Vu la requête enregistrée le 29 août 2007, présentée pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 12, rue Robert Fossorier à Deauville (14803), par Me Lamorlette, avocat au barreau de Paris ; la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 06-533, 06-540, 06-547, 06-548, 06-549, 06-557 et 06-569 du 22 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de Mme X, de la société civile professionnelle de notaires (SCP) Eric Spoor et Guy Pigaux, de Me Pigaux et de la société à responsabilité limitée Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine, les deux décisions du 16 janvier 2006 par lesquelles son président a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AB 92 et AB 104 à Blonville-sur-Mer et A 922 à Bénerville-sur-Mer (Calvados) ;
2°) de condamner solidairement Mme X, la SCP Eric Spoor et Guy Pigaux et la Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 :
- le rapport de M. François, rapporteur ;
- les observations de Me Claude-Loonis, substituant Me Chergui, avocat de la société Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine ;
- les observations de Me Olivier, substituant Me Griffiths, avocat de Mme X ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par jugement du 22 juin 2007, le Tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de Mme X, de la société civile professionnelle (SCP) de notaires Eric Spoor et Guy Pigaux et de la société à responsabilité limitée Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine, les deux décisions du 16 janvier 2006 par lesquelles le président de la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AB 92 et AB 104 à Blonville-sur-Mer (Calvados) et A 922 à Bénerville-sur-Mer (Calvados) ; que la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE interjette appel de ce jugement ;
Sur la légalité des décisions de préemption du 16 janvier 2006 du président de la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme : “Sont soumis au droit de préemption (...) tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés, à titre onéreux (...)” ; qu'aux termes de l'article L. 213-2 dudit code : “Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...). Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. (...)” ; qu'aux termes de l'article L. 213-7 du même code : “A défaut d'accord amiable sur le prix, tout propriétaire d'un bien soumis au droit de préemption, qui a manifesté son intention d'aliéner ledit bien, peut ultérieurement retirer son offre. (...)” ;
Considérant que Mme X a consenti, le 2 juillet 2005, à la société Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine, une promesse de vente pour le prix de 700 000 euros, portant sur un terrain de 7 407 m², formé des parcelles cadastrées AB 92 et AB 104 sises à Blonville-sur-Mer et de la parcelle A 922 sise à Bénerville-sur-Mer, dont elle est propriétaire ; que le 17 novembre 2005, la SCP Spoor et Pigaux, notaire de Mme X, et qui, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, doit être regardée comme sa mandataire, a transmis à chacune des communes concernées une déclaration d'intention d'aliéner mentionnant, par erreur, le prix de 153 000 euros pour l'ensemble des parcelles mises en vente ; que, par délibération du 14 janvier 2006 et du 15 janvier 2006, les conseils municipaux de Blonville-sur-Mer et de Bénerville-sur-Mer ont, respectivement, demandé à la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE, délégataire du droit de préemption urbain, d'exercer ce droit au prix indiqué dans les déclarations d'intention d'aliéner, puis de rétrocéder à chaque commune les parcelles relevant de son territoire ; que le président de la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE a pris, le 16 janvier 2006, les deux décisions de préemption contestées ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition régissant les droits de préemption institués par le titre 1er du livre II du code de l'urbanisme et, notamment, des dispositions précitées des articles L. 213-1, L. 213-2 et L. 213-7 de ce code, que l'intention d'aliéner exprimée dans la déclaration souscrite par le propriétaire d'un bien soumis auxdits droits ne puisse être librement et à tout moment rétractée par celui-ci, tant que l'autorité compétente ne lui a pas fait connaître sa décision d'exercer le droit de préemption au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du constat d'huissier produit, que dans la matinée du 17 janvier 2006, Me Pigaux, notaire de Mme X, a rencontré successivement entre 10h20 et 11h05, le maire de Blonville-sur-Mer, le maire de Bénerville-sur-Mer et un représentant de la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE pour leur faire connaître qu'il retirait les déclarations d'intention d'aliéner qu'il leur avait adressées, en raison de ce qu'elles comportaient une erreur matérielle sur le prix de vente des terrains concernés ; qu'eu égard à la rétractation de l'intention d'aliéner effectuée dans ces conditions, les décisions de préemption litigieuses, bien qu'elles mentionnaient la date du 16 janvier 2006, n'ayant fait l'objet d'une notification qu'aux dates ultérieures du 17 janvier 2006 à 16h40 à l'égard de Me Pigaux, et du 25 janvier 2006 vis-à-vis de Mme X et de la société Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine, n'avaient donc pu faire connaître aux intéressés, préalablement à cette rétractation, l'acceptation du titulaire du droit de préemption, de sorte que ces mêmes décisions n'avaient pu légalement emporter un tel effet ; qu'elles sont donc entachées d'illégalité pour ce premier motif ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : “Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat, la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. (...)” ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : “Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat (...)” ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;
Considérant que si les décisions de préemption contestées renseignent suffisamment sur la nature de l'opération projetée en visant “le projet de programme local de l'habitat arrêté par délibération du conseil communautaire le 19 novembre 2005” et en mentionnant que “l'objet pour lequel la préemption est exercée est, dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique locale de l'habitat, la réalisation d'un programme de logements mixtes à vocation sociale et intermédiaire”, en revanche, par cette seule indication, non autrement étayée, dépourvue de précisions sur le lieu d'implantation de l'opération projetée, la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE n'établit pas de façon claire la réalité dudit projet, ni même que les communes de Blonville-sur-Mer et Bénerville-sur-Mer seraient personnellement concernées par les actions envisagées dans le cadre du programme local de l'habitat ; qu'il suit de là que les décisions contestées ne satisfont pas à l'ensemble des exigences énoncées par les dispositions précitées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme et sont, pour ce second motif, entachées d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a annulé les deux décisions du 16 janvier 2006 par lesquelles le président de la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AB 92 et AB 104 à Blonville-sur-Mer et A 922 à Bénerville-sur-Mer ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que Mme X, la SCP Eric Spoor et Guy Pigaux, Me Pigaux et la Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE à verser à Mme X une somme de 500 euros, à la SCP Eric Spoor et Guy Pigaux et à Me Pigaux une somme globale de 500 euros et à la Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine une somme de 500 euros, au titre des frais de même nature exposés par ces derniers ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE versera à Mme X une somme de 500 euros (cinq cents euros), à la SCP Eric Spoor et Guy Pigaux et à Me Pigaux une somme globale de 500 euros (cinq cents euros) et à la Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine une somme de 500 euros (cinq cents euros), au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE DE COMMUNES CŒUR COTE FLEURIE, à Mme Colette X, à la Compagnie de Construction et de Promotion de la Seine, à la société civile professionnelle de notaires Eric Spoor et Guy Pigaux et à Me Guy Pigaux.
Une copie en sera, en outre, adressée à la commune de Blonville-sur-Mer (Calvados), à la commune de Bénerville-sur-Mer (Calvados) et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
N° 07NT02693
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