Vu, 2°), la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 27 novembre 2000 et 2 janvier 2001 sous le n° 00NT1910, présentés pour le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg, représenté comme indiqué ci-dessus, par Me Le PRADO, avocat au Conseil d'Etat ;
Le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-975 du 19 septembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamné à verser, d'une part, à Mme Y... une indemnité de 370 000 F, tous intérêts compris, en réparation des conséquences dommageables de l'infection dont cette dernière a été victime à la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée dans l'établissement le 31 juillet 1995, ainsi qu'une somme de 6 000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Manche une somme de 150 000 F, tous intérêts compris, au titre des frais médicaux et d'hospitalisation pris en charge par celle-ci ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme et la C.P.A.M. de la Manche devant le Tribunal administratif de Caen ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2003 :
- le rapport de M. GUALENI, premier conseiller,
- les observations de Me X..., substituant Me Le PRADO, avocat du centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg,
- les observations de Me FLEURY, substituant Me VINCENT, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées du centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg sont relatives aux conséquences de la même intervention chirurgicale ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité :
Considérant que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la respon-sabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection ; qu'il en va autrement lorsque le patient est porteur, avant toute intervention, d'un foyer infectieux susceptible d'être à l'origine des complications survenant à la suite d'une intervention ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Caen, qu'à la suite d'une chute de vélo survenue le 27 juillet 1995, Mme a été admise au centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg où a été diagnostiquée une fracture fermée du coude droit, sur laquelle a été pratiquée, le 31 juillet 1995, une ostéosynthèse du cubitus par plaque vissée ; qu'il résulte également de l'instruction que Mme a quitté l'établissement le 3 août 1995 avec un plâtre doté d'une fenêtre pour pansement et surveillance de la plaie opératoire ; que celle-ci a constaté au cours de la première moitié du mois de septembre un écoulement de pus par la fistule de la cicatrice, alors qu'aucune anomalie n'a été relevée le 28 août lors d'une visite de contrôle au centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg ; qu'un prélèvement effectué le 18 septembre dans cet établissement a mis en évidence la présence de staphylocoques dorés et de pyocyaniques ; que, le 4 octobre 1995, il a été procédé, dans cet établissement, à l'ablation du matériel, ainsi qu'à la mise en place d'un fixateur externe ; qu'en dépit de la constatation de la consolidation de la fracture le 16 janvier 1996 et de l'enlèvement du fixateur à cette même date, Mme , en raison de l'apparition de douleurs et d'un gonflement au niveau du poignet droit a dû subir deux nouvelles interventions, les 2 février 1996 et 4 août 1998, en vue du traitement d'une pseudarthrose du cubitus ;
Considérant, en premier lieu, que rien ne permet de présumer que Mme ait été porteuse, avant l'intervention pratiquée le 31 juillet 1995, d'un foyer infectieux qui pourrait être à l'origine de cette complication ;
Considérant, en second lieu, que si selon l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Caen la présence de staphylocoques et de pyocyaniques ne milite pas en faveur d'un germe d'origine hospitalière, cette affirmation, contestée par Mme , est contraire aux données médicales qui désignent ces germes comme responsables d'infections nosocomiales en raison de leur résistance à de nombreux antibiotiques ;
Considérant que, dans ces conditions, le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er février 2000, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Caen l'a reconnu responsable de l'infection dont Mme a été victime alors même que la suppuration de la plaie opératoire n'est apparue qu'au cours du mois de septembre et que l'intéressée a reçu des soins infirmiers entre sa sortie de l'établissement et l'apparition de cette suppuration, ni à demander par voie de conséquence l'annulation du jugement susvisé du 19 septembre 2000 ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert non sérieusement contestées par le centre hospitalier, que l'incapacité permanente partielle dont Mme demeure atteinte et imputable à la seule infection dont elle a été victime s'élève à 25 % ; qu'en fixant à 250 000 F l'indemnité due en réparation des troubles dans ses conditions d'existence, de son préjudice esthétique évalué à 3 sur une échelle de 7 et de ses souffrances physiques évaluées à 3,5 sur une échelle de 7, le Tribunal n'a pas procédé à une évaluation excessive de ces chefs de préjudice ; qu'en se bornant à relever, par ailleurs, que Mme ne justifiait d'aucune perte de salaires pour contester le montant de l'indemnité de 120 000 F accordée par le Tribunal au titre du préjudice économique subi par l'intéressée, qui n'a pas pu reprendre son activité d'assistante maternelle et perçoit une pension d'invalidité de 2ème catégorie, le centre hospitalier ne critique pas sérieusement l'évaluation de ce chef de préjudice faite par le Tribunal ; que Mme n'est pas davantage fondée à soutenir, par la voie du recours incident, que le Tribunal a procédé à une évaluation insuffisante de ces chefs de préjudice ;
Considérant, en second lieu, que si le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg conteste le montant de l'indemnité allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche en faisant valoir que ne peuvent être mis à sa charge que les seuls frais effectivement engagés par la caisse et liés à l'infection dont Mme a été victime, il n'assortit cette critique d'aucun élément suffisamment précis permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, enfin, que, par un mémoire, enregistré le 13 octobre 1999 au greffe du Tribunal administratif de Caen, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche a chiffré le montant des débours exposés au profit de Mme à la somme de 188 771,18 F (28 771,18 euros) ; que si, par mémoire, enregistré le 6 août 2003 au greffe de la Cour, la caisse demande de condamner le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg à lui verser une somme de 81 702,19 euros, il ressort du relevé détaillé de ces débours que la caisse a ajouté à sa demande initiale le montant des frais d'hospitalisation exposés du 26 octobre au 9 novembre 1999 et du 7 mars au 20 mars 2000, ainsi que le montant des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la rente d'invalidité versée à Mme à compter du 1er avril 1997 ; que la caisse régulièrement mise en cause disposait des éléments lui permettant d'évaluer en toute connaissance de cause devant le Tribunal sa créance avant que celui-ci ne se prononce par le jugement susvisé du 19 septembre 2000 ; que, dès lors, ses conclusions en tant qu'elles tendent à ce que la Cour condamne le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg pour un montant supérieur à 28 771,18 euros constituent une demande nouvelle qui n'est, par suite, pas recevable ; que, par ailleurs, la caisse qui se borne à indiquer que le jugement susvisé du 1er février 2000 doit être confirmé, ne formule aucune critique à l'encontre du jugement du 19 septembre 2000 par lequel le Tribunal a condamné le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg à lui verser une somme de 150 000 F (22 867,35 euros) au titre des débours exposés au profit de Mme ; que, dans cette mesure, elle ne met pas la Cour à même de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le Tribunal en fixant le montant de ses débours à la somme de 150 000 F ; qu'ainsi, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg à payer à Mme et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche les sommes de 1 000 euros et 762,25 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens, à l'occasion de l'instance n° 00NT00620 ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg à payer à Mme et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche les sommes de 1 000 euros et 762,25 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens à l'occasion de l'instance n° 00NT01910 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes du centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg, le recours incident de Mme Y... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche sont rejetés.
Article 2 : Le centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg versera à Mme Y... une somme de 1 000 euros (mille euros) et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche une somme de 762,25 euros (sept cent soixante-deux euros et vingt-cinq centimes) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Louis Pasteur de Cherbourg, à Mme Y... , à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, à la Mutuelle nationale aviation marine et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
1
- 6 -