Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 14 novembre 1996, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) à titre principal, d'annuler le jugement n 92-5762 du 5 juillet 1996 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la SA Corps gras alimentaires de l'Ouest la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986, 1987 et 1988 et de décider que ladite société sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance ;
2 ) à titre subsidiaire, de décider que la SA Corps gras alimentaires de l'Ouest sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 1988 à concurrence de 312 425 F en droits et 49 207 F en intérêts de retard et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 septembre 1999 :
- le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
- les observations de Me LACROIX, avocat de la société Corps gras alimentaires de l'Ouest,
- et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours :
Considérant que le jugement attaqué a été notifié à l'administration le 18 juillet 1996 ; que le ministre du budget a relevé appel de ce jugement par une télécopie, contenant à la fois les conclusions et les moyens de son recours, enregistrée au greffe de la Cour le 14 novembre 1996, soit avant l'expiration du délai de quatre mois prévu par les dispositions combinées des articles R.200-18 du livre des procédures fiscales et R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par la suite, il a produit l'original de cette télécopie ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société Corps gras alimentaires de l'Ouest (CGAO), le recours du ministre du budget est recevable ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne notamment l'année 1988 le Tribunal administratif de Nantes a fait droit aux conclusions de la demande présentée par la société Corps gras alimentaires de l'Ouest en se fondant uniquement sur les dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts, relatif au régime de faveur accordé aux entreprises nouvelles ; que, d'autre part, aux termes de l'article 44 quinquies du même code, dans sa rédaction applicable à l'année 1988 : "Le bénéfice à retenir pour l'application des dispositions des articles 44 bis, 44 ter et 44 quater s'entend du bénéfice déclaré selon les modalités prévues à l'article 53 A ou du bénéfice fixé sur la base des renseignements fournis en application de l'article 302 sexies ; que, dans ces conditions, le fait, pour le tribunal, d'admettre que la société CGAO remplissait les conditions prévues par la loi pour bénéficier des dispositions de l'article 44 quater ne pouvait, en tout état de cause, qu'entraîner le dégrèvement du supplément d'impôt sur les sociétés assigné à la société CGAO au titre de l'année 1988 et correspondant à la remise en cause du régime de faveur prévu par les dispositions dudit article et sous lequel elle s'était placée dans sa déclaration ; que c'est donc à tort que le tribunal a accordé à la société CGAO la décharge totale du supplément d'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 1988 à raison de l'ensemble des redressements qui lui avaient été notifiés ; que, dès lors, s'agissant de l'année 1988, le ministre est fondé à demander la réformation du jugement attaqué et que la différence entre le dégrèvement effectivement prononcé par le tribunal et celui résultant de l'exonération au titre des entreprises nouvelles soit remise à la charge de la société CGAO, soit une somme de 312 425 F en droits et de 49 297 F en intérêts de retard ;
Sur l'application des dispositions combinées des articles 44 bis et 44 quater du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2 et 3 du II et au III de l'article 44 bis, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant ..." ; qu'aux termes du III de l'article 44 bis du même code : "Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes, ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus. Toutefois cette disposition ne s'applique pas aux entreprises créées pour la reprise d'établissements en difficulté" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Corps gras alimentaires de l'Ouest (CGAO), constituée le 1er juillet 1983, a pour activité le raffinage de tout corps gras à l'exclusion de la fonte primaire et se livre accessoirement au négoce de suif et de saindoux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'activité de raffinage de la société CGAO préexistait à sa création dans les structures de la société MAINGUET ; que ce seul fait exclut que la société CGAO puisse être regardée comme ayant été constituée en vue de la reprise ou de la restructuration d'une activité préexistante ; que, dès lors, nonobstant la circonstance que la société CGAO avait, pendant une courte période, exercé une activité de production de corps gras destiné à l'alimentation animale, la création de ladite société, contrairement à ce que soutient le ministre, ne tombait pas sous le coup des exclusions du régime de faveur prévues par le III de l'article 44 bis du code général des impôts ; que, par ailleurs, l'administration ne conteste pas que la société CGAO remplissait les autres conditions prévues par les dispositions combinées des articles 44 bis et 44 quater dudit code ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a accordé à la société CGAO la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986, 1987 et 1988 et résultant de la remise en cause du régime de faveur susindiqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a accordé à la société CGAO la décharge complète du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 1988 ;
Sur les conclusions de la société CGAO tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la société CGAO une somme de 6 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le supplément d'impôt sur les sociétés auquel la société CGAO a été assujettie au titre de l'année 1988 est remis à sa charge à hauteur d'un montant de trois cent douze mille quatre cent vingt cinq francs (312 425 F) en droits et de quarante neuf mille deux cent quatre vingt dix sept francs (49 297 F) en intérêts de retard.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre chargé du budget est rejeté.
Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) versera à la société CGAO une somme de six mille francs (6 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Corps gras alimentaires de l'Ouest.