Vu la requête enregistrée le 28 février 2006, présentée pour l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET, représentée par son président en exercice, dont le siège est au lieudit “Grillemont” à Segrié (72170), par Me Moutel, avocat au barreau du Mans ; l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-2747 du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2001 par lequel le préfet de la Sarthe a autorisé la société d'exploitation de l'usine de Segrié (SEUS) à exploiter une usine de broyage et de compostage d'ordures ménagères et un centre d'enfouissement technique sur le territoire de la commune de Segrié ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe d'ordonner la fermeture de l'établissement concerné ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2007 :
- le rapport de M. François, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 15 décembre 2005, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2001 par lequel le préfet de la Sarthe a autorisé la société d'exploitation de l'usine de Segrié à exploiter une usine de broyage et de compostage d'ordures ménagères et un centre d'enfouissement technique de refus de compostage sur le territoire de la commune de Segrié ; que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET interjette appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET, à l'appui des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 mai 2001, a soulevé le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact et de dangers au regard des prescriptions de l'article 3 du décret susvisé du 21 septembre 1977 ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué, que le tribunal administratif a omis d'examiner ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, ledit jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 mai 2001 présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur la légalité de l'arrêté du 30 mai 2001 du préfet de la Sarthe :
En ce qui concerne l'enquête publique :
Considérant, en premier lieu, que la demande d'autorisation d'exploiter une usine de broyage et de compostage d'ordures ménagères et un centre d'enfouissement technique de refus de compostage sur le territoire de la commune de Segrié, présentée par la société d'exploitation de l'usine de Segrié, a été soumise à une enquête publique qui s'est déroulée du 18 septembre au 20 octobre 2000, soit pendant 33 jours consécutifs ; que la circonstance que le dossier d'enquête n'aurait pu être consulté pendant une journée est sans influence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que les intéressés auraient été privés de la possibilité de consulter le dossier complet et de faire valoir leurs observations dans le délai d'enquête imparti, lequel a été supérieur au délai minimal d'un mois prescrit par l'article L. 123-7 du code de l'environnement ; que, par suite, les dispositions de l'article 5 du décret du 21 septembre 1977 susvisé n'ont pas été méconnues ;
Considérant, en second lieu, que l'étude d'impact et de dangers jointe par le pétitionnaire à sa demande, conformément à l'article 3 du décret du 21 septembre 1977 susvisé, précise les moyens d'intervention susceptibles d'être mis en oeuvre pour combattre les risques d'incendie, répertoriés comme principale source de dangers, rappelle que les lixiviats, traités par lagunage, sont contrôlés en permanence afin d'éviter toute infiltration dans les eaux souterraines, indique que la production de biogaz émise par l'installation est très faible en raison du choix de la technique dite de “séparation des matières”, et énumère les mesures prises pour limiter les nuisances sonores ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact et de dangers doit être écarté ;
En ce qui concerne les garanties financières :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 516-1 du code de l'environnement : “La mise en activité (…) des installations de stockage de déchets est subordonnée à la constitution de garanties financières (…)” ; que l'article 23-3 du décret du 21 septembre 1977 susvisé dispose que “L'arrêté d'autorisation fixe le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant. Dès la mise en activité de l'installation, l'exploitant transmet au préfet un document attestant la constitution des garanties financières. (…) Le montant des garanties financières est établi d'après les indications de l'exploitant et compte tenu du coût des opérations suivantes, telles qu'elles sont indiquées dans l'arrêté d'autorisation : 1° Pour les installations de stockage de déchets : a) Surveillance du site ; b) Interventions en cas d'accident ou de pollution ; c) Remise en état du site après exploitation.” ;
