VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juin 1989, sous le n° 89NT01236, présentée par M. Bernard X..., demeurant ... (Cher) ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 avril 1989 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 à 1983 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 1992 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif d'Orléans a été saisi de deux demandes distinctes, l'une émanant de M. Bernard X..., relative au complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980 à 1983, l'autre de M. Jean-Luc X..., relative au complément d'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre des années 1980 à 1983 ; que, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu, et quels que fussent, en l'espèce, les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de M. Bernard X..., d'une part, et de M. Jean-Luc X..., d'autre part ; que c'est en méconnais-sance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction des instances ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les impositions de M. Bernard X... ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. Bernard X... et d'y statuer immédiatement ;
Sur les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X... :
Considérant que M. Bernard X... a déduit de son revenu global déclaré au titre des années 1980 à 1983, en se fondant sur les dispositions combinées des articles 8 et 156-I du code général des impôts, le déficit foncier enregistré par la SCI Bascoulard dont lui et son frère étaient les seuls associés ; que l'administration a réintégré les sommes correspondantes dans le revenu imposable, estimant que l'intéressé avait constitué cette société en vue de faire échec aux dispositions de l'article 15-II du code général des impôts aux termes desquelles "les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'imposition litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; qu'en l'espèce, il est constant que l'administration n'a pas consulté le comité consultatif ; que, par suite, elle a la charge de la preuve ;
Considérant que M. X... détenait 95 % des parts et était le gérant de la "SCI Bascoulard" ; que, conformément à son unique objet social, celle-ci a acquis puis restauré en vue d'une location ultérieure un immeuble sis au ... (Cher) ; qu'après l'achèvement des travaux, M. X... a obtenu de la société qu'elle lui donne à bail l'immeuble, afin d'en faire sa résidence principale, en contrepartie d'un loyer de 1 000 F par mois en 1980, 1150 F en 1981, 1240 F en 1982 et 1250 F en 1983 ; que, s'agissant d'un appartement de 150 m2 situé en centre-ville, le montant du loyer et le taux de rendement du capital investi correspondant étaient nettement inférieurs à ceux pratiqués habituellement dans la ville de Bourges pour des immeubles comparables ; que si une pièce de l'appartement a été louée par la SCI Bascoulard à la société LARMO pendant environ un an à partir du 1er juin 1982, pour un loyer de 200 F par mois, il résulte de l'instruction que le capital de cette société était détenu uniquement par des membres de la famille de M. X..., qui en était l'actionnaire principal et son épouse la gérante ; que, dans ces conditions, cette location n'a pas été de nature à priver M. X... de la jouissance de l'appartement en cause ;
Considérant qu'eu égard aux circonstances susrelatées dont l'administration fait état, et sans que puisse y faire obstacle l'affirmation du requérant selon laquelle la constitution de la société serait justifiée par le désir de créer un patrimoine juridiquement distinct du sien, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve que l'acte par lequel la SCI Bascoulard a été constituée par les deux seuls porteurs de parts de cette société a été inspiré par l'unique motif de faire échec aux dispositions de l'article 15-II du code général des impôts et de permettre ainsi à M. X... d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qu'à défaut de cet acte il aurait normalement supportées ; que, par ailleurs, le requérant ne peut demander, à titre subsidiaire, que le redressement soit limité au montant de l'avantage en nature correspondant à l'insuffisance du loyer consenti par la SCI, dès lors que l'exonération prévue par l'article 15-II précité s'oppose, en tout état de cause, à ce que soient pris en considération le revenu et les charges du logement dont le propriétaire se réserve la jouissance ;
Sur l'application des dispositions de l'arti-cle L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles présentées par M. X..., partie perdante à l'instance, ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, qu'être rejetées ;
Article 1er - Le jugement en date du 20 avril 1989 du Tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il concerne M. Bernard X....
Article 2 - La demande présentée par M. Bernard X... devant le Tribunal administratif d'Orléans et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard X... et au ministre délégué au budget.