Vu, I, sous le n° 03NT00920, la requête, enregistrée le 16 juin 2003, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me de Mézerac, avocat au barreau de Caen ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1136 du 8 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Caen a, sur la demande de M. Alain Y, annulé l'arrêté du préfet du Calvados du 18 juillet 2002 refusant à celui-ci l'autorisation d'exploiter une surface de 7 ha 76 a sur le territoire de la commune de Saint-Georges-d'Aunay ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;
3°) de rejeter la demande de M. Y devant le Tribunal administratif de Caen ;
4°) de condamner M. Y à leur verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, sous le n° 06NT02087, la requête, enregistrée le 15 décembre 2006, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me de Mézerac, avocat au barreau de Caen ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 03-1666 du 19 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 12 septembre 2003 autorisant M. Alain Z à exploiter une surface de 7 ha 76 a sur le territoire de la commune de Saint Georges d'Aunay ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2007 :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées nos 03NT00920 et 06NT02087 sont relatives à des autorisations d'exploiter portant sur les mêmes terres ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que, par arrêté du 18 juillet 2002, le préfet du Calvados a refusé à M. Y l'autorisation d'exploiter une surface de 7 ha 76 a dont il est propriétaire sur le territoire de la commune de Saint-Georges-d'Aunay et qui étaient à cette date mises en valeur par M. et Mme X ; que, par jugement du 8 avril 2003, le Tribunal administratif de Caen a, sur la demande de M. Y, annulé cet arrêté ; que le préfet du Calvados a alors, par arrêté du 12 septembre 2003, autorisé M. Y à exploiter les parcelles litigieuses ; que, par jugement du 19 octobre 2006, le Tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. et Mme X tendant à l'annulation de ce dernier arrêté ; qu'ils relèvent appel de ces deux jugements ;
Sur la requête n° 03NT00920 :
Considérant qu'en délivrant à M. Y, par arrêté du 12 septembre 2003, l'autorisation d'exploiter qu'il lui avait été refusée par arrêté du 18 juillet 2002, le préfet du Calvados n'a pas retiré cette première décision mais s'est borné à statuer sur une nouvelle demande présentée par l'intéressé en tirant les conséquences du jugement du 8 avril 2003 du Tribunal administratif de Caen qui avait prononcé l'annulation de cet arrêté ; qu'au demeurant, M. et MmeX relèvent appel, par la requête n° 06NT02087, du jugement de ce tribunal du 19 octobre 2006 rejetant leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2003 ; qu'ainsi, cette décision n'est pas devenue définitive ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture et de la pêche, la requête n° 03NT00920 de M. et Mme X dirigée contre le jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 avril 2003 n'est pas devenue sans objet ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural : Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1º Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (...) 3º Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : (...) b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant. Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (...) ; qu'aux termes de l'article R. 331-1 du même code : Satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie à la date de l'opération : 1° Soit de la possession d'un diplôme ou certificat d'un niveau reconnu équivalent au brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) ou au brevet professionnel agricole (BPA) ; 2° Soit de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface au moins égale à la moitié de l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, en qualité d'exploitant, d'aide familial d'associé d'exploitation, de salarié agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L. 321-5. Cette durée est réduite à trois ans pour les titulaires du brevet d'apprentissage agricole (BAA) ou d'un diplôme reconnu équivalent. La durée d'expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l'opération en cause. ;
Considérant que si le projet d'installation de M. Y ne porte pas sur une surface excédant le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures, il est constant qu'il ne possède aucun des diplômes ou certificats énoncés au 1° de l'article R. 331-1 du code rural ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que l'expérience professionnelle de dix ans dont il fait état n'a été acquise que sur la parcelle dont il est propriétaire, dont la surface de 7 ha 70 a est inférieure à la moitié de l'unité de référence définie par le schéma directeur départemental des structures agricoles du Calvados, fixée à 45 ha dans le bocage où elle se situe ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'il soutenait devant le Tribunal administratif de Caen, sa demande présentée en qualité d'exploitant pluriactif était soumise à autorisation préalable du préfet du Calvados ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural : L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs (...) / En outre, il vise : / - soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; (...) - soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient. ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles, applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; (...) ; 3° Prendre en compte les références de production ou droits à aide dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; (...) ;
