Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 février 2021, par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100454 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mars 2022, M. B..., représenté par Me Ouriri, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 19 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ou, à défaut portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où il est entré en France étant mineur et où il s'est investi dans sa scolarité ;
- la décision portant refus de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à sa scolarité à France et à l'absence de lien dans son pays d'origine ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale, en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord de coopération en matière de justice entre la République française et la République unie du Cameroun du 21 février 1974 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... déclare être né le 20 juin 2000 à Foumban (Cameroun) et être entré irrégulièrement en France en 18 juin 2017. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube à compter du 26 juin 2017. Par un courrier du 8 juin 2018, M. B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de l'Aube a refusé de l'admettre au séjour par un arrêté du 19 février 2021 et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois. M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 février 2021.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Aux termes de l'article 21 de l'accord de coopération en matière de justice de l'accord de coopération franco-camerounais : " Par acte de l'état civil, (...) il faut entendre : / - les actes de naissance ; (...) ". Aux termes de son article 22 : " 1° Sont admis, sans légalisation, sur les territoires respectifs de la République française et de la République Unie du Cameroun les documents suivants établis par les autorités de chacun des deux Etats : / - les expéditions des actes de l'état civil tels qu'ils sont énumérés à l'article 21 ci-dessus ; (...) / 2° Les documents énumérés ci-dessus doivent être revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, être certifiés conformes à l'original par ladite autorité. En tout état de cause, ils sont établis matériellement de manière à faire apparaître leur authenticité "
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet de l'Aube a opposé à l'intéressé le fait qu'il ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans. M. B... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une copie d'un acte de naissance, certifiée conforme par un officier d'Etat civil et délivrée le 21 mars 2018 à Douala. Contrairement à ce que soutient M. B..., un rapport d'examen technique documentaire de la direction zonale de la police aux frontières zone Est (DZPAF) du 24 décembre 2018 conclut clairement, au caractère contrefait du document, en soulignant que l'impression n'est pas centrée sur le document et que les mentions pré-imprimées l'ont été en " impression jet d'encre " et non en " off set ", alors que les mentions variables sont inscrites au stylo bille bleu. Il indique, par ailleurs, que les timbres humides à l'encre rouge sont de mauvaise qualité, tandis que le timbre fiscal est également imprimé au jet d'encre. Enfin, il note une faute d'accent dans les mentions pré-imprimées de signature et l'absence de bord dentelé établissant que le document est issu d'une souche. Pour contester les conclusions de ce rapport, M. B... se borne à soutenir que l'utilisation d'encre bleue et la mauvaise qualité des tampons humides à l'encre rouge ne constituent pas des signes de contrefaçon et que l'absence de bord dentelé s'expliquerait par le fait qu'il s'agit d'une copie et non d'un original. Par ailleurs, si M. B... a produit devant le préfet une copie de l'acte de naissance litigieux, il n'a pas produit le document original. Le préfet de l'Aube a, d'une part, sollicité par courriel les autorités consulaires françaises au Cameroun a trois reprises en juin 2019 et janvier 2020, sans que la " levée d'acte " demandée ait pu aboutir et, d'autre part, saisi, par courrier du 1er octobre 2020 pour authentification de cet acte, les autorités camerounaises en France, qui n'ont pas donné suite à sa demande. Or, en application de l'article 1er du décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015, le silence gardé pendant huit mois par l'autorité étrangère compétente vaut décision de rejet.
7. A hauteur d'appel, M. B... produit une nouvelle copie de l'acte de naissance en cause, certifiée conforme à l'original par le vice-consul à Paris le 29 juin 2021. Toutefois, il ressort des dispositions de l'article 22 de l'accord de coopération franco-camerounais que la copie doit être certifiée conforme par l'autorité ayant qualité pour délivrer le document. Par conséquent, cette copie ne peut être regardée comme étant authentifiée. Enfin, si le requérant se prévaut de son passeport, dont la validité n'est pas remise en cause par le préfet, ce document a été établi sur le fondement d'actes d'état civil dont l'authenticité n'est pas établie. Par suite, le préfet de l'Aube a pu estimer, sans faire une inexacte application des dispositions de l'article 47 du code civil, que les actes d'état civil fournis par le requérant étaient dépourvus de valeur probante.
8. Le requérant ne justifiant pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, le préfet a pu, pour ce seul motif, refuser de délivrer le titre de séjour sollicité. Si M, B... fait valoir qu'il suit une formation qualifiante et se prévaut de ses résultats scolaires, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision contestée. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est présent en France depuis juin 2017, soit depuis moins de quatre ans à la date de la décision en litige. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il y a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans. Il a d'ailleurs pu obtenir une copie de son acte de naissance certifiée conforme à Douala postérieurement à son départ. Par ailleurs, si M. B... se prévaut de son investissement dans sa formation, il ne justifie pas, ce faisant, avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. B... au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, le préfet de l'Aube n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. En quatrième et dernier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision en litige méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux décisions portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
14. En second lieu, et compte tenu des circonstances exposées au point 10, le préfet de l'Aube n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espère, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de l'Aube sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de l'Aube sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Denizot, premier conseiller,
- Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.
La rapporteure,
Signé : C. A...La présidente,
Signé : G. HAUDIER
La greffière,
Signé : S. BLAISE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. BLAISE
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N° 22NC00684