Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 septembre 1998, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 96-1317 en date du 2 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à la S.A.R.L. COURTIMMO le remboursement de la somme de 329 374 F correspondant au crédit de TVA déductible non imputable dont elle disposait à la fin du quatrième trimestre de l'année 1995 ;
2°) d'ordonner le reversement au Trésor public de ladite somme ;
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B CNIJ n° 19-06-02-02
n° 15-05-11-01
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2003 :
- le rapport de M. JULLIÈRE, président,
- les observations de Me BROCHE, substituant Me OUVRARD, avocat de la S.A.R.L. COURTIMMO,
- et les conclusions de Mme MAGNIER, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant que le jugement attaqué a été notifié au service local de l'administration des impôts le 3 juin 1998 ; que, par suite, le recours du ministre, transmis par une télécopie enregistrée au greffe de la Cour le 29 septembre 1998, soit dans le délai de quatre mois prévu par l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, puis régularisée par l'exemplaire original du document enregistré le 1er octobre 1998, est recevable ;
Au fond :
Considérant que la S.A.R.L. COURTIMMO a, par acte du 13 janvier 1995, acquis de la SNC “Hôtel du Gran Paradiso” dix-neuf chambres meublées faisant partie de l'immeuble en copropriété dit “Hôtel Gran Paradiso”, sis à Bourg-Saint-Maurice (Savoie), dans lequel est exploité l'établissement hôtelier dénommé “Mercure Gran Paradiso Arcs 1800” ; qu'il est constant que ces chambres ont été données en location par bail commercial du 28 janvier 1994, initialement consenti par la SNC du Gran Paradiso, dont la S.A.R.L. COURTIMMO, nouveau propriétaire, a repris les droits et qu'elles sont utilisées pour le logement du personnel de l'établissement hôtelier ; qu'ayant assujetti les loyers correspondants à la TVA, la S.A.R.L. COURTIMMO a demandé la restitution du crédit de taxe non imputable dont elle disposait au 31 décembre 1995 ; que le service lui a cependant refusé tout droit à déduction de la taxe incluse dans le prix d'acquisition des chambres susmentionnées au motif que l'opération de location dont il s'agit était exonérée de la TVA en application des dispositions du premier alinéa de l'article 261 D-4° du code général des impôts, auxquelles les dispositions combinées des c) et a) du même article ne permettraient pas en l'espèce de déroger ; que le ministre fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a reconnu le droit à déduction de la société COURTIMMO et, par voie de conséquence, a fait droit à sa demande de restitution du crédit de taxe litigieux ;
Considérant qu'aux termes du B de l'article 13 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 : “Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent... : ... b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception : 1. des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper... Les Etats membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération...” ;
Considérant qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : “Sont exonérées de la TVA : ... 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : a) Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés... ; b) Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni lorsque l'exploitant offre, en plus de l'hébergement, le petit déjeuner, le nettoyage quotidien des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle... ; c) Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties par bail commercial à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées au a) ou au b)” ; que ces dispositions issues de l'article 48 de la loi de finances rectificative pour 1990 du 29 décembre 1990 pris pour la transposition de celles, précitées, de la sixième directive du Conseil des communautés européennes dans le droit national doivent être interprétées à la lumière des objectifs fixés par cette directive ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la copie de la déclaration de TVA du mois de décembre 1995, versée au dossier par le ministre, que cette déclaration afférente à l'exploitation de l'établissement hôtelier de Bourg-Saint-Maurice a été souscrite au nom de la société en participation du Gran Paradiso ; que si ladite déclaration a été établie par la S.A.R.L. “Société de gestion du Gran Paradiso”, celle-ci, qui a par ailleurs indiqué dans la déclaration du résultat de son exercice clos le 31 décembre 1995 exercer l'activité de “gérante d'une société en participation” constituée pour l'“exploitation hôtelière”, n'a ainsi agi qu'en sa qualité de gérant de la société en participation ; qu'il ressort également de l'avenant en date du 12 décembre 1994 portant modification rétroactive au 15 septembre 1994 du bail commercial consenti le 28 janvier 1994 par la SNC “Hôtel Gran Paradiso”, précédent propriétaire des chambres meublées ayant fait l'objet dudit bail, que les chambres dont il s'agit ont été données en location à la société en participation du Gran Paradiso, laquelle était initialement représentée à l'acte par la société Fiducial Conseil, signataire du contrat de bail en sa qualité de gérant de la société en participation, puis, à la suite de la substitution de la S.A.R.L. “Société de gestion du Gran Paradiso” dans cette fonction à la date précitée du 15 septembre 1994, par cette dernière, qui a ainsi signé l'avenant susmentionné comme gérant de la société en participation du Gran Paradiso ; que, dans ces conditions, la location par bail commercial des chambres meublées dont il s'agit n'a pas, contrairement à ce que soutient le ministre, été consentie à la S.A.R.L. “Société de gestion du Gran Paradiso” mais à la société en participation qui, exploitant de l'hôtel sis dans le même immeuble, utilisait lesdites chambres pour le logement de son personnel ;
Considérant, cependant, que l'opération par laquelle un hôtelier met des chambres meublées à la disposition de son personnel ne constitue pas une prestation d'hébergement hôtelier, au sens des dispositions susreproduites du a) du 4° de l'article 261-D du code général des impôts, alors même que le logement sur place du personnel serait indispensable à l'exploitation de l'établissement ; que, dès lors, l'affectation ainsi donnée aux locaux d'habitation meublés dont il s'agit fait obstacle, nonobstant la nature commerciale du bail dont est titulaire l'exploitant de l'hôtel de tourisme classé concerné, à ce que la location consentie par la S.A.R.L. COURTIMMO soit regardée comme entrant dans le champ d'application du c) du 4° de l'article 261-D précité ;
Considérant, dans ces conditions, que c'est à bon droit que l'administration a estimé que la location en cause était exonérée de la TVA en application des dispositions du premier alinéa de l'article 261-D-4° du code général des impôts et, en conséquence, a refusé de satisfaire la demande de remboursement du crédit de TVA, d'un montant de 329 374 F (50 212,74 euros), apparaissant sur la déclaration de chiffre d'affaires déposée par la société COURTIMMO au titre du dernier mois de l'année 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à la S.A.R.L. COURTIMMO le remboursement du crédit de taxe susmentionné ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la S.A.R.L. COURTIMMO la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er :
Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 2 juin 1998 est annulé.
Article 2 :
La S.A.R.L. COURTIMMO reversera au Trésor la somme de 50 212,74 euros (cinquante mille deux cent douze euros soixante quatorze centimes).
Article 3 :
Les conclusions de la S.A.R.L. COURTIMMO tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 :
Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A.R.L. COURTIMMO.
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