Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Hayange à lui verser la somme de 59 200 euros au titre des subventions municipales non versées pour les années 2015 et 2016, ainsi qu'au titre de la réticence abusive opposée par la commune.
Par un jugement n° 1805272 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Hayange à verser au CMSEA la somme de 41 137 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juin 2021 et le 7 avril 2023, la commune de Hayange, représentée par Me Yon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter les demandes présentées par le CMSEA ;
3°) de mettre à la charge du CMSEA la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 76-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête présentée par l'association devant le tribunal administratif était tardive ;
- faute pour le CMSEA de produire la convention dont il se prévaut, aucune somme ne saurait être mise à sa charge sans méconnaître les règles relatives à la preuve ;
- elle a dénoncé la convention dès le 22 février 2016, de sorte qu'elle n'est pas tenue de régler la subvention municipale qui lui est demandée ;
- l'association ne s'est nullement vu opposer une résistance abusive et elle n'a donc subi aucun préjudice à ce titre ;
- la créance de l'association n'est pas certaine, liquide et exigible.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 novembre 2021 et le 20 avril 2023, le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA), représenté par Me Matuszak, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Hayange ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande ;
3°) de condamner la commune de Hayange à lui verser la somme de 24 600 euros au titre de la subvention municipale due pour l'année 2015, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2015, ainsi que la somme de 24 600 euros au titre de la subvention municipale due pour l'année 2016, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2016 et, enfin, la somme de 24 600 euros au titre de la subvention municipale due pour l'année 2017, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2017 ;
4°) de condamner la commune de Hayange à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi en raison de la réticence abusive opposée par la commune ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Hayange la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- sa requête de première instance n'était pas tardive dès lors qu'aucun accusé réception, ni réponse ne lui a été adressé à la suite de sa demande indemnitaire du 14 décembre 2016 ;
- en application de la convention tripartite, il doit bénéficier d'une subvention d'un montant annuel de 24 600 euros ; la commune requérante n'a pas respecté la procédure prévue pour dénoncer la convention ; si la commune a entendu dénoncer cette convention le 22 février 2016, cette dénonciation est ainsi irrégulière ; il doit ainsi bénéficier des subventions dues pour les années 2015, 2016 et 2017, d'un montant total de 73 800 euros ;
- en raison de la résistance abusive opposée par la commune de Hayange, il doit également bénéficier d'une somme de 10 000 euros.
Par une ordonnance du 11 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 avril 2023.
Un mémoire présenté pour l'association CMSEA a été enregistré le 11 mai 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.
Par un courrier du 10 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par l'association CMSEA tendant au versement d'un montant correspondant à la subvention due pour l'année 2017.
Des observations en réponse au courrier du 10 mai 2023, présentées pour l'association CMSEA, ont été reçues le 11 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (CMSEA) a conclu, le 17 novembre 2000, une convention avec le département de la Moselle, la commune de Florange, la commune de Uckange et la commune de Hayange. Par cette convention, la commune de Hayange s'est engagée à verser à l'association un financement annuel d'un montant de 24 600 euros, couvrant les frais de fonctionnement de ses locaux, ainsi que ceux liés à l'action de ses équipes. La commune de Hayange ayant cessé de lui verser ce financement à compter de l'année 2015, le CMSEA a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'inexécution du contrat. Par un jugement du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Hayange à verser à l'association la somme de 41 137 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2016. La commune de Hayange fait appel de ce jugement. L'association CMSEA sollicite, par la voie de l'appel incident, la réévaluation de l'indemnité qui lui a été accordée.
Sur la recevabilité de l'appel incident de l'association CMSEA :
2. L'appel principal de la commune de Hayange tend à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Hayange à verser au CMSEA la somme de 41 137 euros, au titre de la subvention due au titre des années 2015 et 2016. Les conclusions du CMSEA présentées pour la première fois en appel et tendant à la condamnation de la commune à lui verser le montant de la subvention escomptée pour l'année 2017, formées après l'expiration du délai d'appel, soulèvent un litige distinct et sont, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. D'autre part, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique.
