Vu l'arrêt du 18 février 2003 par lequel la Cour administrative d'appel de Nantes, avant de statuer sur la requête n° 99NT02884 dont l'avaient saisie les consorts X, dirigée contre le jugement du 20 octobre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier de Vannes soit condamné à les indemniser des préjudices qu'ils ont subi du fait du décès, le 26 février 1992, de leur fille et soeur, Mlle Patricia X, a ordonné qu'il soit procédé à une nouvelle expertise médicale et donné à l'expert mission de :
- prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical de la jeune Patricia X et notamment, des différents rapports d'expertise existants, des résultats d'examens médicaux, des cahiers de surveillance du personnel hospitalier et des rapports ou compte-rendus établis à l'intention de la direction du centre hospitalier de Vannes à la suite du décès de l'enfant ;
- dire si, eu égard aux circonstances de l'affaire et, notamment, à l'état de santé de la jeune Patricia, à l'ensemble des constatations cliniques et examens pratiqués, la décision prise au service de chirurgie du centre hospitalier de Vannes de ne pas l'opérer, en urgence, a constitué un manquement aux règles de l'art et aux données de la science de l'époque ; le cas échéant, indiquer si d'autres examens ou investigations auraient dû être pratiqués pour établir de façon plus précise, le diagnostic et le traitement chirurgical qu'il justifiait ;
C
- préciser, eu égard aux circonstances de l'affaire et, notamment, aux troubles cardiaques précédemment constatés chez l'enfant, les risques d'accident cardio vasculaire qui étaient encourus ; dire si, compte tenu de ces risques, l'absence d'examen électro cardiologique a été conforme aux règles de l'art et aux données de la science de cette époque et dans la négative, indiquer dans quelle mesure un tel examen aurait pu prévenir un éventuel accident cardio vasculaire ;
- donner à la Cour toutes précisions complémentaires de nature à l'éclairer sur les causes de la mort de Patricia X et sur les responsabilités encourues.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 :
- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,
- les observations de Me DOHOLLOU, avocat des consorts X,
- les observations de Me POIGNARD, avocat du centre hospitalier de Vannes,
- et les conclusions de M. COËNT, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment, du rapport de l'expert assisté du sapiteur désignés par ordonnances des 25 avril et 2 octobre 2003 du président de la Cour, que la jeune Patricia X, atteinte, depuis sa naissance, d'une forme de myopathie dénommée maladie de Steinert, a été admise en urgence, le 26 février 1992, au centre hospitalier de Vannes en raison d'un syndrome douloureux abdominal, notamment, au niveau de la fosse illiaque droite, évoluant depuis 48 h, accompagné de vomissements et d'une fièvre de plus de 38°, conduisant son médecin traitant à suspecter une appendicite aiguë ; que les examens biologiques complémentaires réalisés au centre hospitalier, d'une part, confirmaient l'existence d'un syndrome infectieux profond, compte tenu d'une hyperleucocytose à 35 800 globules blancs et d'un taux de polynucléaires neutrophiles à 89 %, d'autre part, mettaient en évidence la présence de troubles métaboliques sous la forme d'une hypovolémie, se traduisant par une réduction du débit sanguin systémique avec insuffisance rénale fonctionnelle, d'une hypokaliémie et d'une désydratation extra et intra cellulaires ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du même rapport d'expertise que l'enfant présentait des troubles cardiovasculaires constatés par son cardiologue au cours d'examens pratiqués en janvier 1988 et en novembre 1990 et caractérisés par l'installation progressive de troubles conductifs tant à l'étage ventriculaire qu'auriculaire, avec lors du deuxième examen, la présence d'un hémibloc antérieur gauche, d'un bloc incomplet droit et d'une dysfonction sinusale intermittente avec courtes pauses auriculo-ventriculaires ; qu'une telle atteinte cardiaque expose, dans la proportion de 15 à 30 %, les patients atteints de la maladie de Steinert, au risque de mort subite par troubles du rythme ou de la conduction ventriculaire ; qu'au cas particulier, la cause la plus vraisemblable de la mort de l'enfant, environ huit heures après son admission au centre hospitalier, doit être recherchée dans un arrêt cardiaque brutal et n'est imputable, ni, en l'absence d'un syndrome occlusif du grêle et de perforation intestinale, à un choc sceptique provoqué par l'appendicite aiguë dont elle souffrait, et qui aurait d'ailleurs justifié, aux dires de l'expert, une intervention chirurgicale rapide, laquelle aurait nécessairement conduit à mettre en oeuvre les mesures appropriées aux