Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er août 2002, présentée pour la société en nom collectif (S.N.C.) Continent France, dont le siège social est Z.A.E Saint Guenault, 91002, Evry, par Me PIGEAU, avocat au barreau du Mans ;
La S.N.C. Continent France demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-2048 du 4 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 12 septembre 2001 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Orne a autorisé le licenciement de Mme Fabienne X pour faute ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Caen ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
C CNIJ n° 66-07-01-04-01
n° 66-07-01-03-02
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2004 :
- le rapport de M. GUALENI, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité :
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 12 septembre 2001 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section de l'Orne a autorisé la société en nom collectif Continent France à licencier Mme X ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce jugement a été régulièrement notifié au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité le 10 juin 2002 ; que, toutefois, le ministre n'a présenté de conclusions tendant à l'annulation de ce jugement que par mémoire enregistré le 30 janvier 2003 ; que ces conclusions présentées par une partie à l'instance engagée devant le Tribunal administratif de Caen, ne peuvent être regardées comme provoquées par l'appel formé par la société en nom collectif Continent France ; qu'ainsi, ce recours, enregistré après l'expiration du délai d'appel est tardif et, par suite, irrecevable ;
Sur les conclusions de la société en nom collectif Continent France :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 13 juillet 2001, Mme X qui exerçait les fonctions de conseillère au service financier du magasin Carrefour d'Alençon et était, par ailleurs, secrétaire du comité d'établissement, a été surprise en possession d'un billet de 200 F dont il n'est pas contesté qu'il provenait de la caisse du comité d'établissement située à l'accueil du magasin alors qu'elle venait d'y effectuer le remplacement d'une collègue ; que si l'intéressée qui a dans un premier temps reconnu avoir volé cette somme qu'elle avait elle-même déposé dans la caisse, a soutenu par la suite qu'elle avait l'intention de la remettre à la trésorière du comité, il est constant que lors de cette manipulation Mme X n'a laissé aucun document permettant de retracer ce mouvement de fonds ; que, dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a considéré que l'intention frauduleuse de Mme X n'était pas établie ; que de tels faits étaient constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de Mme X, sans que puisse y faire obstacle, dans les circonstances de l'espèce, le montant limité de la somme dérobée, ou bien l'ancienneté de l'intéressée, recrutée en 1979, alors même qu'elle n'avait fait antérieurement l'objet d'aucun reproche de la part de son employeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé sur le motif de l'absence d'intention frauduleuse pour annuler la décision de l'inspecteur du travail du 12 septembre 2001 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Caen ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement mentionnerait à tort que l'avis émis était favorable à la mesure de licenciement de Mme X, n'est pas de nature à entacher l'illégalité de la décision autorisant son licenciement, dès lors que ledit procès-verbal comporte les précisions suffisantes pour que l'autorité administrative, qui s'est d'ailleurs bornée dans sa décision du 12 septembre 2001 à viser l'avis du comité en date du 25 juillet 2001, ait été en mesure d'apprécier le sens exact de l'avis donné par ledit comité ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le procès-verbal du comité d'établissement se prononçant sur le licenciement de Mme X ne comporte ni le nom, ni la qualité des personnes ayant pris part au vote n'est pas de nature à entacher l'illégalité la décision autorisant son licenciement, dès lors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a, lors de l'enquête contradictoire, identifié les personnes ayant pris part à ce vote, d'autre part, qu'il n'est pas soutenu, ni même allégué que ce vote serait intervenu dans des conditions irrégulières ;
Considérant, enfin, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R.436-4 du code du travail relatif aux conditions de licenciement des membres des comités d'entreprise et des délégués du personnel : L'inspecteur du travail statue dans un délai de 15 jours qui est réduit à 8 jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article R.436-3 ; il ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés au 3ème alinéa du présent article ; que les formalités ci-dessus décrites ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que, dans ces conditions, la double circonstance que l'inspecteur du travail n'aurait pas justifié de nécessités liées à l'enquête pour prolonger le délai susmentionné, ni respecté ce délai pour statuer sur la demande d'autorisation de licencier Mme X, est sans influence sur la légalité de sa décision du 12 septembre 2001 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société en nom collectif Continent France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 12 septembre 2001 autorisant le licenciement de Mme X ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen du 4 juin 2002 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Fabienne X devant le Tribunal administratif de Caen, ensemble les conclusions du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Continent France, à Mme Fabienne X et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
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