Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 février 1997, présentée pour M. François Y..., demeurant résidence Oriane, 2 bis boulevard Clémenceau, 22000 Saint-Brieuc, par la SCP RICHEFOU-BAOUSSON, avocats au barreau de Saint-Brieuc ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 92.3677 en date du 7 novembre 1996 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981, 1983 et 1985, des cotisations supplémentaires de TVA au titre de l'année 1984, et de taxe sur les frais généraux au titre des années 1982, 1983 et 1985 ;
2 ) de le décharger de ces impositions, soit au total de la somme de 1 113 064 F ;
3 ) de condamner le directeur régional des impôts au paiement des intérêts moratoires ;
4 ) de condamner l'Etat à lui payer 20 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2000 :
- le rapport de Mme MAGNIER, premier conseiller,
- et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande concernant la TVA :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. Y..., la vérification de comptabilité et la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble sont deux procédures de contrôle fiscal distinctes ; que l'irrégularité éventuelle de l'une serait sans influence sur la régularité de l'autre ;
En ce qui concerne la vérification de comptabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y..., exploitant à titre individuel d'une entreprise de négoce de pneumatiques, lubrifiants et caravanes, réside dans un appartement situé au ..., à Saint-Brieuc ; que le siège de son entreprise est situé à cette même adresse ; qu'il n'est pas contesté que, lorsque le vérificateur s'est présenté à cette adresse le 22 janvier 1985 pour effectuer une vérification de la comptabilité de l'entreprise, le contribuable l'a invité à s'installer dans sa propre salle à manger pour commencer ses opérations de contrôle ; que la circonstance que ces opérations de contrôle de la comptabilité se soient tenues dans cette pièce, alors qu'il existait dans ce même immeuble un local disponible à caractère professionnel, servant notamment de bureau à la secrétaire du contribuable, est sans influence sur la régularité du contrôle dès lors que le contribuable ne soutient pas, ni même n'allègue qu'il aurait demandé au vérificateur et à ses assistants de s'installer dans ce bureau ou qu'il se serait opposé à la présence du vérificateur dans la pièce qu'il lui avait initialement désignée ; que du reste, il ressort d'un courrier adressé le 26 novembre 1985 par le contribuable à l'administration que cette vérification de comptabilité s'est déroulée comme il le souhaitait, depuis son commencement et pendant les dix mois qui ont suivi ; que, par suite, la vérification de comptabilité litigieuse doit être regardée comme ayant effectivement débuté sur place ;
Considérant toutefois, qu'il résulte également de l'instruction, notamment de la lettre précitée du 26 novembre 1985, que si la vérification de comptabilité a débuté, ainsi qu'il vient d'être dit, conformément à ce qu'il souhaitait, le contribuable a cependant demandé au vérificateur, le 2 juillet 1985, d'emporter "ses factures d'achat et de vente pour vérification dans ses bureaux" ; qu'ainsi c'est à la demande de M. Y... que la vérification de comptabilité s'est poursuivie dans les bureaux du vérificateur ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du livre des procédures fiscales, de l'instruction 13 L-7-88, de la réponse ministérielle du 14 septembre 1987 à M. X..., député, ou de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, en tant qu'elles prévoient que la vérification de comptabilité doit avoir lieu sur place, sont en tout état de cause inopérants ;
Considérant, en outre, que la demande manuscrite précitée d'emport de documents comptables souscrite par M. Y... était suffisamment précise et répondait sur ce point, en tout état de cause, aux prescriptions de la doctrine 13 L-7-88 ; que, contrairement à ce que soutient le contribuable, il n'était pas nécessaire de la renouveler à huit reprises dès lors qu'il n'y a eu qu'un seul emport de documents comptables alors même que le volume de ces pièces a nécessité huit voyages du vérificateur ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que celui-ci a délivré au contribuable des reçus détaillés pour une part des documents emportés ; que, pour le reste, le contribuable a donné lui-même une liste signée des documents remis, rendant inutile la délivrance d'un reçu ; que les erreurs alléguées entre les listes de documents remis et les documents restitués ne sont pas établies ;
Considérant il est vrai, que l'administration admet avoir égaré 12 factures sur les 20 000 pièces examinées dans le cadre de la vérification de comptabilité ; qu'il est cependant constant qu'elle en a obtenu la photocopie auprès des entreprises qui les avaient émises et a restitué au contribuable ces photocopies, ainsi que tous les autres documents emportés, avant l'envoi de la notification de redressement, lui permettant de faire valoir ses arguments dans le cadre du débat oral et contradictoire ; que le moyen tiré par M. Y... de ce que l'administration aurait ainsi porté atteinte à son droit de propriété sur ces factures est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que, par suite, l'emport des documents comptables doit être regardé comme ayant été régulièrement effectué par le vérificateur ;
Considérant enfin que, comme il vient d'être dit, la vérification de comptabilité n'ayant pas eu lieu intégralement sur place, il appartient à l'administration d'établir que M. Y... n'a pas été privé de débat oral et contradictoire ; qu'il est constant que, pour reconstituer la comptabilité matière de l'entreprise, le vérificateur et ses assistants se sont rendus à de très nombreuses reprises sur place, sur une période de plusieurs mois ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les intéressés se seraient refusés à tout échange de vues avec le contribuable au cours du contrôle ; que dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant que M. Y... n'a pas été privé de ce débat ;
