I) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er avril 1996 sous le n 96NT00872, présentée pour Me Y..., syndic de la liquidation des biens de la S.A. des réveils Bayard, demeurant ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Me Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-2185 du 29 janvier 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 août 1992 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime l'a mis en demeure de se conformer à diverses mesures relatives à la sécurité et à la remise en état du site du ... à Saint-Nicolas d'Aliermont (Seine-Maritime) ;
2 ) d'annuler ladite décision ;
II) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er avril 1996 sous le n 96NT00873, présentée pour Me Y..., syndic de la liquidation de la S.A. des réveils Bayard, demeurant ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Me Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92-2312 du 29 janvier 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 1992 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime l'a mis en demeure de faire réaliser une mesure complète du degré de contamination radioactive du site du ... à Saint-Nicolas d'Aliermont et de justifier avoir commandé les mesures correspondantes avant le 1er octobre 1992 à 0 heure ;
2 ) d'annuler ladite décision ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée ;
Vu le décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1998 :
- le rapport de M. CADENAT, président,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n 96NT00872 et 96NT00873 de Me Y..., es-qualité de syndic à la liquidation de la S.A. des réveils Bayard, sont dirigées contre deux mises en demeure du préfet de la Seine-Maritime, l'une du 28 août 1992 lui enjoignant de procéder à la remise en état d'un site autrefois exploité par la S.A. des réveils Bayard, ..., à Saint-Nicolas d'Aliermont, l'autre du 30 septembre 1992 lui prescrivant de faire procéder à la mesure de la contamination radioactive d'un autre site, ..., autrefois exploité par cette même société sur le territoire de la même commune ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la mise en demeure du 28 août 1992 :
Considérant que, par arrêté du 9 avril 1991, le préfet de la Seine-Maritime a adressé à Me Y... une première mise en demeure d'avoir à remettre les locaux autrefois exploités par la S.A. des réveils Bayard au ... dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1 de la loi du 19 juillet 1976 ; que, les mesures prises par Me Y... pour l'exécution de cette mise en demeure lui ayant paru insuffisantes, le préfet lui a notifié une nouvelle mise en demeure du 28 août 1992 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement : "Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : a) obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser ... b) faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; c) suspendre par arrêté, après avis du conseil départemental d'hygiène, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires." ; que l'article 34 du décret du 21 septembre 1977, pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 susvisée, dispose : "Lorsqu'une installation autorisée ou déclarée change d'exploitant, le nouvel exploitant ou son représentant doit en faire la déclaration au préfet dans le mois qui suit la prise en charge de l'exploitation. Cette déclaration doit mentionner, s'il s'agit d'une personne physique, les noms, prénoms et domicile du nouvel exploitant et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la déclaration. L'exploitant doit remettre le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976. A défaut, il peut être fait application des procédures prévues à l'article 23 de cette loi." ;
Considérant, en premier lieu, que l'obligation de remettre en état le site d'une installation pèse sur l'exploitant, à moins qu'il n'ait cédé son installation et que le cessionnaire se soit régulièrement substitué à lui en qualité d'exploitant ; que, s'agissant du site du ..., si la S.A. des réveils Bayard y a cessé toute exploitation en 1984 et y a été successivement remplacée par la société nouvelle des réveils Bayard, la société des établissements Laval et M. Z..., il est constant que les changements d'exploitant n'ont pas été déclarés à l'administration, contrairement aux dispositions de l'article 34 du décret susvisé du 21 septembre 1977 ; que les déchets toxiques et radioactifs abandonnés sur le site en cause doivent, dans les circonstances de l'affaire, être regardés comme se rattachant directement à l'activité de la S.A. des réveils Bayard ; que, d'autre part, en vertu de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation de biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, applicable en l'espèce, le syndic représente la société débitrice pendant toute la durée de la liquidation de biens de cette société ; que, la S.A. des réveils Bayard ayant été placée en liquidation judiciaire en mars 1987, c'est à bon droit que le préfet de la Seine-Maritime a adressé la mise en demeure litigieuse à Me Y..., en qualité de syndic à la liquidation de biens de cette société, alors même que les déchets en cause se rattachent à une période d'activité durant laquelle la S.A. Bayard n'avait pas encore été placée en liquidation de biens ;
