Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 avril 2003, présentée pour Mme Suzanne X, demeurant ..., par Me Duvail, avocat au barreau de Nantes ; Mme Suzanne X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 99-392 et 99-393 du 14 janvier 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1993, 1994 et 1995 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er juin 1992 au 31 mars 1996, ainsi que des intérêts et pénalités dont ils ont été assortis ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés au cours de la procédure contentieuse ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2006 :
- le rapport de Mme Michel, rapporteur ;
- les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans ses demandes introductives d'instance devant le Tribunal administratif de Nantes, Mme X a fait référence à ses réclamations préalables dont copie était jointe ; que ces réclamations préalables comportaient des moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés du caractère sommaire et radicalement vicié dans son principe de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue par le service et de ce que l'application de la pénalité pour mauvaise foi n'était pas justifiée ; que le jugement attaqué, qui ne répond pas à ces moyens, doit être en conséquence annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que Mme X, qui exploite un bar-hôtel-restaurant à La Bernerie-en- Retz (Loire-Atlantique) et organise des banquets et des soirées dansantes à Bouin (Vendée), ainsi que des thés dansants dans la salle des fêtes de La Bernerie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les bénéfices industriels et commerciaux des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 et sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la période du 1er juin 1992 au 31 mars 1996, à l'issue de laquelle le vérificateur a considéré que la comptabilité présentée par l'entreprise était irrégulière et non probante et a reconstitué les chiffres d'affaires et les résultats déclarés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour rejeter la comptabilité de Mme X au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996, l'administration s'est fondée sur l'absence de livre d'inventaire et de livre-journal, l'absence de journal de caisse, l'absence d'inventaire détaillé des stocks concernant l'exercice 1995 et l'absence de pièces détaillées de nature à justifier du montant des recettes du bar, du restaurant et de celles réalisées dans le cadre de l'organisation de banquet, ainsi que sur la constatation d'achats revendus négatifs, d'erreurs dans la valorisation des stocks et d'incohérences des soldes bancaires ; que le vérificateur était, par suite, fondé à regarder la comptabilité comme affectée de graves irrégularités et à procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires ;
Considérant que Mme X se prévaut, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative 4 G-3342 n° 12 du 15 mai 1993 aux termes de laquelle la démonstration par le contribuable de la valeur probante de sa comptabilité n'est soumise à aucune formalité et ne peut être rejetée globalement une comptabilité qui comporte des livres-journaux auxiliaires suffisamment détaillés, même si leurs mentions ne sont reprises au livre-journal que pour le montant des soldes mensuels, et qui comporte des inventaires régulièrement établis même en l'absence de livre d'inventaire ; que, toutefois, Mme X ne tenait pas de livre-journal et n'a présenté aucun inventaire détaillé des stocks au titre de l'exercice 1995 ; que, dès lors, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine qu'elle invoque ;
Considérant que l'administration s'étant conformée à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe au contribuable en application des dispositions de l'article L.192 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'activité du bar, le vérificateur a, s'agissant des liquides, déterminé les recettes de l'intégralité de la période vérifiée à partir du stock d'entrée établi sur la base de l'inventaire de clôture de l'exercice 1992 compte tenu des lacunes des inventaires des autres exercices, en retenant les achats de liquides pour chaque produit et un stock final établi contradictoirement avec le contribuable ; qu'il a déduit les bouteilles volées ; qu'en ce qui concerne le chiffre d'affaires relatif aux vins, aux kirs et aux bières, Mme X fait valoir que le vérificateur a retenu les tarifs de 1996 constatés au moment du contrôle et non les tarifs pratiqués lors de la période vérifiée ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que Mme X n'a présenté au vérificateur que la carte des tarifs de 1996 et qu'elle ne justifie pas des tarifs antérieurs pratiqués ;