En ce qui concerne la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a demandé que la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble concernant ses revenus des années 1981, 1982 et 1983 se tienne à son domicile ; qu'il n'établit pas qu'il aurait formulé cette demande, écrite de sa main sur l'avis de vérification, sous la contrainte ou par crainte du vérificateur ; que de même, il n'établit pas que la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble de ses revenus de l'année 1984 aurait eu lieu ailleurs qu'au siège de son entreprise comme il en avait également formulé la demande écrite ; qu'il n'est par suite pas fondé à soutenir que cette vérification aurait été irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n 86-824 du 11 juillet 1986 : "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'aux termes du I de l'article 18 de cette même loi : "Le délai de reprise prévu aux articles L.169 ... du livre des procédures fiscales est fixé à trois ans" ; que M. Y... fait valoir que cette loi serait d'application immédiate et que, par suite, la prescription des rappels d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1981, 1982 et 1983, notifiés en décembre 1985 et mis en recouvrement en octobre 1989, lui était acquise le 31 décembre 1988 ; que, toutefois, aux termes du IV de ce même article 18 de la loi du 11 juillet 1986 : "Les dispositions du présent article s'appliquent aux vérifications de comptabilité pour lesquelles l'avis de vérification prévu à l'article L.47 du livre des procédures fiscales est envoyé ou remis après le 1er juillet 1986 ..." ; que les avis de vérification de comptabilité et de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ont été remis à M. Y... en janvier et juin 1985 ; que le contribuable n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que les dispositions de la loi du 11 juillet 1986 abrégeant le délai de reprise de l'administration étaient applicables en l'espèce ; qu'en outre, dès lors que le délai de reprise n'a pas été modifié, M. Y... ne peut utilement, en tout état de cause, se prévaloir sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 de l'instruction 13 L-1414 du 15 décembre 1983 en ce qu'elle vise les conséquences de la modification de la durée légale du délai de reprise ;
Considérant enfin, que dans le dernier état de ses écritures, M. Y... fait valoir qu'il n'entend pas demander le bénéfice de la prescription des impositions, mais celui de la prescription de l'action en recouvrement prévue par les dispositions de l'article L.274 du livre des procédures fiscales ; que ces allégations sont toutefois démenties par les pièces du dossier ; que ce moyen est en outre inopérant à l'appui d'une contestation de l'assiette d'une imposition ;
En ce qui concerne le montant des droits rappelés :
Considérant, d'une part, que M. Y... conteste les rectifications afférentes à l'année 1984 et le montant de la déduction d'une provision pour hausse de prix au titre de l'année 1985 ; que cependant, il n'assortit pas ces moyens de précisions suffisantes permettant à la Cour de les examiner utilement ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 163 bis A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : "I- Les personnes physiques qui prennent des engagements d'épargne à long terme sont exonérées de l'impôt sur le revenu à raison des produits des placements en valeurs mobilières effectués en vue de ces engagements ... III- Le bénéfice des dispositions qui précèdent est subordonné aux conditions suivantes : a) les épargnants doivent s'engager à effectuer des versements réguliers pendant une période d'une durée minimale qui est fixée par arrêté du ministre de l'économie et des finances et ne peut être inférieure à cinq ans ... IV - Si le souscripteur ne tient pas ses engagements, les sommes qui ont été exonérées en vertu des dispositions qui précèdent sont ajoutées au revenu imposable de l'année au cours de laquelle les engagements ont cessé d'être respectés ..." ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que les personnes physiques qui, ayant pris un engagement d'épargne, viennent à manquer, au cours d'une année quelconque de la période pour laquelle elles l'ont souscrit ou prorogé, à l'une de leurs obligations légales, sont soumises à l'impôt sur le revenu, dont elles ne peuvent plus être exonérées, à raison des revenus de valeurs mobilières qui, ainsi que leurs produits capitalisés, ont été portés au crédit de leur compte d'épargne à long terme pendant la première année au cours de laquelle elle n'ont pas respecté leurs obligations, ainsi que pendant toutes les autres années, même antérieures et prescrites, de la période de validité de l'engagement qu'elles avaient souscrit ou prorogé ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a prorogé, le 1er janvier 1982, pour une nouvelle période de cinq ans, le contrat d'engagement d'épargne à long terme souscrit en 1977, et n'a pas respecté, au titre de l'année 1982, l'engagement de versement annuel prévu audit contrat ; que si M. Y... admet cette omission, il fait valoir qu'elle ne concerne que les revenus de l'année 1982 et que le redressement notifié pour ce même motif au titre de l'année 1983 doit être déchargé ; que toutefois, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées du code général des impôts, l'administration était fondée à réintégrer dans la base imposable du contribuable les revenus de capitaux mobiliers perçus au titre de toutes les années de la période de validité de l'engagement d'épargne à long terme qu'il a prorogé et notamment ceux de l'année 1983 ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre M. Y... et le comptable public chargé de liquider les impositions qu'il conteste ; que les conclusions de M. Y... tendant au versement d'intérêts moratoires sont par suite irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.