Considérant, en deuxième lieu, que Me Y... soutient qu'à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure du 9 avril 1991 pour la remise en état du site, le préfet était tenu, s'il estimait que les mesures prévues par cette mise en demeure n'étaient pas complètement exécutées, de recourir à l'une des sanctions prévues aux a), b), ou c) de l'article 23 précité de la loi du 19 juillet 1976, sans pouvoir lui adresser une nouvelle mise en demeure ; que, toutefois, la mise en demeure prévue par l'article 23 précité ne constitue pas une sanction mais une garantie dont les exploitants visés par la loi du 19 juillet 1976 ne sauraient, d'ailleurs, être privés sauf en cas d'urgence ; que, par ailleurs, l'appelant ne saurait se prévaloir, à l'appui de sa requête, des effets juridiques de la mise en demeure prévue par l'article 24 de la loi susvisée qui n'a pas le même champ d'application ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si Me Y... soutient qu'il a agi avec la diligence requise pour la remise en état des sites concernés et que le retard apporté à l'assainissement des locaux résulte notamment de l'inaction de la société de décontamination qui lui avait été indiquée par l'administration, il n'établit pas, pour autant, que ce retard trouverait son origine dans une carence fautive de l'administration alors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a effectivement incité ladite société à hâter les opérations dont elle était chargée ; que Me Y... n'est donc pas fondé à critiquer le bien-fondé de cette mise en demeure ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'article 23 précité ne prévoit pas la notification du rapport de l'inspecteur des installations classées, dressé préala-blement à la mise en demeure, à l'exploitant ; que, d'ailleurs, les constatations du rapport relatives à l'état du site en cause ont été reprises par la mise en demeure contestée ; que l'absence de notification de ce rapport est donc sans incidence sur la régularité de cette mise en demeure ;
Considérant, enfin, d'une part, que cette mise en demeure est suffisamment motivée, d'autre part, qu'eu égard à la nécessité de prévenir, dans les meilleurs délais, les risques propres aux installations classées, la procédure de consultation prévue par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ne trouve pas, en tout état de cause, à s'appliquer au stade de la mise en demeure prévue par l'article 23 précité ;
Sur la mise en demeure du 30 septembre 1992 :
Considérant, en premier lieu, qu'après qu'un rapport de l'inspection des installations classées du 25 septembre 1992 eut mis en évidence la contamination radioactive des locaux antérieurement occupés par la même société au ..., le préfet a adressé à Me Y... la mise en demeure susvisée du 30 septembre 1992 ; qu'il résulte de l'instruction que, sur ce site, la peinture luminescente utilisée pour les réveils de marque Bayard était fabriquée, jusqu'en 1972, par la société Radium Light dont le gérant était le président-directeur général de la S.A. des réveils Bayard et dont l'activité était uniquement consacrée à cette dernière société ; qu'à la suite de la dissolution de la société Radium Light, en 1972, la fabrication de peinture luminescente a été reprise directement par la S.A. des réveils Bayard jusqu'au transfert de ses locaux au ..., en 1981 ; qu'ainsi, la contamination radioactive de ce deuxième site, dont Me Y... ne conteste pas la réalité, et qui ne peut résulter, contrairement à ce qu'il soutient, de l'activité de mécanique de l'entreprise Couaillet-Mauranne qui occupe actuellement le site, doit être regardée comme se rattachant directement à l'activité des sociétés susvisées ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la S.A. des réveils Bayard, ayant été placée en liquidation judiciaire en mars 1987, c'est à bon droit que la mise en demeure contestée a été adressée à Me Y... en sa qualité de syndic à la liquidation de biens de cette société, alors même que la radioactivité du site se rattache à une période d'exploitation antérieure à la date de la liquidation judiciaire et que la site en cause a été cédé en 1984 ;
Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'impossibilité, pour le préfet, d'adresser une seconde mise en demeure à Me Y... ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, le site du ... n'ayant pas été visé par la mise en demeure du 9 avril 1991 ;
Considérant, en troisième lieu, que la mise en demeure contestée est suffisamment motivée ; que pour les motifs susévoqués, les moyens tirés par Me Y... de ce que cette mise en demeure n'était pas justifiée du fait de la carence fautive de l'administration, et qu'elle est irrégulière, en l'absence de notification du rapport de l'inspecteur des installations classées et de la procédure de consultation prévue par l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Rouen, qui n'avait pas à ordonner des mesures d'instruction complémentaires qui étaient inutiles, en l'espèce, a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que Me Y... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, être rejetée ;
Article 1er : Les requêtes n 96NT00872 et 96NT00873 de Me Y... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Y... et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.