Considérant que pour déterminer le chiffre d'affaires relatif aux eaux, le vérificateur a pris en compte les observations présentées au cours de la vérification et a pratiqué un abattement de 10 % sur les bouteilles d'eau Vittel d'un litre correspondant à la consommation du personnel, aux pertes et aux offerts ; que, dans la mesure où les eaux dites de source ne figuraient pas sur les cartes du bar et du restaurant, le vérificateur ne les a pas valorisées ; que Mme X n'établit pas la réalité et le montant de consommation d'eau de Vittel lors des banquets qu'elle organisait ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les recettes reconstituées relatives aux eaux devraient être diminuées à hauteur de 1 000 litres d'eau de Vittel consommée lors des banquets ;
Considérant que le vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires relatif aux repas ouvriers en appliquant la méthode dite des vins ; que Mme X soutient que la quantité de vin retenue pour cette reconstitution est excessive en contestant les quantités retenues pour la confection des kir, pour la cuisine et pour la consommation du personnel ; que, cependant, il est constant que la quantité de vin pour la confection d'un verre de Kir a été fixée à 10 centilitre sur les indications fournies pendant les opérations de contrôle par Mme X, qui n'apporte pas la preuve de ce que le dosage pratiqué était de 13 centilitre ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, un pourcentage de 20 % de consommation de vin en cuisine et par le personnel a été appliqué par le vérificateur dans la réponse aux observations ; que la preuve de ce que Mme X aurait subi un taux de pertes de 30 % ainsi qu'elle le soutient n'est pas rapportée ;
Considérant que pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la vente de cafés, il a été tenu compte des cafés inclus dans le chiffre d'affaires relatif à la pension, en retenant un dosage correspondant au double d'un café ordinaire, conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts ; que la requérante ne justifie pas qu'un dosage correspondant au triple d'un café devrait être retenu ;
Considérant que pour la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par l'activité du restaurant, le vérificateur a procédé en utilisant la méthode dite des vins à partir d'un échantillon de 2 030 factures de vente dont le dépouillement a révélé un rapport moyen liquide / solide sur la période vérifiée de 17,03 % ; que le chiffre d'affaires ainsi obtenu a été diminué de 25 %, afin de tenir compte des repas pris par les pensionnaires et inclus dans le prix de la pension ; que Mme X estime que cette proportion doit être portée à 58 % du prix de la pension complète ; que le pourcentage de 25 % est tiré de l'article 279 a du code général des impôts, qui prévoit une répartition de 75 % pour l'hébergement et de 25 % pour la restauration dans le cas des pensions pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la requérante n'établit pas que le pourcentage qu'elle propose correspond aux conditions de fonctionnement de son établissement ;
Considérant, enfin, que si Mme X soutient que l'administration a réparti arbitrairement sur les trois années 1993 à 1995 l'écart théorique de chiffre d'affaires calculé par le vérificateur, il résulte de l'instruction que la reconstitution a été réalisée sur l'intégralité de la période vérifiée, afin de gommer les lacunes des inventaires ; qu'à défaut d'autres éléments comptables, le service a réparti l'écart de chiffre d'affaires entre les quatre exercices en fonction du chiffre d'affaires déclaré ;
Considérant qu'il suit de là, que la requérante, qui ne propose, par ailleurs, aucun autre mode de reconstitution de ses recettes, ne saurait être regardée comme démontrant le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue, laquelle tient compte des données propres à l'entreprise vérifiée, dans toute la mesure où elles ont pu être connues du service ;
Sur les pénalités exclusives de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts :
Considérant que les anomalies relevées par le vérificateur dans la comptabilité de Mme X, qui a mis en évidence l'importance et le caractère habituel des recettes dissimulées grâce à ces anomalies, traduisent en l'espèce la volonté délibérée de la part du contribuable d'éluder une partie de l'impôt ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve de la mauvaise foi de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander la décharge des impositions en litige ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 14 janvier 2003 est annulé.
Article 2 : Les demandes de Mme X présentées devant le Tribunal et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Suzanne X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 03NT00524
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