La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/04/2007 | FRANCE | N°04NT00962

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 avril 2007, 04NT00962


Vu, I, sous le n° 04NT00962, la requête, enregistrée le 29 juillet 2004, présentée pour la société HERMOUET, dont le siège est 9 rue de la Croix des Vignes, BP 7 à Beaulieu-sous-la-Roche (85190), par Me Montenot ; La société HERMOUET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-3032 du 29 juin 2004 du Tribunal administratif de Nantes en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 8 268 767 F (1 260 565 euros) en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'impossibilité pour elle de procéder aux

importations parallèles de produits phytosanitaires à compter de 1996 ;
...

Vu, I, sous le n° 04NT00962, la requête, enregistrée le 29 juillet 2004, présentée pour la société HERMOUET, dont le siège est 9 rue de la Croix des Vignes, BP 7 à Beaulieu-sous-la-Roche (85190), par Me Montenot ; La société HERMOUET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-3032 du 29 juin 2004 du Tribunal administratif de Nantes en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 8 268 767 F (1 260 565 euros) en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'impossibilité pour elle de procéder aux importations parallèles de produits phytosanitaires à compter de 1996 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 260 565 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 1999 et des intérêts des intérêts à compter du 30 décembre 2000, en réparation du préjudice que lui a causé le maintien, en matière d'importations parallèles de produits phytosanitaires, d'exigences contraires au droit communautaire, ainsi qu'une somme de 17 531 euros au titre des frais engagés à l'occasion de la plainte déposée contre la France devant la Commission européenne ;

3°) à titre subsidiaire, si la Cour ne s'estimait pas suffisamment informée, d'ordonner une expertise comptable afin de fournir à la Cour toutes les informations lui permettant d'évaluer le préjudice dont elle demande réparation ;

4°) à titre subsidiaire, si la Cour estimait que le système judiciaire français ne permet pas en l'état de la jurisprudence d'indemniser le manque à gagner sur des contrats ou sur un courant d'affaires dont la réalisation a été empêchée du fait d'un comportement fautif de l'Etat, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes, dans le cadre de l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 7 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu, II, sous le n° 04NT00969, la requête, enregistrée le 2 août 2004, présentée pour la société HERMOUET, dont le siège est 9 rue de la Croix des Vignes, BP 7 à Beaulieu-sous-la-Roche (85190), par Me Montenot ; La société HERMOUET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-3033 du 29 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme principale de 8 268 767 F (1 260 565 euros) en réparation des conséquences dommageables de l'action des agents relevant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de celle des agents relevant de la direction générale des impôts (DGI) ;

2°) de recevoir son appel et de le joindre à la requête engagée contre le jugement n° 00-3032 rendu le même jour ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la directive n° 91/414 du 15 juillet 1991 du Conseil des Communautés européennes concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, modifiée ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2006 :

- le rapport de M. Gualeni, rapporteur ;

- les observations de Me Montenot, avocat de la société HERMOUET ;

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 04NT00962 et n° 04NT00969 de la société HERMOUET tendent à la réparation d'un même préjudice ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 04NT00969 :

Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que, devant le Tribunal administratif de Nantes, la société HERMOUET fondait la mise en cause de la responsabilité des services de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les fautes résultant de la notification de redressements de droits de taxe sur la valeur ajoutée aux importateurs et aux distributeurs de produits phytosanitaires et de la mise en oeuvre d'enquêtes suivies de poursuites pénales à l'encontre de ces derniers ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'elle soutient, les premiers juges ne se sont pas mépris sur la portée des conclusions dont ils étaient saisis en rejetant la demande de la société HERMOUET au motif, en premier lieu, que l'action des agents de la DGCCRF s'inscrivant dans le cadre d'opérations de police judiciaire, il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître de l'action en responsabilité fondée sur les conséquences dommageables de telles opérations, en deuxième lieu, que les agents de la DGI, qui ont procédés aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'ont pas commis de faute lourde, enfin, que les contrôles fiscaux ainsi engagés n'ont pas contribué à la réalisation des dommages dont elle demande réparation ; que le Tribunal ayant statué sur les conclusions dont il était saisi, sans se méprendre sur leur portée, et la société HERMOUET se bornant à demander l'annulation du jugement n° 00-3033 du 29 juin 2004 sans reprendre les conclusions qu'elle a présentées devant le Tribunal administratif, sa requête ne peut qu'être rejetée ;

Sur la requête n° 04NT00962 ;

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 du Traité instituant la Communauté européenne : Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres ; que, selon l'article 30 du même Traité : Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation (…) justifiées par des raisons (…) de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux (…). Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres. ;

