Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 mars 1994, présentée pour M. Roger Y..., demeurant à Clervilliers (Eure-et-Loir), par Me Gilbert X..., avocat au barreau de Paris ;
M. Y... demande à la Cour :
à titre principal :
1 ) d'annuler le jugement n 90879 du 28 décembre 1993 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu établis au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2 ) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
à titre subsidiaire, que le résultat imposable soit modifié pour 1984, en rétablissant le montant des avances aux cultures qui existaient au 1er janvier 1984 et qui ont été omises et pour 1985, en confirmant l'avis de la commission départementale qui a estimé que la partie de l'indemnité d'assurances afférente aux bâtiments et installations n'avait pas un caractère professionnel ;
et enfin, que soit maintenu à son profit le bénéfice du sursis de paiement de l'article L.277 du livre des procédures fiscales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 1996 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'assujettissement au régime du bénéfice réel simplifié :
Considérant qu'aux termes de l'article 69 A du code général des impôts : "I. Lorsque les recettes d'un exploitant agricole, pour l'ensemble de ses exploitations, dépassent une moyenne de 500 000 F mesurée sur deux années consécutives, l'intéressé est obligatoirement imposé d'après son bénéfice réel à compter de la deuxième de ces années" et qu'aux termes de l'article 38 sexdecies A de l'annexe III audit code : "Les recettes à retenir pour l'appréciation des limites prévues à l'article 69 A du code général des impôts s'entendent de toutes les sommes encaissées au cours de l'année civile augmentées de la valeur des produits prélevés dans l'exploitation et alloués soit au personnel salarié, soit au propriétaire du fonds en paiement du fermage. Toutefois, il n'est pas tenu compte des opérations portant sur les éléments de l'actif immobilisé ou effectuées dans le cadre de l'entraide agricole, des subventions et primes d'équipement, des redevances ayant leur origine dans le droit de propriété et des recettes accessoires provenant d'activités n'ayant pas un caractère agricole" ;
Considérant que M. Y... a été assujetti au régime réel d'imposition des bénéfices agricoles, à compter du 1er janvier 1983 ; que pour contester le principe de cet assujettissement M. Y... soutient que c'est à tort qu'ont été retenues au titre de l'année 1982 les recettes provenant d'un GAEC et au titre de l'année 1983 celles tirées de la vente des vaches laitières, qui résultaient selon lui d'opérations portant sur des éléments de l'actif immobilisé au sens de l'article 38 sexdecies A de l'annexe III au code général des impôts et qui, en tout état de cause, avaient un caractère exceptionnel au vu d'une instruction administrative du 20 décembre 1971 ;
Considérant que le moyen selon lequel l'administration aurait pris en compte au titre de l'année 1982 les recettes d'un GAEC manque en fait ; que la cession par le requérant, en 1983, de la totalité de son cheptel ne peut être regardée comme une opération portant sur les éléments de l'actif immobilisé, au sens de l'article 38 sexdecies A de l'annexe III du code précité, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 68 C dudit code, relatif à l'imposition d'après le régime simplifié, les animaux sont compris dans les stocks ; qu'au surplus, les animaux affectés à l'exploitation agricole de M. Y... n'ont jamais été inscrits à l'actif du bilan ; que le moyen tiré de ce que l'article 38 sexdecies D de l'annexe III ne serait pas applicable en l'espèce au motif qu'il concerne le régime normal du bénéfice réel est inopérant, ledit article ne constituant pas le fondement du redressement litigieux ; que la circonstance que le conseil national de la comptabilité, dans un avis rendu à propos du plan comptable agricole, aurait classé en immobilisations les animaux utilisés comme moyens durables de production est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article 68 C du code général des impôts ; qu'il en est de même des indications du plan comptable général et du compte d'exploitation type établi par la direction départementale des impôts ;
Considérant il est vrai que M. Y... invoque, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, une instruction du 20 décembre 1971 selon laquelle il convient d'exclure des recettes à retenir pour l'appréciation des limites du forfait celles provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé ou ayant un caractère exceptionnel ; que toutefois, la portée de cette doctrine a été précisée par une instruction du 11 octobre 1972 selon laquelle il doit être tenu compte des recettes correspondant à la vente par un exploitant de polyculture de son cheptel pour l'appréciation de la limite du forfait ; que, par suite, et en tout état de cause M. Y... ne peut valablement se prévaloir de l'instruction du 20 décembre 1971 ;
