Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) France Solar a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes et enfin de rétablir les déficits reportables correspondant aux exercices contrôlés.
Par un jugement n° 1805523 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé l'EURL France Solar à hauteur de la somme de 87 274 euros du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ainsi que des majorations correspondantes et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 octobre 2020 ;
2°) de rétablir les impositions invalidées en première instance.
Il soutient que :
- les travaux en cause ayant été réalisés pour des assujettis qui revendent l'électricité produite par les panneaux photovoltaïques installée par l'EUR France Solar, ils ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts ;
- les rappels ne se fondent pas sur le rescrit fiscal n° 2007/50 qui fixe à 3 kWc la puissance maximale des installations photovoltaïques destinées à la revente pouvant entrer dans le champ de l'article 279-0 bis du code général des impôts.
Par une mémoire en défense enregistré le 24 mars 2021, l'EURL France Solar, représentée par Me Lachaize, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL France Solar qui a pour objet principal la vente et l'installation de panneaux solaires photovoltaïques a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 20 novembre 2015 au 23 mars 2016 portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, l'EURL a été informée par deux propositions de rectification des 3 décembre 2015 et 18 avril 2016 des rappels envisagés en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014. A l'issue d'une procédure contradictoire, les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 24 janvier 2018 et la réclamation préalable de la société a été rejetée. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 27 octobre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a déchargé l'EURL France Solar à hauteur de la somme de 87 274 euros du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ainsi que des majorations correspondantes.
2. D'une part, en vertu de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. / 2° Sont notamment considérés comme des biens meubles corporels : / l'électricité, le gaz, la chaleur, le froid et les biens similaires ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ".
3. D'autre part, en application de l'article 279-0 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers ou à l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs, de l'installation sanitaire ou de système de climatisation dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget ". Dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2014, l'article 279-0 bis du code général des impôts fixe à 10 % le taux réduit applicable aux mêmes travaux. L'article 278 du code général des impôts fixe le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée à 19,6 % puis à 20 % à compter du 1er janvier 2014.
4. Enfin, le rescrit RES N° 2007/50 (TCA) du 04 décembre 2007 intitulé " Taux de TVA applicable aux travaux dans les logements de plus de deux ans. Travaux portant sur l'installation de panneaux photovoltaïques " énonce que : " 1 - Conformément à l'article 256 A du code général des impôts (CGI), une personne, qui effectue de manière indépendante, quel que soit son statut juridique ou sa situation au regard des autres impôts, des livraisons d'électricité en retirant des recettes ayant un caractère de permanence est assujettie à la TVA. Elle peut donc à ce titre déduire la taxe qui a grevé son investissement / Toutefois, dès lors que l'électricité produite est intégralement autoconsommée, le producteur-consommateur ne doit pas être considéré comme un assujetti à défaut de livraison effective. Les installations réalisées sont alors éligibles au taux réduit applicable aux travaux dans les logements achevés depuis plus de deux ans. A titre de règle pratique, il est présumé qu'il n'y a pas de livraison, et donc d'assujettissement à la taxe, dès lors que la puissance installée n'excède pas 3 kWc et ce, quelle que soit la nature du contrat d'achat. / 3 - En revanche, dès lors que le seuil de 3 kWc est dépassé ou que le producteur-consommateur revendique sa qualité d'assujetti :- les travaux d'installation ne rentrent plus dans le champ d'application du dispositif de taux réduit déjà cité (la TVA au taux normal ayant alors grevé son investissement est cependant intégralement déductible dans les conditions de droit commun) ;- il y a lieu de taxer au taux normal la totalité de l'énergie produite, c'est-à-dire à la fois les livraisons intervenant dans le cadre de contrats d'achat par EDF et les prélèvements d'énergie opérés par le producteur-consommateur au titre de sa consommation personnelle (mécanisme des livraisons à soi-même au 3 du I de l'article 257 du CGI) ".
5. En appel, le ministre fait valoir que les travaux en litige, réalisés par l'EURL France Solar, se rapportent à des installations photovoltaïques ayant pour objet principal la production d'électricité en vue de sa revente à électricité de France (EDF). Il estime donc que ces travaux ont été réalisés pour le compte de producteurs d'électricité, assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 A du code général des impôts qui ont déduit la taxe dans le cadre de leur activité de revente d'électricité. Il en conclut que les locaux affectés à cette production ne peuvent bénéficier des dispositions précitées de l'article 279-0 bis du code général des impôts. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des propositions de rectification des 3 décembre 2015 et 18 avril 2016 que l'administration a exclu du bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée les installations dont la capacité globale de production dépasse 3 kWc en se fondant sur le rescrit administratif n° 2007/50 du 4 décembre 2007 précité. Toutefois, ce rescrit en précisant que le dépassement du seuil de puissance de 3kWc indique une livraison d'électricité et conduit, en conséquence, à une non application du taux réduit prévu par les dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts, ajoute une condition supplémentaire à la loi. L'administration qui ne peut opposer au contribuable sa propre doctrine, ne pouvait fonder l'imposition en litige sur ce rescrit. La circonstance, à la supposer établie, que la puissance des installations exclut la seule autoconsommation et implique une revente d'une partie de l'électricité, n'est pas de nature à faire perdre aux immeubles concernés leur qualité de local à usage d'habitation pour les transformer en locaux commerciaux et aux travaux leur caractère de travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien, au sens de l'article 279-0 bis du code général des impôts. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les travaux litigieux d'installations photovoltaïques ne pouvaient bénéficier du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par ces dispositions.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé l'EURL France Solar à hauteur de la somme de 87 274 euros du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ainsi que des majorations correspondantes.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EURL France Solar dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à l'EURL France Solar la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l'EURL France Solar.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Brodier, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. Mosser Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC00256