VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 1er et le 2 juillet 1991, présentés pour la SARL "LE ROUGE ET LE NOIR", dont le siège social est ... (Indre-et-Loire), par la SCP SAINT-CRICQ et NEGRE, avocat au Barreau de TOURS ;
La SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 1991 par lequel le Tribunal administratif d'ORLEANS a rejeté sa demande en décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er février 1980 au 31 janvier 1984 et du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 1981 à 1984 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) d'ordonner l'arrêt immédiat des poursuites engagées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 1993 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 28 décembre 1992 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux d'Indre-et-Loire a prononcé le dégrèvement des pénalités afférentes au supplément d'impôt sur les sociétés auquel la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" a été assujettie au titre de l'année 1984 et au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er février 1980 au 31 janvier 1984 ; que les conclusions de la requête de la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" relatives à ces impositions sont devenues sans objet ;
Sur la recevabilité des conclusions :
Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'adresser des injonctions à l'administration ; que, par suite, les conclusions présentées par la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" et tendant à ce que la Cour ordonne l'arrêt des poursuites, sont irrecevables ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'il est constant qu'au cours des exercices clos en 1981, 1982, 1983 et 1984 la comptabilité de la SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE "LE ROUGE ET LE NOIR", qui exploitait un fonds de commerce de vêtements pour hommes à TOURS, faisait totalement défaut ou comportait des irrégularités graves et répétées qui la privaient de toute valeur probante ; que, dès lors, l'administration était en droit de déterminer son chiffre d'affaires et ses bénéfices par voie de rectification d'office ; que, par suite, en application des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'à défaut de comptabilité probante et régulière, le contribuable peut, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit à une exagération des bases d'imposition, soit, encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision supérieure à celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration ;
Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, le vérificateur a déterminé un coefficient de bénéfice brut de 2,50 à partir des prix d'achat et de vente de 129 articles, relevés sur un document établi par le gérant en vue de la préparation des soldes, en février 1984, peu après la fin de la période vérifiée ; que ce relevé, établi par la société, pouvait être utilisé par le vérificateur en l'absence de tout autre document mentionnant les prix d'achat et de vente des articles commercialisés ; que la société ne justifie pas avoir pratiqué des tarifs inférieurs à ceux résultant de ce relevé ; que si la société requérante affirme que les prix de vente n'avaient qu'une valeur estimative avant solde, dès lors qu'aucune vente n'était encore intervenue, elle ne démontre pas que le vérificateur aurait fait une appréciation insuffisante de l'importance des ventes en solde en estimant que celles-ci représentaient la moitié des produits en stock et donnaient lieu à un coefficient de marge brute réduit à 1,50 ; que si elle soutient que l'administration aurait dû tenir compte des circonstances propres à chacun des exercices vérifiés, elle ne démontre pas que les conditions d'exploitation avaient évolué de telle sorte que le maintien, pour toutes les années en litige, du même coefficient moyen de marge brute de 2, fixé en tenant compte des soldes, aurait conduit à une évaluation exagérée des bases d'imposition ; qu'ainsi, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère sommaire de la méthode suivie par le vérificateur, ni de l'exagération de ses résultats ;
Considérant que la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" propose de déterminer le chiffre d'affaires des exercices clos en 1983 et 1984 en appliquant au montant des achats hors-taxe admis pour les mêmes années par le vérificateur un coefficient moyen de marge brute de 1,61, tiré du rapport existant entre les achats revendus reconstitués par le vérificateur et les chiffres d'affaires déclarés au cours des exercices clos en 1981 et 1982 ; que, toutefois, les irrégularités dont était entachée la comptabilité et, par conséquent, les chiffres d'affaires déclarés au titre de ces mêmes années, privent de toute valeur probante le coefficient moyen de marge brute ainsi avancé par la société requérante ; que le même vice affecte la reconstitution des frais généraux qu'elle propose ; que, dans ces conditions, la méthode de reconstitution de la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" ne peut être retenue ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : "POLICE Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui ... infligent une sanction ..." ;
Considérant que les pénalités prévues par le code général des impôts sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées ; qu'en ce qui concerne les pénalités afférentes à l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 1983, qui seules restent en litige, la lettre en date du 27 septembre 1985 adressée par le service à la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" énumérait les infractions commises par celle-ci tant en ce qui concerne la tenue de sa comptabilité que le respect de ses obligations déclaratives et justifiait par ces raisons l'exclusion de sa bonne foi ; qu'elle mentionnait la nature des pénalités qui en résultaient en matière d'impôt sur les sociétés ; que, dans ces conditions, la lettre dont s'agit doit être regardée comme ayant suffisamment motivé les pénalités infligées à la société requérante ; que, dès lors, les moyens tirés, d'une part, du défaut de motivation de la notification de redressement et, d'autre part, de la doctrine administrative invoquée sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, sont, en tout état de cause, inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'ORLEANS a rejeté ses demandes ;
Article 1er - A concurrence de la somme de cent quarante et un mille six cent soixante trois francs (141 663 F), en ce qui concerne le supplément d'impôt sur les sociétés auquel la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" a été assujettie au titre de l'année 1984 et de la somme de deux cent quatorze mille quatre cent soixante six francs (214 466 F), en ce qui concerne le complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er février 1980 au 31 janvier 1984, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR".
Article 2 - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE "LE ROUGE ET LE NOIR" et au ministre du budget.