Considérant que l'arrêté contesté précise dans un tableau annexé, établi d'après les données fournies par la société exploitante, le montant des garanties financières renouvelables correspondant aux opérations respectives de surveillance du site, d'interventions en cas d'accident et de remise en état du site pendant son exploitation, lesquelles sont étendues à une période de 30 ans après l'exploitation ; que les montants prévisionnels retenus s'échelonnent de 116 000 à 360 000 euros par an ; que l'indexation desdits montants sur le coût de la construction est prévue par l'article 40 de l'arrêté préfectoral, ainsi que la possibilité de révision de ces montants, par voie d'arrêté complémentaire, en cas d'événements susceptibles d'intervenir en cours d'exploitation ; qu'il n'est pas contesté qu'un acte de cautionnement solidaire portant sur les garanties financières a été signé le 18 juillet 2001 entre la société d'exploitation de l'usine de Segrié et le groupement bancaire Natexis-Banques Populaires ; que si l'association requérante allègue que les montants proposés par la société pétitionnaire et repris dans l'arrêté critiqué ne correspondent pas à la réalité financière du risque à assurer, elle n'assortit cette allégation d'aucun élément précis et circonstancié permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que les montants retenus dans le tableau annexé à l'arrêté du 30 mai 2001 ne sont pas affectés par la répétition dans ledit tableau de certains chiffres ; que la circonstance que le tableau des garanties financières figurant au dossier de l'enquête publique ait comporté certaines indications chiffrées différentes de celles du tableau annexé à l'arrêté préfectoral, n'est pas, par elle-même, de nature à établir la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 23-3 susvisé ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré des vices et imprécisions affectant les garanties financières doit être écarté ;
En ce qui concerne l'erreur d'appréciation :
Considérant que l'exploitation de l'installation dans sa configuration actuelle a commencé en 1991 ; que l'arrêté contesté du 30 mai 2001 est donc intervenu en régularisation ;
Considérant, d'une part, que l'article 32 dudit arrêté prévoit les modalités selon lesquelles l'exploitant doit procéder au contrôle des eaux superficielles ; que ces eaux bénéficient d'un système d'épuration et d'un plan de surveillance ; que le rapport établi en 2000 par un bureau d'études spécialisé n'a constaté qu'un faible impact desdites eaux sur le ruisseau traversant le site ; qu'ainsi, les dispositions de l'arrêté préfectoral relatives aux eaux superficielles ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation ; que, d'autre part, l'article 33 de ce même arrêté prescrit le contrôle régulier des eaux souterraines à l'aide de trois piézomètres ; qu'il ne résulte pas des captages régulièrement réalisés que ces eaux soient polluées par les émanations de la décharge ; que, toutefois, eu égard aux incertitudes sur la fiabilité des piézomètres déjà posés, mises en évidence, tant par l'inspecteur des installations classées, que par un bureau d'études spécialisé, il y a lieu de compléter ledit article 33 en imposant la pose de deux piézomètres supplémentaires, l'un à l'aval et l'autre à l'amont du site ;
Considérant que si l'article 20 de l'arrêté litigieux limite à une émergence de 5 décibels le bruit émis par l'usine pour la période allant de 6 heures à 22 heures, et à 3 décibels pour la période allant de 22 heures à 6 heures, conformément à l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997 susvisé, les études conduites lors du fonctionnement antérieur de l'installation ont conclu à l'émergence de valeurs atteignant 5,5 décibels au droit du hameau dénommé “Le Monteau” ; que, par suite, il y a lieu de prescrire la réalisation, dans un délai de six mois, au droit dudit hameau, d'un dispositif anti-bruit permettant le respect des valeurs prescrites par les dispositions réglementaires applicables, lequel sera soumis à l'approbation préalable de l'administration ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 15 décembre 2005 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Le premier alinéa de l'article 33 de l'arrêté du 30 mai 2001 du préfet de la Sarthe est ainsi modifié : “Cinq piézomètres seront installés sur le site, dont deux à l'amont, et deux à l'aval de la décharge pour assurer une mesure efficace de la qualité des eaux souterraines”.
Article 3 : L'article 20 de l'arrêté du 30 mai 2001 du préfet de la Sarthe est ainsi complété : “un dispositif spécifique permettant de respecter les seuils d'émergence ci-dessus fixés, tel un mur anti-bruit ou tout autre dispositif technique adapté ayant recueilli l'accord préalable de l'administration, sera installé au droit du hameau du Monteau”.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES RIVERAINS DE MONTCRUCHET, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables et à la société d'exploitation de l'usine de Segrié.
Une copie en sera, en outre, adressée au préfet de la Sarthe.
N° 06NT00544
2
1
3
1