Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2007, présentée pour la SOCIETE DE FAIT HYGIATOP, qui a son siège 146 bis, avenue de Maunoury, à La Chaussée-Saint-Victor (41260), par Me Do Nascimento, avocat au barreau d'Aix-en-Provence ; la SOCIETE DE FAIT HYGIATOP demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 05-318 et 05-2197 en date du 17 avril 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 et du 1er janvier 2003 au 31 mai 2004 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à lui verser une somme dont le montant sera indiqué avant l'audience ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 96-879 du 8 octobre 1996 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2008 :
- le rapport de M. Lemai, président-rapporteur ;
- les observations de Me Do Nascimento, avocat de la société HYGIATOP ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le moyen tiré par la société HYGIATOP de ce que son activité n'aurait pas un caractère commercial est sans incidence sur son droit à bénéficier au titre de cette activité de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ; que, par suite, en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur le principe de l'imposition de la société HYGIATOP à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : “I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel” ; et qu'aux termes de l'article 261 du même code : “Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4. (professions libérales et activités diverses) : 1° les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...)” ; que le législateur a ainsi entendu exonérer les actes régulièrement dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris en application d'une telle disposition ;
Considérant que Mme X, M. Y et M. Z, masseurs-kinésithérapeutes, ont constitué ensemble, en novembre 1996, la société de fait HYGIATOP afin d'exploiter à La Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher) un établissement proposant au public, notamment, des cours de gymnastique, d'aquagym, des cures d'amincissement, des soins de balnéothérapie ainsi que l'accès libre à un hammam, un sauna et une salle de musculation ; que cette société s'est estimée en droit de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions précitées du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts au motif que toutes ses recettes correspondaient à des soins que ses associés étaient régulièrement habilités à dispenser en leur qualité de masseur-kinésithérapeute ; qu'après avoir fait l'objet successivement de deux vérifications de comptabilité et d'un contrôle sur pièces, elle a été taxée d'office au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 mai 2004 ;
Considérant que les soins que les masseurs-kinésithérapeutes sont habilités à dispenser dans l'exercice de leur profession, telle que celle-ci est réglementée par les articles L. 4321-1 et suivants du code de la santé publique et par le décret susvisé du 8 octobre 1996, alors en vigueur, pris pour leur application, entrent dans le champ d'application de l'exonération prévue par les dispositions précitées, alors même que ces actes ne sont pas effectués sur ordonnance médicale ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, durant la période litigieuse, la société HYGIATOP proposait à sa clientèle, moyennant la souscription d'abonnements mensuels, trimestriels ou annuels, l'accès à ses équipements et un ensemble de prestations variées ; qu'au nombre de ces prestations figuraient notamment des cours de step, de stretching, de culture physique dont il n'est pas établi au vu de l'instruction qu'ils auraient été dispensés durant la période litigieuse dans un but préventif afin d'éviter la survenue ou l'aggravation d'une affection, au sens de l'article 4 du décret susvisé du 8 octobre 1996, ni que leur contenu aurait été différent des prestations de même nature couramment proposées par des entreprises commerciales de remise en forme non exploitées par des masseurs-kinésithérapeutes telles que celles, citées par l'administration, situées à proximité de l'établissement de la société requérante ; que, d'ailleurs, la société HYGIATOP a fait appel, au moins jusqu'en avril 2003, à des éducateurs sportifs pour dispenser ces cours ; qu'il n'est pas établi qu'après cette date et jusqu'au 31 mai 2004, terme de la période litigieuse, ces mêmes cours auraient été dispensés par des masseurs-kinésithérapeutes diplômés ; qu'ainsi, ces prestations ne pouvaient être regardées comme des actes de soins que seuls les masseurs-kinésithérapeutes auraient été habilités à pratiquer ; que la circonstance que les éducateurs sportifs susmentionnés étaient salariés jusqu'en avril 2003 d'une société distincte, la société Top Profs, qui refacturait à la société HYGIATOP le coût de leur intervention est sans incidence à cet égard ; qu'il suit de là que les recettes y afférentes perçues par la société HYGIATOP ne pouvaient ouvrir droit à exonération sur le fondement du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ; qu'en admettant que les autres prestations proposées par la société requérante moyennant la souscription d'abonnements figuraient au nombre des actes visés par la réglementation de la profession de masseur-kinésithérapeute et étaient effectivement dispensées par des membres de cette profession, il résulte de l'instruction qu'elles ne faisaient pas l'objet d'une comptabilité distincte permettant d'isoler les recettes correspondantes ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a taxé l'ensemble des recettes tirées par la société requérante, durant la période litigieuse, des abonnements souscrits par sa clientèle ; qu'en ce qui concerne les cures d'amincissement également proposées par la société requérante à sa clientèle, il résulte de l'instruction qu'elles comprenaient notamment, outre des massages, des soins d'esthétique corporelle assurés par des esthéticiennes employées par une société tierce, la société Bleu Marine, laquelle facturait