Considérant qu'il est constant qu'en méconnaissance des dispositions précitées du Traité instituant la Communauté européenne, les autorités françaises ont, jusqu'au mois d'août 1999, subordonné la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques importés, autorisés dans l'Etat membre d'origine, et dont les substances actives, les formules et les effets seraient identiques à ceux d'autres produits déjà homologués en France, à une autorisation délivrée selon des exigences équivalentes à celles requises pour la première commercialisation d'un tel produit, sans que cette exigence soit justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux mais en raison d'une prétendue illégalité de telles importations ; que la position prise et maintenue par les autorités françaises en dépit tant de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes qui admet la licéité de telles importations que des observations formulées par la Commission et des démarches des importateurs et distributeurs de produits importés dans ce cadre, a eu pour effet de rendre, en pratique, particulièrement difficile voir impossible l'importation parallèle de produits phytopharmaceutiques d'autant que les importateurs s'exposaient à des poursuites pénales de la part des services de la DGCCRF ou des poursuites en concurrence déloyale de la part des fabricants de produits ; qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Nantes la méconnaissance caractérisée des dispositions de l'article 28 du Traité instituant la Communauté européenne par l'Etat français constitue une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société HERMOUET ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 17 531 euros au titre de frais de rédaction et de suivi d'une plainte déposée auprès de la Commission européenne à l'encontre de la France, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que la société requérante n'importait ni le produit Lambda C dont il n'est pas contesté qu'il a été disponible sur le marché au cours de l'année 1995, ni celui commercialisé sous le nom Amistar, disponible à compter de l'année 1997, ne saurait faire obstacle en soi à l'indemnisation du manque à gagner résultant pour la société HERMOUET de l'impossibilité de commercialiser ces produits au cours des années 1996 et suivantes en raison des obstacles mis par l'administration française aux importations parallèles des produits phytopharmaceutiques jusqu'au cours de l'année 1999 ; que la société requérante qui soutient, sans être contredite, que ces produits ont rencontré un très vif succès commercial, doit être regardée comme établissant la réalité de la perte de chance de les commercialiser au cours des années 1996 à 1999, s'agissant du Lambda C et de 1998 à 1999, s'agissant de l'Amistar, que, toutefois, compte tenu de l'incertitude pesant sur les quantités que ladite société aurait été en mesure de commercialiser, sur le prix qu'elle aurait pu pratiquer et sur la marge appliquée à ces produits et de ce que la société n'établit pas la réalité de la perte de chance de commercialiser ces produits au cours de l'année 2000, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 100 000 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante demande également réparation du préjudice résultant de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de se fournir sur le marché français du fait de l'impossibilité de procéder à des importations parallèles de produits qu'elle commercialisait, en faisant valoir que ces achats ont été effectués à des prix plus élevés que ceux qu'elle obtenait dans le cadre d'importations parallèles et qu'elle a été contrainte de réduire sa marge pour être en mesure de proposer ces produits à un prix compétitif ; que, toutefois, les éléments du dossier, en dépit des précisions apportées en appel par la société requérante, ne permettent pas d'évaluer ce chef de préjudice ; qu'il y a lieu, par suite, avant de statuer sur ces conclusions, d'ordonner une expertise confiée à un expert qui pourra, en tant que de besoin se faire assister d'un sapiteur, afin d'évaluer le manque à gagner subi par la société requérante du fait de l'obligation pour celle-ci d'effectuer ses achats de produits phytosanitaires de 1996 à 1999 sur le marché français, compte tenu notamment des prix pratiqués sur ce marché et sur celui des importations parallèles pour les produits effectivement commercialisés au cours de cette période par la société, de la marge appliquée par la société requérante selon le marché sur lequel les produits sont achetés au vu de ses documents comptables, des possibilités d'importer les produits achetés sur le marché français, de l'évolution générale des ventes des produits phytosanitaires au cours de cette période et à partir de l'année 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que la société HERMOUET, est fondée, dans les limites ci-dessus définies, et sous réserve des droits et moyens des parties sur lesquelles il n'est pas statué par le présent arrêt, à demander la réformation du jugement n° 00-3032 du 29 juin 2004 du Tribunal administratif de Nantes ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter la requête de la société HERMOUET enregistrée sout le n° 04NT00969 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 04NT00969 de la société HERMOUET est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 02-3032 du 29 juin 2004 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la société HERMOUET une somme de 100 000 euros (cent mille euros) en réparation de la perte de chance pour cette société de procéder à l'importation parallèle des produits Lambda C et Amistar.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la société HERMOUET tendant à la réparation des conséquences dommageables de l'obligation de se fournir en produits phytosanitaires sur le marché français de 1996 à 1999, procédé à une expertise.

Article 5 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira la mission telles que définie par le présent arrêt, dans les conditions prévues par les articles R.621-1 à R.621-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquelles il n'est pas statué sur le présent arrêt sont réservés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société HERMOUET, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

1

Nos 04NT00962…

5

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 04NT00962
Date de la décision : 10/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CADENAT
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : MONTENOT ; MONTENOT ; MONTENOT ; MONTENOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-04-10;04nt00962 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award