pialat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... veuve D..., Me Pialat et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président,
- Mme Picque, première conseillère,
- Mme Barrois, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
La rapporteure,
Signé : A.-S. PicqueLe président,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm.
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N° 22NC00618