Sur la détermination des résultats des exercices 1984 et 1985 :
Considérant que le moyen tiré de l'absence de prise en compte des avances aux cultures au titre de l'année 1984 n'est pas assorti de suffisamment de précisions pour que la Cour puisse en apprécier la portée ;
Considérant qu'à la suite d'un incendie M. Y... a perçu au titre de l'année 1985 une indemnité d'assurance qui, pour un montant de 569 992 F, a été regardée comme une plus-value professionnelle à long terme et imposée au taux de 16 % ; que le requérant conteste le principe de cette imposition et, en tout état de cause, soutient que l'administration a méconnu les dispositions de l'article 39 quaterdecies 1 ter du code général des impôts qui prévoit une taxation sur dix ans des plus-values à court terme réalisées à la suite de la perception d'indemnités d'assurances et de l'article 39 quindecies I-1, alinéa 4 du même code qui diffère de deux ans l'imposition de celles-ci ; qu'il soutient également qu'il était en droit de bénéficier des exonérations prévues par l'article 151 septies du code général des impôts et l'article 38 sexdecies GA du même code ;
Considérant, en premier lieu, que le ministre affirme sans être contredit, que les bâtiments, installations et matériels utilisés pour l'activité laitière et concernés par le sinistre avaient été inscrits à l'actif du bilan ; qu'après la cessation de l'activité laitière, ces biens, qui n'étaient plus utilisés pour les besoins de l'exploitation, ont été maintenus à l'actif professionnel, ce qui constitue une décision de gestion opposable au contribuable ; que par ailleurs, les immobilisations dont il s'agit ont été amorties jusqu'à la date du sinistre et les intérêts des emprunts contractés déduits des charges ainsi que les frais d'entretien ; que c'est donc à bon droit que le service a estimé que l'indemnité litigieuse se rapportait à des biens professionnels et que, par suite, elle devait être imposée selon le régime des plus-values professionnelles à long terme ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la plus-value d'un montant de 569 992 F dont l'étalement est réclamé sur le fondement de l'article 39 quaterdecies 1 ter du code général des impôts a le caractère d'une plus-value à long terme ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à demander le bénéfice des dispositions dont il s'agit, dès lors qu'elles ne visent que les plus-values à court terme ;
Considérant, en troisième lieu, que si le requérant avait régulièrement déclaré la plus-value au titre de l'année 1985 et profité du régime de faveur prévu par l'article 39 quindecies I-1, alinéa 4 du code général des impôts, l'imposition de la plus-value résultant de l'indemnité d'assurance aurait été établie au titre de l'année 1987 au taux de 16 % en vigueur à la date de clôture de l'exercice de réalisation de la plus-value ; qu'à la suite du redressement contesté, celle-ci a été également soumise au taux de 16 % et l'imposition correspondante mise en recouvrement le 30 novembre 1989 ; que dans ces conditions, M. Y... ne saurait se plaindre de n'avoir pas pu bénéficier du différé d'imposition qu'il réclame ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1985 : "Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas la limite du forfait ou de l'évaluation administrative sont exonérées ..." ; qu'en l'espèce le requérant, à qui il incombe d'apporter la preuve qu'il remplit la condition prévue par le texte précité, n'établit pas que les recettes qu'il a réalisées au cours de l'année 1985 n'excédaient pas 500 000 F ; que, par suite, ses prétentions sur ce point ne pourront qu'être rejetées ;
Considérant, enfin, qu'aux termes du I de l'article 38 sexdecies GA du code général des impôts : "Les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de terres ou de bâtiments d'exploitation ne sont pas retenues pour la fraction acquise avant le 1er janvier de la première année au titre de laquelle le montant des recettes a dépassé les limites du forfait" ; que toutefois, en se bornant à alléguer que la valeur des biens en cause au 1er janvier 1982 n'était pas différente de celle qu'ils avaient le 18 avril 1985, date du sinistre, M. Y..., ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme établissant la valeur vénale de ces biens au 1er janvier de la première année au titre de laquelle le montant des recettes a dépassé les limites du forfait ; que dans ces conditions, il n'est pas fondé à demander l'application des dispositions de l'article 38 sexdecies GA de l'annexe III au code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie et des finances.