Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 mars 1997, présentée pour M. et Mme Claude X..., demeurant ..., par la SCP MONNET-LALLEMENT, avocat au barreau de Saint-Brieuc ;
M. et Mme X... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 5 décembre 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1988 et 1989 ;
2 ) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3 ) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, il soit sursis au paiement des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2000 :
- le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
- les observations de M. et Mme X...,
- et les conclusions de M. GRANGE, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. et Mme X... soutiennent qu'ils ont reçu le dernier mémoire de l'administration devant le tribunal administratif trop tard pour pouvoir y répondre, il ressort du jugement attaqué qu'aucun élément de ce mémoire n'a été retenu par les premiers juges au soutien de leur décision ; que, par suite, M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : "Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix" ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'avis de vérification indiquait que la période vérifiée allait du 1er octobre 1986 au 30 septembre 1989 alors qu'en réalité la vérification aurait concerné la période du 1er octobre 1987 au 31 décembre 1989 est inopérant dès lors que ce contrôle n'a entraîné aucun redressement au titre de l'année 1989 ; que, par ailleurs, ni l'article L.47 du livre des procédures fiscales, ni aucun autre texte ne prescrivent à l'administration d'indiquer, dans l'avis qu'elle adresse au contribuable avant une vérification de comptabilité, la nature de l'activité sur laquelle la vérification portera ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir donné en location-gérance son fonds de commerce de garage jusqu'au 16 mars 1988, M. X... a repris l'exploitation de celui-ci à compter du 1er avril 1988 ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant poursuivi, sous une autre forme, l'exercice de son activité professionnelle antérieure ; que, par suite, l'administration a pu, à bon droit, lui adresser un seul avis de vérification concernant à la fois la période où il était loueur de fonds et celle où il est devenu exploitant individuel ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il est constant que la vérification de comptabilité a été effectuée sur place ; que M. X... n'établit pas que lors de ce contrôle le vérificateur l'aurait privé d'un débat oral et contradictoire ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'imposition de la plus-value :
Considérant que M. X... a créé un fonds de commerce, constitué par un garage pour automobiles, le 10 février 1965 ; que du 1er octobre 1976 au 16 mars 1988, il a donné ce fonds en location gérance à la SARL "Société d'exploitation du garage
X...
", dont il était le gérant, et lui a loué également un immeuble lui appartenant ; que du 1er avril 1988 au 1er avril 1990 M. X... a repris l'exploitation personnelle du garage ; qu'il a, en 1990, fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a notamment remis en cause l'exonération dont M. X... s'était prévalu en ce qui concerne la plus-value professionnelle réalisée en 1988 ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts : "Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation" ;
Considérant qu'il est constant que les immeubles que M. X... avait donnés en location à la société d'exploitation du garage
X...
étaient inscrits à l'actif du bilan de son entreprise de loueur de fonds ; qu'il est également constant qu'à compter du 1er avril 1988 ces immeubles n'étaient plus inscrits à l'actif ; qu'ils devaient dès lors être regardés comme étant retournés dans le patrimoine privé de M. X... ; que ce transfert du patrimoine professionnel au patrimoine privé est constitutif d'une cession au sens de l'article 38 précité du code général des impôts et justifie la taxation de la plus-value réalisée, nonobstant la circonstance que lesdits immeubles n'auraient fait objet d'aucune vente ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : "Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait ... sont exonérées à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691 ..." ; qu'il résulte notamment de ces dispositions que la condition tenant à l'absence de dépassement du double de la limite du forfait s'apprécie en additionnant toutes les recettes réalisées par le contribuable, provenant d'activités imposables dans une même catégorie de revenus et afférentes à l'année de réalisation effective de la plus-value ;
Considérant qu'il est constant que le total des recettes perçues au cours de l'année 1988 par M. X... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, d'abord au titre de son activité de loueur de fonds puis, à compter du 1er avril au titre de son activité de garagiste, dépassait le double de la limite du forfait ; que, dès lors, et sans que puisse y faire obstacle la circonstance que les deux activités ont été exercées dans des conditions différentes, c'est à bon droit que l'administration a refusé à M. et Mme X... le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 151 septies du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressement adressée le 22 mai 1991 à M. X... que l'administration a procédé à l'évaluation de la valeur vénale des immobilisations reprises dans son patrimoine privé en combinant pour l'un des deux bâtiments deux méthodes fondées, l'une sur le taux de rendement de cet immeuble, l'autre sur la comparaison des ventes de locaux similaires effectuées en 1988 dans la commune de Trégueux, et en utilisant pour l'autre bâtiment la seule méthode comparative ; que pour la détermination des surfaces des deux bâtiments l'administration a repris les éléments figurant dans la déclaration souscrite par les requérants auprès du Centre des impôts fonciers de Saint-Brieuc pour l'établissement des taxes foncières ; que les époux X... n'apportent aucun élément de nature à contredire sérieusement les appréciations de l'administration résultant de l'application de ces méthodes ; que, dès lors, nonobstant la circonstance que le service n'aurait pas produit les actes relatifs aux cessions retenues à titre de comparaison, l'administration doit être regardée comme justifiant la valeur vénale des immobilisations transférées dans le patrimoine privé et, par suite, le montant de la plus-value réalisée ;
En ce qui concerne la réduction d'impôt prévue par l'article 199 sexies du code général des impôts :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les époux X... qui ont acquis en 1976 un immeuble à Trédaniel, dont ils soutiennent qu'il constitue depuis 1986, leur résidence principale, demandent à bénéficier au titre de 1988 et 1989 de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 sexies du code général des impôts, pour les intérêts d'un emprunt qu'ils ont souscrit en 1984 ; que le tribunal a rejeté leurs prétentions au motif qu'ils ne justifiaient pas que les intérêts dont il s'agit seraient afférents à un emprunt contracté pour l'acquisition, la construction, les grosses réparations ou les frais de ravalement de l'immeuble dont il s'agit ; que les requérants n'apportent devant la Cour aucun élément de nature à remettre en cause la solution retenue sur ce point par le Tribunal administratif de Rennes ; que, dès lors, et en tout état de cause, il y a lieu de rejeter les conclusions des époux X... tendant au bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 sexies du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.