Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 31 octobre 2005, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Chabbia, avocat au barreau de Rennes ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 02-2561 du 15 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Locminé (Morbihan) à leur verser une indemnité de 7 000 euros qu'ils estiment insuffisante en réparation du préjudice résultant pour eux de la proximité de la salle des fêtes communale ;
2°) de condamner ladite commune à leur verser une somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 19 654 euros en raison de la présence et du fonctionnement de l'ouvrage, ainsi que les intérêts au taux légal desdites sommes ;
3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire a refusé d'entreprendre des travaux d'insonorisation de la salle des fêtes et de réglementer la circulation et le stationnement nocturne des véhicules aux abords de la salle des fêtes ;
4°) d'enjoindre à la commune de prendre les mesures susmentionnées sous astreinte de 760 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de condamner la commune de Locminé à leur verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2006 :
- le rapport de Mme Tholliez, rapporteur ;
- les observations de Me Collet, substituant Me Bois, avocat de la commune de Locminé ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 15 septembre 2005, le Tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Locminé (Morbihan) à verser à M. et Mme X une indemnité de 7 000 euros, qu'ils estiment insuffisante, en réparation du préjudice résultant des nuisances sonores entraînées par le fonctionnement de la salle des fêtes communale située à proximité de leur domicile ; que M. et Mme X interjettent appel de ce jugement et demandent à la Cour, d'une part, de condamner ladite commune à leur verser une indemnité de 19 654 euros, en réparation du préjudice que leur occasionnent la présence et le fonctionnement dudit ouvrage public ainsi qu'une indemnité de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts, d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a refusé d'entreprendre les travaux d'insonorisation de la salle des fêtes et de réglementer la circulation et le stationnement des véhicules aux abords de ladite salle, enfin, d'enjoindre à la commune de prendre les mesures susmentionnées sous astreinte de 760 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'à l'appui de leurs conclusions les intéressés recherchent la responsabilité de la commune de Locminé sur le fondement des dommages de travaux publics et, subsidiairement, sur celui de la faute commise par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de police ;
Sur la responsabilité pour dommages de travaux publics :
Considérant qu'eu égard à la très faible distance séparant la maison de M. et Mme X de la salle des fêtes communale et à l'absence d'insonorisation de cet ouvrage qui le rend impropre à sa destination, les époux X subissent des nuisances sonores importantes causées lors des manifestations diverses qui s'y produisent, notamment, en fin de semaine où la salle est utilisée pour des soirées récréatives ou dansantes qui s'achèvent à des heures tardives ; qu'il n'est cependant pas contesté que les époux X étant venus s'installer à proximité de cet édifice après son ouverture au public en 1964, ils ne pouvaient ignorer les risques de nuisances sonores auxquelles ils s'exposaient ; que, dans ces conditions, les intéressés ne sont pas fondés à demander l'indemnisation des troubles qu'ils subissent sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics ;
Sur la responsabilité pour faute de la commune de Locminé :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : “La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 2°) Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (…) les bruits, y compris de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique” ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X, dont l'habitation est située à une dizaine de mètres de la salle des fêtes communale se sont plaints, dès 1993, des nuisances sonores provoquées tant par les manifestations et activités diverses organisées en fin de soirées lors des week-ends, que par le va-et-vient incessant des véhicules des participants à ces activités récréatives ; qu'en dépit de leurs nombreuses démarches de sensibilisation auprès des autorités, de dépôts de plaintes, ainsi que d'un rapport établi en mai-juin 2000 par la direction départementale des affaires sanitaires concluant à l'existence d'une gêne certaine causée aux intéressés par ces diverses manifestations, l'autorité municipale s'est bornée à obtenir du conseil municipal qu'il se prononce par délibération du 31 août 2001 sur l'établissement d'un règlement d'utilisation de la salle des fêtes, à fixer à une heure du matin la fermeture de la salle et à prendre, au cours de l'année 2002, deux arrêtés de police limitant le stationnement aux abords de l'ouvrage ; que ces seules mesures n'ayant pu, en