VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 août 1991, sous le n° 91NT00690, présentée pour M. Henri X..., demeurant ..., par la S.C.P. Bondiguel, Poirrier-Jouan, avocat ;
M. Henri X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 6 juin 1991, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) subsidiairement, de prononcer la décharge des majorations appliquées aux années 1979 et 1980 ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 1993 :
- le rapport de M. BRUEL, conseiller,
- les observations de Me Bondiguel, avocat de M. Henri X...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, repris à l'article L.64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droits ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement." ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société en nom collectif "DZ AVIATION", constituée en 1978 entre MM. X... et Y..., avait pour objet l'acquisition et l'exploitation, par location ou tout autre moyen, d'un avion de tourisme ; qu'en 1983, cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 1979 au 21 février 1982 ; que, se fondant sur les résultats de cette vérification, l'administration a estimé que la constitution de la société n'était qu'un montage juridique destiné à permettre à ses associés, sous couvert d'un acte apparemment régulier, de faire échec à la loi fiscale en dégageant des déficits fiscaux qui, dans le cas d'espèce, n'auraient pas été imputables sur les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des associés en l'absence de société ;
Mais, considérant qu'il résulte de l'instruction que la société "DZ AVIATION" a effectivement facturé la location de son appareil, de façon significative, à des clients distincts de ses associés ; que les fonctions de direction assurées par l'un de ses membres dans une entreprise locataire n'ont pas pour effet de donner un caractère fictif aux locations qui ont été consenties à cette dernière ; que la circonstance, au demeurant non établie, que les tarifs pratiqués pour l'utilisation de l'avion par les associés seraient inférieurs à ceux des autres entreprises de même nature ou aux prix facturés aux clients, serait seulement de nature à justifier des redressements fondés sur le caractère anormal d'un tel acte de gestion, mais n'établit pas l'abus de droit invoqué ; que l'usage prépondérant de l'appareil par les associés, l'existence de déficits constants et la brève durée de vie de la société ne constituent pas, non plus, une telle preuve ; qu'ainsi l'administration n'établit pas que la société "DZ AVIATION" ait été constituée dans le but exclusif d'éluder l'impôt ou d'atténuer les charges fiscales des associés ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a refusé de lui accorder la décharge, dans la limite du dégrèvement qu'il avait sollicité dans sa réclamation s'élevant aux sommes non contestées de 30 594 F en droits et 61 188 F de pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti de ce chef au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre du budget) à payer à M. X... la somme de 3 000 F au titre des frais qu'il a exposés en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 6 juin 1991 est annulé.
Article 2 - M. Henri X... est déchargé du supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 à hauteur de TRENTE MILLE CINQ CENT QUATRE VINGT QUATORZE Francs (30 594 F) de droits et SOIXANTE ET UN MILLE CENT QUATRE VINGT HUIT Francs (61 188 F) de pénalités.
Article 3 - L'Etat, (ministre du budget) est condamné à payer à M. Henri X... la somme de TROIS MILLE Francs (3 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Henri X... est rejeté.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à M. Henri X... et au ministre du budget.