problèmes cardiaques de l'enfant, ni à une embolie pulmonaire massive, en raison de l'âge de l'intéressée et du contexte ; que si cet accident cardiaque est propre à la maladie de Steinert dont était atteinte la jeune Patricia X, il a été favorisé par le contexte infectieux et les troubles métaboliques présentés par l'enfant ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort également du rapport d'expertise que, bien que le centre hospitalier de Vannes disposait de l'entier dossier médical de la jeune Patricia qui y était née et continuait à y être suivie en service de pédiatrie, ce dossier n'a pas été consulté lors de l'admission de l'enfant au service des urgences ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, compte tenu des troubles métaboliques précités, générés par l'appendicite aiguë dont souffrait l'enfant, l'existence des troubles cardiaques précédemment constatés générait un risque d'accident cardiovasculaire particulièrement important ; que, toutefois, au cours de son hospitalisation dans le service de chirurgie de l'hôpital, Patricia X n'a fait l'objet, ni d'un traitement pour corriger les troubles métaboliques précités, ni d'une surveillance continue du rythme par moniteur cardiaque ; qu'à supposer que de telles mesures n'aient pu, à elles seules, prévenir un éventuel accident cardiovasculaire, elles étaient de nature à en permettre le dépistage suffisamment tôt pour que soit mise en route une thérapeutique anti-rythmique ou un appareillage avec une sonde d'entraînement électrosystolique qui aurait pu éviter la mort de l'enfant ; qu'ainsi, la prise en charge de la jeune Patricia X aux urgences, puis au service de chirurgie de l'hôpital de Vannes, n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données connues de la science médicale ; qu'elle est donc constitutive d'une faute médicale qui doit être regardée comme ayant compromis les chances de survie de l'intéressée ; que, dans ces conditions, M. et Mme X, parents de la jeune Patricia, et Yann X, son frère, sont fondés à demander la réparation intégrale des préjudices qu'ils ont subis du fait du décès de leur fille et soeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X et M. Yann X sont fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier soit déclaré responsable du décès de leur fille et soeur, Patricia X ; qu'en conséquence, ledit jugement doit être annulé ;
Sur les préjudices :
Considérant, en premier lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme X, parents de la jeune Patricia, en l'évaluant à la somme de 15 000 euros, pour chacun d'eux ; qu'il sera fait, également, une juste appréciation du préjudice moral subi par M. Yann X, frère de la victime, en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, eu égard aux développements qui précèdent, de mettre à la charge du centre hospitalier de Vannes, les frais d'expertise de première instance et d'appel tels qu'ils ont été liquidés et taxés, respectivement, à la somme de 5 042 F (768,65 euros) par ordonnance du 22 septembre 1998 du président du Tribunal administratif de Rennes et à la somme de 4 150 euros par ordonnance du 28 juin 2004 du président de la Cour administrative d'appel ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à payer au centre hospitalier de Vannes la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner le centre hospitalier de Vannes à payer à M. et Mme X une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par ces derniers ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 20 octobre 1999 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Vannes (Morbihan) est condamné à payer, d'une part, à M. et Mme X la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) à chacun d'eux, d'autre part, à M. Yann X la somme de 5 000 euros (cinq mille euros).
Article 3 : Les frais d'expertise tels qu'ils ont été liquidés et taxés, d'une part, à la somme de 768,65 euros (sept cent soixante huit euros soixante cinq centimes) par ordonnance du 22 septembre 1998 du président du Tribunal administratif de Rennes, d'autre part, à la somme de 4 150 euros (quatre mille cent cinquante euros) par ordonnance du 7 juin 2004 du président de la Cour administrative d'appel de Nantes, sont mis à la charge du centre hospitalier de Vannes.
Article 4 : Le centre hospitalier de Vannes versera à M. et Mme X, une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes et des conclusions de leur requête, est rejeté.
Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier de Vannes tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à M. Yann X, à la caisse de mutualité sociale agricole du Morbihan, au centre hospitalier de Vannes et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
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