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12/05/1993 | FRANCE | N°91NT00702

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 12 mai 1993, 91NT00702


VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 août 1991 sous le n° 91NT00702, présentée pour M. Pierre Y..., demeurant à Tromelin, 29114 Bannalec, par la S.C.P. Bondiguel, Poirrier-Jouan ;
M. Pierre Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 6 juin 1991 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ;
2°) de prononcer la décharge de

s impositions contestées ;
3°) subsidiairement, de prononcer la décharge des m...

VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 août 1991 sous le n° 91NT00702, présentée pour M. Pierre Y..., demeurant à Tromelin, 29114 Bannalec, par la S.C.P. Bondiguel, Poirrier-Jouan ;
M. Pierre Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 6 juin 1991 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1979, 1980, 1981 et 1982 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) subsidiairement, de prononcer la décharge des majorations appliquées aux rappels issus de la mise en oeuvre des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, ainsi que de l'amende propre aux rehaussements notifiés pour 1979, sur le fondement de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ;
4°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 1993 :
- le rapport de M. BRUEL, conseiller,
- les observations de Me Bondiguel, avocat de M. Pierre Y...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 5 janvier 1993, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Rennes a prononcé le dégrèvement à concurrence d'une somme de 11 877 F, des pénalités afférentes, au complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre des années 1979, 1981 et 1982, que les conclusions de la requête de M. Y... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure de taxation d'office des revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 176 et 179 du code général des impôts reprises aux articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, que l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications et, si le contribuable s'est abstenu de répondre à ces demandes de justification, le taxer d'office à l'impôt sur le revenu, à raison des sommes dont il n'a pu justifier l'origine ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de chacune des années 1979, 1980, 1981 et 1982, les comptes bancaires de M. Y... ont été crédités de divers versements s'élevant respectivement, après déduction des rémunérations perçues par l'intéressé à titre de salaires et de crédits dont l'origine était identifiée, à 927 310 F, 360 184 F, 527 476 F et 522 292 F, alors que les revenus déclarés par le contribuable représentaient un total de 89 400 F, 151 630 F, 156 960 F et 132 520 F ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le vérificateur n'aurait pas réuni les éléments lui permettant d'établir que le contribuable aurait pu disposer de revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés manque en fait ;
Considérant par ailleurs, qu'à hauteur de 18 859 F en 1979, 12 126 F en 1981 et 23 077 F en 1982, M. Y... n'avait fourni aucune justification probante de l'origine des fonds portés à ses comptes ; que l'administration était, dès lors en droit, contrairement à ce qu'il soutient, de réintégrer d'office les sommes susmentionnées dans ses revenus, alors même qu'elles ne représentent qu'un faible pourcentage par rapport à celles pour lesquelles des justifications lui avaient été demandées et que, au total, les justifications acceptées représentent un montant très supérieur au montant des sommes sur lesquelles il n'a pu répondre de manière précise ; que si le vérificateur a cru pouvoir étayer la demande de justifications par référence à une balance des disponibilités dégagées et employées, il ressort des termes mêmes de la demande que les justifications exigées portaient exclusivement sur l'origine des sommes portées aux crédits bancaires inexpliqués dont la liste détaillée était fournie ; que, par suite, le moyen tiré des erreurs que comporteraient les balances des disponibilités, lesquelles n'ont pas servi de fondement à la demande de justifications, est inopérant ;
Sur les redressements portant sur les salaires :

