Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 août 2003, présentée pour la SA TFC, dont le siège est ..., par Me Pizzorno, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la SA TFC demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1049 en date du 22 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déductible incluse dans le montant des péages autoroutiers qui lui ont été facturés depuis le 1er janvier 1996 jusqu'au 31 décembre 2000 soit 247 326,12 euros ;
2°) de lui accorder la restitution demandée majorée des intérêts de retard au taux légal ;
3°) de condamner l'Etat à lui rembourser, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, les frais exposés pour sa défense dont il sera justifié en temps utile ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, et la décision C-276/97 du 12 septembre 2000 de la Cour de justice des Communautés européennes ;
Vu la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment le I et le VII de son article 2 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2006 :
- le rapport de M. Grangé, rapporteur ;
- les observations de Me Pizzorno, avocat de la société TRADIMAR CAEN ;
- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SA TFC, aux droits de laquelle se sont substituées en cours d'instance la société FRIGAZUR puis la société TRADIMAR CAEN, et qui exerce une activité de transports routiers, demande la restitution d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 247 326,12 euros correspondant aux droits à déduction qu'elle soutient avoir détenus au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 à raison des péages d'autoroute qu'elle a supportés ;
Considérant que les dispositions des articles 266-1-h et 273 ter du code général des impôts, en vigueur jusqu'à leur abrogation par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000, prévoyaient un régime spécifique de taxe sur la valeur ajoutée consistant à imposer les concessionnaires d'autoroutes sur la seule fraction des péages conservée en rémunération des prestations de construction et de gestion des autoroutes rendues à l'Etat et, corrélativement, à interdire la déduction par ces concessionnaires de la taxe afférente aux travaux de construction et aux grosses réparations des ouvrages concédés ; que ces dispositions n'étaient pas conformes aux objectifs des articles 2 et 4 de la sixième directive du 17 mai 1977, desquels il résulte que les péages perçus par les sociétés concessionnaires d'autoroutes constituent la contrepartie directe des prestations fournies par ces sociétés aux usagers de ces ouvrages et doivent être regardés non pas comme des recettes fiscales, mais comme le prix d'une prestation de services soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter l'application des dispositions des articles 266-1-h et 273 ter du code général des impôts pendant la période antérieure au 1er janvier 2001 ; qu'il suit de là que les péages perçus durant cette période par les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les dispositions du VII de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2000, qui doivent être interprétées d'une manière compatible avec les dispositions des articles 2 et 4 de la sixième directive, ne sauraient faire obstacle à l'assujettissement des péages à la taxe du seul fait que les sociétés concessionnaires d'autoroutes n'avaient pas obtenu, à leur demande, un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions de la loi du 30 décembre 2000 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : “1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable” ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les péages versés aux sociétés concessionnaires d'autoroutes avant le 1er janvier 2001 doivent être regardés comme ayant été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, les dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts ouvrent aux transporteurs routiers assujettis à cette taxe le droit de déduire, sous réserve des conditions relatives à l'exercice du droit à déduction et tenant notamment à la détention de factures, la taxe exigible au titre de ces péages, dont le montant doit être déterminé dans les conditions prévues aux articles 266 et suivants du même code, desquels il résulte que l'assiette imposable est constituée du prix de ces péages, diminué de la taxe exigible ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la circonstance que la taxe sur la valeur ajoutée n'aurait pas été acquittée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes au titre des péages perçus avant le 1er janvier 2001 ne saurait faire obstacle à l'exercice du droit à déduction, qui est subordonné par les dispositions précitées du 2 de l'article 271 du code général des impôts à l'exigibilité de la taxe, et non à son versement effectif par le redevable ;
Considérant que les articles 18, paragraphe 1, a) et 22, paragraphe 3, a) et b), de la sixième directive du 17 mai 1977 permettent aux États membres de subordonner l'exercice du droit à déduction à la détention d'une facture contenant obligatoirement certaines mentions nécessaires pour assurer la perception de la taxe sur la valeur ajoutée et son contrôle par l'administration fiscale, à condition que ces mentions ne rendent pas, par leur nombre ou leur technicité, pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à déduction, mais devant comporter nécessairement le prix hors taxe et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en vertu de l'article 271-II du code général des impôts la taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, et la déduction ne peut être opérée si les entreprises ne sont pas en possession desdites factures ; qu'en vertu de l'article 289 du même code, pris pour la transposition de l'article 22-3 de la sixième directive du 17 mai 1977, tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les biens livrés ou les services rendus à un autre assujetti, et la facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître notamment le total hors taxes et la taxe correspondante mentionnée distinctement ;
Considérant que l'incompatibilité avec la sixième directive des dispositions législatives en vigueur antérieurement au 1er janvier 2001 ne peut, par elle-même, dispenser la société requérante de produire, à l'appui de sa demande de restitution, des factures délivrées à son nom par les sociétés concessionnaires, ou des documents tenant lieu de factures comportant la mention minimale des prix hors taxe et du montant de la taxe correspondante ; que les états établis par la société requérante elle-même ne peuvent être regardés comme des documents tenant lieu de factures, alors même qu'ils reconstituent, à partir des péages acquittés, et d'ailleurs globalement, les prix hors taxe et le montant de la taxe ; que si l'administration admet, à titre de règle pratique, que les assujettis concernés n'aient à fournir qu'un bordereau récapitulatif comportant les mentions obligatoires exigées pour les factures rectificatives, contresigné par le concessionnaire concerné, il est constant que les récapitulatifs produits par la société requérante ne correspondent pas à ces exigences ; qu'il suit de là que l'administration était fondée à rejeter la demande de remboursement ;
Considérant, toutefois, que la société requérante soutient que les obstacles opposés par les sociétés concessionnaires d'autoroute à la délivrance de factures rectificatives rendraient pratiquement impossible ou excessivement difficile la satisfaction des exigences susmentionnées relatives auxdites factures ou aux documents en tenant lieu et que, dans ces circonstances, le maintien de ces exigences comme condition de l'exercice du droit à déduction porterait atteinte au principe de neutralité de la taxe et au principe de confiance légitime ;
Considérant que si la société requérante fait état d'instances engagées devant les tribunaux de commerce aux fins de contraindre les sociétés concessionnaires d'autoroute à délivrer des factures rectificatives susceptibles de satisfaire aux exigences, la Cour ne trouve pas au dossier les éléments lui permettant d'apprécier les démarches effectivement entreprises par la société requérante et de se prononcer sur l'impossibilité alléguée ; qu'il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction aux fins, pour la société requérante, contradictoirement avec l'administration, de produire, dans un délai de six mois suivant la notification du présent arrêt, toute justification relative aux éléments ci-dessus indiqués ;
DÉCIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société TRADIMAR CAEN, il sera procédé à un supplément d'instruction contradictoire aux fins énoncées dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à la société TRADIMAR CAEN un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour satisfaire à la mesure d'instruction résultant de l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société TRADIMAR CAEN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 03NT01256
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