Considérant que, pour refuser à M. Y l'autorisation d'exploiter sollicitée, le préfet du Calvados, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, s'est fondé sur le démembrement de l'exploitation de M. et MmeX qui résulterait de ce projet, a vérifié que le demandeur ne pouvait bénéficier d'aucune des priorités prévues par le schéma directeur départemental des structures agricoles et a relevé le désaccord exprimé par les exploitants en place ;
Considérant que si le préfet ne pouvait se fonder, pour refuser à M. Y l'autorisation qu'il sollicitait, sur les priorités du schéma directeur, ces dispositions n'étant applicables que lorsque le bien, objet de la reprise, fait l'objet de plusieurs demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 331-1 du code rural que l'objectif prioritaire du contrôle des structures consiste, notamment à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables, quelle que soit leur superficie, y compris lorsque les exploitants ont, comme M. et MmeX, la qualité d'agriculteurs pluriactifs ; qu'ainsi, le préfet de la Manche a pu légalement prendre en compte les effets de l'opération envisagée par M. Y de nature à entraîner le démembrement de l'exploitation des requérants dont la superficie déjà inférieure à l'unité de référence aurait été ramenée à moins de 25 ha ; que M. et MmeX soutiennent sans être contredits que la reprise de ces terres par M. Y entraînerait la perte des quotas laitiers de 28 000 litres qui y sont attachés alors que la quantité totale de références laitières dont ils disposent pour la campagne 2001/2002 est d'environ 93 000 litres ; que ces conséquences seraient de nature à mettre en péril l'autonomie de l'exploitation des appelants, âgés de cinquante-trois et cinquante ans, qui doivent, par ailleurs, rembourser des emprunts jusqu'en 2011 ; que ces derniers ont un enfant à charge alors que M. Y, alors âgé de quarante-six ans, est célibataire sans enfant ; que le projet de M. Y ne vise qu'à se procurer, après plantation de pommiers à basse tige, un complément de revenus à son activité professionnelle exercée à temps partiel ; que la circonstance que le préfet du Calvados ait cru devoir relever dans sa décision le désaccord du preneur en place est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, bien que les revenus de M. Y soient inférieurs à ceux des preneurs en place, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté préfectoral contesté du 18 juillet 2002, le tribunal administratif a estimé que le préfet du Calvados a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du préfet du Calvados du 18 juillet 2002 refusant à M. Y l'autorisation d'exploiter une surface de 7 ha 76 a sur le territoire de la commune de Saint-Georges-d'Aunay ;
Considérant que la cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête au fond formée par M. et MmeX contre le jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 avril 2003 ; que, par suite, leurs conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;
Sur la requête n° 06NT02087 :
Considérant que, statuant sur une nouvelle demande de M. Y, le préfet du Calvados lui a ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par arrêté du 12 septembre 2003 contesté, délivré l'autorisation d'exploiter les parcelles litigieuses ; que cet arrêté vise le jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 avril 2003 et se fonde expressément sur ses motifs ; qu'il résulte de ce qui précède que ces motifs n'étaient pas de nature à justifier légalement une autorisation d'exploiter délivrée au profit de M. Y ; que, dès lors, M. et Mme X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce même arrêté ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à M. Y la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat et M. Y à verser à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et MmeX tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Caen du 8 avril 2003.
Article 2 : Les jugements du Tribunal administratif de Caen des 8 avril 2003 et 19 octobre 2006, ensemble la décision du préfet du Calvados en date du 12 septembre 2003 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. Y et le surplus des conclusions de M. et Mme X sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X, à M. Alain Y et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
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