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ;
Considérant que la notification adressée par l'administration fiscale à M. Y... le 25 octobre 1983 comportait, pour chacune des années d'imposition, l'objet et le montant des redressements que l'administration envisageait d'apporter au montant des salaires déclarés, ainsi que les motifs pour lesquels certains remboursements de frais allégués par le contribuable ne pouvaient être retenus ; que ces énonciations permettaient à M. Y... de nouer avec l'administration une discussion contradictoire qu'il a, d'ailleurs, en fait, engagée ; que, dès lors, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cette notification aurait méconnu les prescriptions de l'article L.57 susvisé du livre des procédures fiscales ;
Considérant, d'autre part, que M. Y... conclut, à titre subsidiaire, à une réduction des salaires imposés pour les années 1979 et 1981, au motif que, pour chacune de ces années, le total des crédits bancaires identifiés par le vérificateur comme étant des salaires, diminué du montant des remboursements de frais admis par l'administration, est inférieur au montant des salaires déclarés ; qu'il explique cette différence par le fait que les salaires déclarés comprenaient des sommes pouvant être encaissées au titre d'une année autre que celle de la déclaration ;
Considérant toutefois, qu'au titre des années en cause, le requérant a été imposé, en définitive, conformément à ses déclarations ; qu'il n'établit par aucune pièce justificative que le montant des salaires déclarés serait supérieur à celui des salaires qu'il a effectivement perçus ; que, par suite, ses conclusions subsidiaires doivent être rejetées ;
Sur la réintégration des déficits de la société en nom collectif "DZ AVIATION" :
Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts, repris à l'article L.64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droits ou ne s'est pas rangée à l'avis de ce comité, il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement." ; que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société en nom collectif "DZ AVIATION", constituée en 1978 entre MM. X... et Y..., avait pour objet l'acquisition et l'exploitation, par location ou tout autre moyen, d'un avion de tourisme ; qu'en 1983, cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 1979 au 21 février 1982 ; que, se fondant sur les résultats de cette vérification, l'administration a estimé que la constitution de la société n'était qu'un montage juridique destiné à permettre à ses associés, sous couvert d'un acte apparemment régulier, de faire échec à la loi fiscale en dégageant des déficits fiscaux qui, dans le cas d'espèce, n'auraient pas été imputables sur les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu des associés en l'absence de société ;
Mais, considérant qu'il résulte de l'instruction que la société "DZ AVIATION" a effectivement facturé la location de son appareil, de façon significative, à des clients distincts de ses associés ; que les fonctions de direction assurées par l'un de ses membres dans une entreprise locataire n'ont pas pour effet de donner un caractère fictif aux locations qui ont été consenties à cette dernière ; que la circonstance, au demeurant non établie, que les tarifs pratiqués pour l'utilisation de l'avion par les associés seraient inférieurs à ceux des autres entreprises de même nature ou aux prix facturés aux clients, serait seulement de nature à justifier des redressements fondés sur le caractère anormal d'un tel acte de gestion, mais n'établit pas l'abus de droit invoqué ; que l'usage prépondérant de l'appareil par les associés, l'existence de déficits constants et la brève durée de vie de la société ne constituent pas, non plus, une telle preuve ; qu'ainsi l'administration n'établit pas que la société "DZ AVIATION" ait été constituée dans le but exclusif d'éluder l'impôt ou d'atténuer les charges fiscales des associés ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à ce chef de redressement, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans ses revenus imposables des années 1979, 1980, 1981 et 1982, les déficits de la société "DZ AVIATION" ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la totalité de sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner l'Etat (ministre du budget) à payer à M. Y... la somme de 3 000 F au titre des frais qu'il a exposés en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er - A concurrence de la somme de ONZE MILLE HUIT CENT SOIXANTE DIX SEPT Francs (11 877 F), en ce qui concerne les pénalités afférentes au complément d'impôt sur le revenu auquel M. Pierre Y... a été assujetti au titre des années 1979, 1981 et 1982, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Pierre Y....
Article 2 - La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. Pierre Y... au titre de chacune des années 1979, 1980, 1981 et 1982 est réduite d'une somme de, respectivement, ONZE MILLE QUATRE CENTS Francs (11 400 F), ONZE MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT TROIS Francs (11 383 F), HUIT MILLE HUIT CENT SOIXANTE TROIS Francs (8 863 F) et DIX HUIT MILLE DEUX CENT SOIXANTE TROIS Francs (18 263 F).
Article 3 - M. Pierre Y... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 - Le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 6 juin 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 - L'Etat (ministre du budget) est condamné à payer à M. Pierre Y... la somme de TROIS MILLE Francs (3 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Pierre Y... est rejeté.
Article 7 - Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre Y... et au ministre du budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91NT00702
Date de la décision : 12/05/1993
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ART - 176 ET 179 DU CGI - REPRIS AUX ARTICLES L - 16 ET L - 69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).


Références :

CGI 176, 179, 1649 quinquies B
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69, L57, L64
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BRUEL
Rapporteur public ?: M. LEMAI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1993-05-12;91nt00702 ?
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