VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 1991, présentée pour M. Y... demeurant ... (Loire-Atlantique) par Me Rossinyol, avocat au barreau de Nantes ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 mai 1991 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du trésorier payeur général de Loire-Atlantique, en date du 19 août 1987, confirmant la validité du commandement à payer du 20 mai 1987 ;
2°) de prononcer cette annulation ;
3°) de condamner le trésorier payeur général de Loire-Atlantique à lui payer la somme de 6 000 F en application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 1993 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- les observations de Me X... se substituant à Me Rossinyol, avocat de M. Bernard Y...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant, d'une part, que le moyen tiré par M. Y... de l'insuffisance de mentions dont serait entaché le commandement délivré le 20 mai 1987 par le percepteur de Nozay (Loire-Atlantique) constitue une contestation de la régularité en la forme de cet acte de poursuite qui, en application des dispositions de l'article L.281 du livre des procédures fiscales, relève de la compétence des tribunaux judiciaires ; que les conclusions de la requête doivent, dès lors, sur ce point, être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1684 du code général des impôts : "3. Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise, des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds" ; qu'aux termes de l'article 383 bis de l'annexe III au même code : "2. Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant, dans les conditions fixées par l'article 1684-3 et 4 du code précité, du paiement de l'impôt sur le revenu afférent aux bénéfices provenant de l'exploitation de ce fonds" ; qu'enfin, aux termes de l'article 383 ter de la même annexe III : "Le montant de l'impôt dont le paiement peut être réclamé au cessionnaire ou au propriétaire en vertu de l'article 383 bis est déterminé forfaitairement en appliquant à la cotisation assignée au cédant ou à l'exploitant le rapport existant entre le montant des bénéfices ou revenus visés audit article et le montant du revenu global ayant servi de base à la cotisation considérée, augmenté, le cas échéant, des charges déduites de ce revenu en application de l'article 156 du code général des impôts" ; que si aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne à des formalités particulières la mise en cause du propriétaire du fonds de commerce, l'administration reste cependant tenue de fournir à celui-ci des éléments d'information suffisants pour lui permettre, le cas échéant, de contester son obligation de payer ;
Considérant que, pour contester cette obligation, M. Y... fait valoir qu'il n'a jamais été mis en mesure d'apprécier si, d'une part, les impositions pour lesquelles il est poursuivi en qualité de débiteur solidaire, ont été établies à raison de l'exploitation du fonds de commerce par le locataire gérant et sont ainsi au nombre de celles visées à l'article 1684-3 du code général des impôts, et si, d'autre part, le montant des sommes réclamées correspond à la fraction définie par l'article 383 ter de l'annexe III audit code qui peut, seule, être mise à sa charge ; que ni au cours de la procédure administrative préalable, ni devant les premiers juges, ni même en appel, l'administration n'a fourni au tiers poursuivi les explications que celui-ci sollicitait ; que, dans ces conditions, M. Y... n'a pas été mis en mesure de se défendre et de contester utilement son obligation ; qu'il est dès lors fondé à soutenir que le commandement litigieux doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme dépourvu de fondement légal ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre du budget) à verser à M. Y... une somme de 3 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 22 mai 1991 est annulé.
Article 2 : Le commandement en date du 20 mai 1987 est déclaré sans fondement légal.
Article 3 : Il est accordé à M. Y... une somme de trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre du budget.