Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 21 mai 2004, présentée pour M. Abdelmoula X, demeurant ..., par Me Ifrah, avocat au barreau du Mans ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-792 du 5 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Mans à lui verser une somme de 83 846,96 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale consistant en une néphrectomie droite qu'il a subie le 28 février 1991 dans cet établissement ;
2°) à titre principal, de retenir la responsabilité du centre hospitalier du Mans pour faute grave dans l'exercice de ses fonctions commise par M. Y, chirurgien hospitalier et de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser une somme de 60 979,61 euros au titre de son préjudice physique, une somme de 15 244,90 euros au titre de son préjudice moral et une somme de 7 622,45 euros au titre de son préjudice d'agrément ;
3°) à titre subsidiaire, de constater à tout le moins une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise ;
5°) de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser une somme de 3 048 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 68 ;1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2006 :
- le rapport de M. Sire, rapporteur ;
- les observations de Me Flynn, substituant Me Salaün, avocat du centre hospitalier du Mans ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X interjette appel du jugement du 5 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Mans à lui verser une somme de 83 846,96 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale consistant en une néphrectomie droite qu'il a subie le 28 février 1991 dans cet établissement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : “Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public” ; qu'aux termes de l'article 2 de ladite loi : “La prescription est interrompue par : (…) Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (…) ; Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée” ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi, la prescription ne court pas “contre le créancier (…) qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement” ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 subordonnent l'interruption du délai de prescription qu'elles prévoient en cas de recours juridictionnel, à la mise en cause d'une personne publique ; qu'une plainte contre X, qui n'est pas expressément dirigée contre une personne publique ne peut interrompre, jusqu'à l'intervention d'une décision passée en force de chose jugée, la prescription d'une créance sur un établissement public hospitalier ; que, toutefois, le délai de prescription ne saurait avoir commencé à courir lorsque le titulaire de la créance ou ses ayants droit peuvent légitimement être regardés comme ignorant l'existence de celle-ci ;
Considérant que si M. X se prévaut d'une plainte contre X avec constitution de partie civile déposée le 24 janvier 1994, cette plainte, quant bien même elle comporterait la mention du centre hospitalier du Mans où l'intervention litigieuse a été pratiquée, ne pouvait, eu égard à sa nature même, être regardée comme étant dirigée, ni directement, ni expressément, contre cet établissement public hospitalier ; que, par suite, elle n'a pu interrompre le délai de prescription de la créance alléguée par l'intéressé à l'encontre de ce dernier ; qu'il résulte de l'instruction que M. X a été informé de l'existence éventuelle de sa créance à l'égard du centre hospitalier du Mans en prenant connaissance à la fin du mois de novembre 1996, des résultats de l'expertise ordonnée le 10 mai 1995 par le juge d'instruction près le Tribunal de grande instance du Mans ; que si le requérant fait valoir, en appel, que la date à laquelle ce rapport du 22 novembre 1996 lui a été notifié ne serait pas précisément connue, il ne conteste cependant pas avoir reçu ledit rapport à la fin du mois de novembre 1996 ; qu'ainsi, le délai de prescription quadriennale attaché à cette créance a commencé à courir à compter du premier jour de l'année suivante, soit le 1er janvier 1997, pour expirer le 31 décembre 2000 ; qu'il s'ensuit que la prescription quadriennale était opposable à M. X les 26 et 28 février 2001, dates auxquelles ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif, respectivement, sa demande en référé et sa demande indemnitaire, et le 1er mars 2001, date à laquelle il a saisi le directeur du centre hospitalier du Mans d'une demande préalable d'indemnisation ;
Considérant, il est vrai, que l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, issu de la loi susvisée du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a substitué une prescription décennale à la prescription quadriennale pour l'exercice des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale ; que, toutefois, si l'article 101 de la même loi a prévu que la prescription décennale serait immédiatement applicable aux instances en cours, en tant qu'elle est favorable aux victimes et à leurs ayants droit, cet article n'a pas eu pour effet, en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui mars étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date du 7 mars 2002 d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu'il résulte des développements qui précèdent, qu'à cette date, la prescription de la créance dont M. X invoque le bénéfice, était acquise depuis le 1er janvier 2001 ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la prescription décennale instituée par les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier du Mans à lui verser une somme de 83 846,96 euros en réparation des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale consistant en la néphrectomie droite qu'il subie le 28 février 1991 dans cet établissement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier du Mans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner M. X à verser au centre hospitalier du Mans la somme de 1 500 euros qu'il demande au titre desdits frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier du Mans tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelmoula X, au centre hospitalier du Mans, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe et au ministre de la santé et des solidarités.
N° 04NT00604
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