l'absence de la réalisation des travaux d'insonorisation de ce bâtiment public préconisés par l'étude acoustique réalisée en décembre 2000, porter remède aux nuisances subies par les époux X dont il n'est pas contesté que l'état de santé de leur fille mineure exige un environnement calme, le maire de Locminé doit être regardé comme n'ayant pas fait un usage de ses pouvoirs de police dans des conditions permettant de mettre fin aux atteintes portées à la sécurité et à la salubrité publiques par le fonctionnement de ladite salle des fêtes communale ; que la faute ainsi commise est de nature à engager la responsabilité de la commune de Locminé envers M. et Mme X ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'en allouant une indemnité de 7 000 euros au titre des troubles subis par les intéressés dans leurs conditions d'existence, les premiers juges n'en ont pas fait une inexacte appréciation ; qu'en outre, eu égard à l'intensité de la gêne subie par les intéressés du fait des nuisances entraînées par le fonctionnement de la salle des fêtes communale, ces derniers sont fondés à solliciter l'allocation d'une somme de 19 654 euros, représentative du coût justifié et non contesté des travaux d'isolation phonique de leur habitation ;
Sur la légalité de la décision implicite de refus du maire de Locminé de procéder aux travaux d'isolation phonique de la salle des fêtes communale et de prendre des mesures de police appropriées :
Considérant, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les nuisances sonores provoquées par les manifestations et réunions nocturnes organisées dans la salle des fêtes communale occasionnent une gêne importante aux intéressés, de nature à troubler leur repos et leur tranquillité au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, ces derniers sont fondés à soutenir que la décision implicite par laquelle le maire de Locminé a refusé de réaliser les travaux d'isolation phonique de cet ouvrage public et de prendre les mesures de police propres à faire cesser les troubles résultant du fonctionnement dudit ouvrage est entachée d'illégalité et doit, par suite, être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonctions :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : “Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution” ;
Considérant qu'eu égard aux graves nuisances sonores causées par les manifestations organisées dans la salle des fêtes de Locminé, il y a lieu de mettre en demeure la commune de faire procéder, après expertise dont il sera justifié auprès de la Cour, dans un délai maximal de six mois, aux travaux d'insonorisation de ladite salle et d'enjoindre au maire de la commune de prendre toutes mesures appropriées à telle fin que le stationnement nocturne des véhicules aux abords de la salle des fêtes communale ne puisse entraîner une gêne pour les riverains ; qu'il y a lieu, en outre, d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 300 euros par jour de retard à partir de l'expiration dudit délai de six mois courant à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à la commune de Locminé la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la commune de Locminé à verser une somme de 1 500 euros à M. et Mme X au titre des frais de même nature qu'ils ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 7 000 euros (sept mille euros) que la commune de Locminé a été condamnée à verser à M. et Mme X par le jugement du 15 septembre 2005 du Tribunal administratif de Rennes est portée à la somme totale de 26 654 euros (vingt six mille six cent cinquante quatre euros).
Article 2 : La décision implicite du maire de Locminé refusant de réaliser les travaux d'isolation phonique de la salle des fêtes communale et de prendre les mesures de police appropriées pour faire cesser les troubles résultant du fonctionnement de cet ouvrage public est annulée.
Article 3 : Le jugement du 15 septembre 2005 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint à la commune de Locminé de faire procéder, après expertise dont il sera justifié auprès de la Cour, dans un délai maximal de six mois, aux travaux d'insonorisation phonique de la salle des fêtes et au maire de la commune de prendre toutes mesures de police appropriées à telle fin que le stationnement nocturne des véhicules aux abords de ladite salle ne constitue pas une gêne pour les riverains. Ces injonctions sont assorties d'une astreinte de 300 euros (trois cents euros) par jour de retard à partir de l'expiration dudit délai de six mois courant à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : La commune de Locminé versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) aux époux X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête des époux X est rejeté.
Article 7 : Les conclusions de la commune de Locminé tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à la commune de Locminé (Morbihan) et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
N° 05NT01731
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