5. Il résulte de l'instruction que le CMSEA a, par un courrier adressé à la commune de Hayange le 16 décembre 2016, présenté une demande indemnitaire en se prévalant de fautes commises par la commune s'agissant du versement de la subvention municipale prévue par la convention conclue le 17 novembre 2000. La commune de Hayange ne justifie pas avoir accusé réception de ce courrier, ni avoir rejeté expressément cette demande, de sorte que, si une décision implicite de rejet de la demande est née deux mois après la réception du courrier de l'association, le délai de recours prévu à l'article R. 421-2 du code de justice administrative n'a pu commencer à courir à l'encontre de cette décision. De plus, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les exigences liées au respect d'un délai raisonnable à l'introduction d'un recours ne s'appliquent pas aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique. Par suite, ainsi que l'ont jugé les premiers juges et sans que la commune puisse utilement faire valoir que la nouvelle demande indemnitaire présentée le 18 avril 2018 et implicitement rejetée n'a pas pu faire courir un nouveau délai contentieux, la demande présentée par le CMSEA devant le tribunal administratif de Strasbourg n'était pas tardive.
En ce qui concerne les fautes de la commune de Hayange :
6. En premier lieu, il résulte des clauses de la convention du 17 novembre 2000 qu'en contrepartie d'actions sur la commune de Hayange visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles en difficulté, le CMSEA devait bénéficier d'un financement annuel de la part de la commune, couvrant les frais de fonctionnement des locaux utilisés, ainsi que les frais liés à l'action de ses équipes. S'il résulte de l'instruction que, par un courrier aHaNCEZN réceptionné par le conseil départemental de la Moselle le 2 mars 2016, la commune a souhaité résilier ladite convention à compter du 2 septembre 2016, elle ne saurait se prévaloir de cette dénonciation pour justifier l'absence de versement de la subvention entre le début de l'année 2015 et la date de résiliation du contrat. Ainsi, en ne respectant pas les termes de la convention du 27 novembre 2020 imposant le versement d'un financement annuel à l'association CMSEA, la commune de Hayange a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
7. En second lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 11 de la convention du 17 novembre 2000 que la commune de Hayange ne pouvait résilier ce contrat qu'après avoir reçu l'avis du conseil général de la Moselle et des communes de Florange et de Uckange. Si, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la commune de Hayange a dénoncé la convention par un courrier du 22 février 2016 adressé au conseil départemental de la Moselle le 2 mars 2016, il est constant que cette résiliation a été effectuée sans respecter les exigences prévues à l'article 11 de la convention. Ainsi, en ne respectant pas ces exigences, la commune de Hayange a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices de l'association CMSEA :
8. Le CMSEA justifie, par les pièces qu'il produit, que les frais de fonctionnement des locaux utilisés, ainsi que ceux liés à l'action de ses équipes, soit les frais que devaient couvrir la subvention due par la commune de Hayange, s'élevaient, tant pour l'année 2015 que pour l'année 2016, à un montant annuel de 24 600 euros. Ainsi, même si la résiliation avait été régulière, le CMSEA aurait ainsi dû bénéficier de l'intégralité du financement pour l'année 2015, soit 24 600 euros, ainsi que de la somme de 16 534,43 euros pour l'année 2016, correspondant à la fraction du financement annuel dû jusqu'au 21 août 2016. De plus, l'association est fondée à solliciter la réparation de son préjudice économique lié à l'illégalité de la mesure de résiliation adoptée par la commune de Hayange, qui peut être évalué, en l'espèce à un montant de 8 065,57 euros, correspondant à la fraction du financement dû au titre de la période courant du 22 août 2016 à la fin de l'année 2016. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation des préjudices du CMSEA subis du fait des fautes commises en lui allouant une somme totale de 49 200 euros.
9. En revanche, l'association CMSEA ne justifie pas l'existence d'un préjudice lié à une réticence abusive de la commune à exécuter ses obligations, qui n'aurait pas déjà été réparé par l'octroi des indemnités évoquées au point précédent et par l'allocation d'intérêts moratoires. Ainsi, l'association n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Hayange à lui verser une indemnité pour résistance abusive.
10. Il résulte de ce qui précède que l'association CMSEA est fondée à demander à ce que l'indemnité que la commune de Hayange a été condamnée à lui verser soit portée à la somme de 49 200 euros. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, cette somme portera intérêt à compter du 14 décembre 2016, date de de la demande préalable de la commune.
Sur les frais de justice :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Hayange la somme de 1 500 euros à verser au CMSEA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Hayange soit mise à la charge du CMSEA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Hayange est rejetée.
Article 2 : La somme de 41 137 euros que la commune de Hayange a été condamnée à verser à l'association CMSEA est portée à 49 200 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune de Hayange versera à l'association CMSEA la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au comité mosellan de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes et à la commune de Hayange.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. MARCHAL
La présidente,
Signé : G. HAUDIERLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 21NC01850 2