à la société HYGIATOP ses prestations de mise à disposition de personnel ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les actes accomplis par ces esthéticiennes entraient dans le champ de compétence d'une profession paramédicale réglementée ; qu'ils ne pouvaient, dès lors, ouvrir droit à exonération ; que les recettes correspondantes n'étaient pas comptabilisées distinctement de celles provenant des soins dispensés sous forme de massage par des masseurs-kinésithérapeutes dans le cadre des cures d'amincissement ; qu'ainsi, alors même que les prestations assurées par les esthéticiennes n'auraient représenté qu'une faible part du chiffre d'affaires de la société requérante, c'est à bon droit que l'ensemble des recettes tirées des cures d'amincissement ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société HYGIATOP ne peut utilement soutenir, pour pallier l'absence de comptabilisation distincte de ses recettes taxables, que l'administration aurait dû rechercher le montant desdites recettes dans les comptes des sociétés Top Profs et Bleu Marine ; que la circonstance que l'administration aurait requalifié à tort les bénéfices non commerciaux déclarés par la société HYGIATOP en bénéfices industriels et commerciaux est sans incidence sur le principe de l'imposition de cette société à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : “Sont taxés d'office : (...) 3° Aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevable des taxes (...)” ;
Considérant qu'il est constant que la société HYGIATOP n'a déposé, au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 mai 2004, aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée alors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle était redevable de ladite taxe ; que si, au cours de la première vérification de comptabilité dont la société HYGIATOP a fait l'objet, qui a porté en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 et qui a commencé le 7 septembre 2001, l'administration lui a adressé le 19 octobre suivant, alors qu'elle n'y était pas tenue, une mise en demeure de déposer une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée et a accompagné cet envoi d'une lettre explicitant les raisons pour lesquelles elle estimait que la société était redevable de la taxe, cette simple lettre, qui ne mentionnait aucun rehaussement ni montant chiffré de taxe, n'a pas constitué, contrairement à ce que soutient la société requérante, une notification de redressements et n'a pas mis fin à la vérification de comptabilité ; qu'aucune disposition ne prévoit, durant le délai fixé par la mise en demeure de déposer une déclaration, l'ouverture éventuelle d'un débat avec le contribuable sur le bien-fondé de la demande du service ; que ce dernier n'était ainsi pas tenu de répondre aux observations présentées par la société requérante en réponse à la lettre susmentionnée du 19 octobre 2001 ; que les deux vérifications de comptabilité dont la société HYGIATOP a fait l'objet ont donné lieu à plusieurs interventions sur place des vérificateurs ; que si la société requérante, qui se présente comme victime d'un acharnement de l'administration, soutient que ces contrôles ne se seraient pas déroulés dans des conditions normales de neutralité, que le service se serait comporté de manière “cavalière, arbitraire et peu scrupuleuse”, elle ne l'établit pas, comme il lui appartient de le faire, en se bornant à faire valoir que le second vérificateur n'a pas reproduit à l'identique, dans la notification de redressements qu'il a rédigée, les motifs de redressements énoncés par le premier vérificateur, que le service a fait plusieurs fois référence au cours de la procédure au fait qu'un ancien associé de la société avait été assujetti à un rappel de taxe au titre d'une période antérieure à celle concernée par le présent litige, enfin, que les motifs des redressements auraient été inspirés par les arguments qu'elle aurait échangés dans le cadre d'une procédure de contrôle distincte avec la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher ; que, dans ces conditions, nonobstant la triple circonstance que la société requérante se croyait exonérée de cette taxe, qu'elle a souscrit régulièrement les déclarations de ses bénéfices imposables et que sa bonne foi n'a pas été mise en cause, l'administration a pu légalement procéder, par voie de taxation d'office, à l'assujettissement des recettes litigieuses à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était dès lors incompétente pour donner son avis sur le litige qui opposait la société HYGIATOP à l'administration ; que le moyen tiré de l'absence de saisine de cet organisme malgré la demande formulée en ce sens par la requérante doit, par suite, être écarté comme inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : “1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie” ;
Considérant, d'une part, que si la société HYGIATOP soutient que l'administration, en lui appliquant la procédure de taxation d'office et en la privant, par voie de conséquence, de certaines garanties attachées à la procédure contradictoire, telle que la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, aurait méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'établit, ni même n'allègue, que cette procédure aurait emporté des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure qu'elle a ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que le moyen tiré par la société HYGIATOP de la violation du paragraphe 2 du même article 6 n'est assorti d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier la portée ; qu'il ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société HYGIATOP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la société HYGIATOP une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société HYGIATOP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DE FAIT HYGIATOP et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 07NT01737
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